Antiquité du point Godwin

Selon de nouveaux documents d’archives (voir ci-dessus), Atlantico a découvert que le point Godwin existait avant la Deuxième guerre mondiale – sinon de toute éternité. La référence à la tragédie nazie serait une caractéristique anthropologique primitive, un réflexe cognitif élémentaire.

C’est du moins la démonstration que me propose d’effectuer ce site archéologique bien connu, pour demain matin, en échange de la publication de ma photo et de la promotion par hyperliens de mes derniers ouvrages. Tu voudrais pas en plus qu’on te paye pour écrire l’article qu’on te commande?

«Cher monsieur,
Je suis journaliste pour le site Atlantico.fr et souhaiterais vous proposer la rédaction d’une tribune sur le thème « Point Godwin : cela a toujours existé, cela correspond à un besoin de l’homme »
Il s’agirait de faire écho aux déclarations de Serge Letchimy en démontrant que le point godwin (le fait que « plus un débat avance dans le temps plus la probabilité d’en venir à l’argument nazi est grande »), meme avant la seconde guerre mondiale, a toujours existé, et que le fait de faire constamment référence à une tragédie passée est une caractéristique naturel (sic) de l’homme.
L’idée serait donc de rédiger une courte tribune (3000 signes environ, soit 1 page et demie format Word) que nous souhaiterions publier au plus vite (l’idéal serait demain).
Nous ferions également figurer votre biographie, bibliographie, photo et hyperliens de votre choix (sites internet, blog, et ouvrages en vente).
Je vous encourage à prendre contact avec moi si cela vous intéresse.

Bien cordialement…»

PS. Pour mémoire, ma réponse du 8 mai 2011 à Atlantico tient toujours… 😉
PPS. Et à propos du point Godwin, on peut constater, à défaut de son antiquité, la remarquable stabilité de l’état du débat franco-français sous l’ère Sarkozy…

12 réflexions au sujet de « Antiquité du point Godwin »

  1. Si seulement on était en avril, on n’aurait pas à se dire que ce n’est malheureusement pas une blague. Et le sujet et l’approche sont consternants (et je trouve très peu de choses consternantes en général). A verser à ton dossier (bétisier) du rapport des média au scientifique. Merci André!

  2. Ce que je trouve particulièrement consternant, pour ma part, c’est que sous le terme de « thème » de l’article, ils formulent la thèse et un bout de la démonstration que tu es censé mener… A ce stade de certitudes (prises sur un autre site semble-t-il), ils peuvent l’écrire tout seul…
    On voit bien ici, dans ce cas extrême, comment est souvent considérée la parole de l’expert dans les médias… un peu comme les images d’illustration, on le laisse parler, mais on maîtrise le contexte et la légende…
    Ce retour à l’envoyeur est excellent !

  3. @Gil: Le procédé est particulièrement ignoble, puisqu’il s’agit de faire endosser par un tiers une idée d’article déjà exploitée ailleurs. Ou comment pomper Slate sans se faire accuser de plagiat…

    @Olivier: Remarque parfaitement exacte: l’expert est celui qui dira ce que le média a par avance décidé (relire également « 15 secondes pour France 5« ). Il s’agit donc d’une pratique d’externalisation journalistique, avec les avantages de l’autorité et de la gratuité – pourquoi s’en priver?

  4. « un peu comme les images d’illustration, on le laisse parler, mais on maîtrise le contexte et la légende… »
    La comparaison est pertinente, mais en même temps je ne suis pas certain que la photo d’illustration soit un argument d’autorité, contrairement à l’expert. Ou alors ce n’est plus tout à fait une photo d’illustration parce que c’est le texte qui développe, commente, illustre l’image et non l’inverse.
    Mais la comparaison avec l’utilisation des experts par les journalistes reste pertinente. Le journaliste peut faire appel à un expert pour avoir son avis sur un sujet et bâtir son article à partir de cet avis, ou n’utiliser l’expert que pour qu’il écrive l’article à sa place, comme il pourrait le demander à un stagiaire, avec l’argument d’autorité en plus.

  5. M’enfin, de quoi vous plaignez-vous, contre la gratuité de vos sang sueur et larmes ils vous proposaient de mentionner vos hauts faits de plume ! Moi, je n’ai pas eu autant de chance sur Rue 89 ! La preuve dans ce message de fin :

    //Bon, ceci est mon dernier message, je vous informe de mon départ de la Rue.
    L’envie de ce départ fut la reprise par Rue89 le mensuel de mon article sur l’Art Contemporain (n°3, p 101). Sur le coup, je fus flatté (qui ne l’aurait été). Ensuite, je me dis (et le fis savoir à la rédaction) que fournir bénévolement de quoi gagner son pain quotidien à d’autres, ça le faisait moyen. Je n’ai rien contre le bénévolat, j’en fais, mais c’est avec et pour des gens bénévoles comme moi, pas des professionnels. J’ajoutai aussi mon regret que Rue89 n’ait pas mentionné, en signature, le fait que j’étais écrivain et donc avec des livres à vendre (cliquer su mon lien).
    On me répondit, entre autres, que les tribunes publiées par Le Monde et Libé ne sont pas rémunérées.
    Je répondis que certes, mais au moins on fait état des titres et des travaux de leurs auteurs.
    Là-dessus : depuis 10 jours aucune réponse, même pas le regret d’avoir oublié cette mention qui n’aurait rien coûté à la Rue et m’aurait (peut-être) permis de commencer à regagner l’argent que jusqu’ici j’ai perdu, écrire un livre ça coûte cher.
    Même pas ce minimum qui m’aurait fait encaisser de bosser gratos pour le mensuel. Alors, cette goutte a fait déborder le vase.
    « L’info à trois voix » est un jeu de dupes. Nous sommes tous égaux certes, mais certains sont moins égaux que d’autres : les simples riverains.//

  6. Et encore, on te propose de mettre ton nom sous le texte! Pour ma part j’ai assisté à la reprise de mon travail sans citation de la source dans un article de Pouvoirs Locaux signé par Cécile Moyon. Pour avoir accordé un entretien de deux heures sur un sujet que je maîtrise mieux que l’intéressée (c’est mon sujet de thèse) et pour voir mes mots repris pratiquement textuellement à partir d’un article déjà publié, je vois mon nom cité au détour d’une note, à propos d’un sujet mineur… Quand j’ai contacté la rédactrice en chef et l’auteure, on m’a proposé un entretien avec l’intéressée pour faire « amende honorable »! A ce point là, il n’y a aucune reconnaissance du travail de recherche, pas même symbolique.

  7. Thatcher the Snatcher avait inventé les working poors, les travailleurs pauvres, Huntington and co font mieux, ils inventent les travailleurs gratuits. Le MEDEF en a rêvé, eux le font.

    Mais s’ils peuvent le faire, c’est parce qu’ils titillent un travers fort répandu dans la blogoboule et pas que : la vanité. Relire le Corbeau et le Renard…

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