Sarkozy est-il bon pour le cinéma?

Reprenant une photo déjà utilisée en couverture de Télé 2 semaines le 3 décembre, Paris-Match sacre à son tour Intouchables comme « phénomène ». Ayant dépassé la barre des 13 millions d’entrées en 6e semaine, le film tutoie désormais les plus grands succès du box-office français (Bienvenue chez les Ch’tis: 20 millions; La Grande Vadrouille: 17 millions; Astérix et Obélix, mission Cléopâtre: 14 millions; Les Visiteurs: 13 millions).

A noter que, dans les films récents, ni le succès des Visiteurs ni celui d’Asterix et Obélix n’avaient fait l’objet de tentatives d’interprétation à caractère sociétal. En revanche, la solidarité surlignée des Ch’tis avait permis de le décrire comme un exutoire à l’égoïsme sarkozyste. L’éloge de la « fraternité » d’Intouchables s’inscrit dans la même veine d’une fiction venue racheter la brutalité du monde contemporain. Une lecture que pourrait confirmer le classement final en 2e ou 3e position du film, venant renforcer le constat que les années Sarkozy auront été plutôt fastes pour les comédies à prétexte social.

Cette interprétation est-elle pertinente? Difficile de dire si Les Neiges du Kilimandjaro auraient fait moins d’entrées (près de 500.000 en 4 semaines) sous Chirac. On peut par contre en déduire que le consensus est acquis sur le caractère barbare du régime.

4 réflexions au sujet de « Sarkozy est-il bon pour le cinéma? »

  1. L’interprétation à caractère sociale est probablement plus simple à mettre en oeuvre avec des films qui se déroulent dans notre propre société (même si « les Visiteurs » y font irruption, c’est le décalage qui rend l’action humoristique)…
    (d’autre part, peut-être incidemment, mais ce n’est pas certain – et en tout cas, c’est peut-être bien la réponse à ton titre- , Omar Sy, l’un des héros du champion du box office de la fin 2011, a jugé bon de refuser l’invitation au palais au prétexte d’un tournage qui ne pouvait attendre : la raison est intéressante, l’action tout autant :
    http://www.adobuzz.com/news/40766-intouchables-omar-sy-raccorche-nez-niclas-sarkozy-refuse-elysee.html
    ou plus proche du palais :
    http://www.lexpress.fr/culture/cinema/omar-sy-n-ira-pas-a-l-elysee_1061396.html).

  2. Intéressant point de vue !
    La salle de cinéma devient un lieu de consolation (pas plus) contre les effets destructeurs du sarkozysme…
    Dans Intouchables, cela se joue peut-être plus à un niveau affectif qu’au niveau de la signification du rapprochement entre Driss et Philippe, qui n’est pas éloignée de l’idéologie de la réussite individuelle sarkozyste ; il ose, il ne respecte pas les conventions, il croit en lui, il réussit… Un vitalisme darwinien transposé dans le champ social est ainsi illustré. Les forts dépassent leurs handicaps et se reconnaissent entre eux, quels que soient leur oripeaux…
    Mais, plus simplement et presque en-deça du film, les français ont besoin de sortir de la lutte pour la survie économique que le Sarkozysme a instaurée comme thème d’un « réveil » national, pour se retrouver dans un collectif, un phénomène social large, sur un terrain neutre, autour d’un champion qui fait mentir son cliché (le ch’ti ou le looser de banlieue), transgressant, le temps d’un carnaval cinématographique, les catégories sociales et les représentations stéréotypées que le sarkozysme a si bien renforcées.
    Le cliché ch’ti (Dany Boon) devenu riche à millions grâce à son film était allé manger sa soupe dans la porcelaine de l’Elysée, alors qu’Omar Sy, soucieux d’un peu de cohérence et peut-être pétri d’éthique, a refusé cette récupération, indiquant au passage qu’il y a bien un lien entre le succès du film et le sarkozysme… Même s’il ne l’a pas dit clairement et s’est caché derrière un argument diplomatique, c’est un geste éloquent et louable…
    Ce refus poli, venant du premier comédien issu des catégories stigmatisées par Sarkozy à avoir atteint un tel niveau de popularité et de réussite commerciale, nous indique que ce n’est pas la crise économique, fatalité universelle, mais la violence des distinctions (ruptures) sociales renforcées par l’ère Sarkozy qui sont à l’origine de l’énergie déployée dans et autour de ces films-carnavals dont le peuple sempare.

    On pourrait peut-être en dire autant pour le blogging, non ? Au moins durant les trois premières années de son mandat… Il est vrai qu’aujourd’hui, étant devenu un robot sans âme qui répète, de sommet de la dernière chance en sommet de la dernière chance, les mêmes recettes de communicant au service de la peur du déclassement (dans tous les domaines), il suscite plus un mépris silencieux et l’indifférence …

  3.  » On peut par contre en déduire que le consensus est acquis sur le caractère barbare du régime. »

    Toi, tu vas avoir des problèmes ! 😉

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