L'attente du cinéma, c'est déjà du cinéma

Sur le périphérique parisien, à proximité de la porte d’Italie, on peut voir cette publicité sous forme de peinture murale pour le prochain épisode de Harry Potter (Harry Potter et les reliques de la mort, 2e partie), assortie d’un afficheur qui annonce le décompte avant la sortie du film: – 40 jours, 6 heures, 23 minutes (photo prise le 3 juin).

On peut éprouver des émotions intenses au cinéma. Mais le meilleur film est toujours celui qu’on n’a pas encore vu, celui qu’on attend, celui qu’on rêve. L’installation de cette attente est devenue l’un des principaux volets de l’œuvre cinématographique, une œuvre parallèle parfois aussi importante que le film, du point de vue de son organisation, de son budget, mais aussi de son pouvoir imaginaire. On ne va pas voir le même film selon la qualité de l’attente qui a précédé sa sortie. L’attente du cinéma est déjà du cinéma. Il est regrettable que la recherche accorde si peu d’attention à cette dimension constitutive de la construction culturelle.

4 réflexions au sujet de « L'attente du cinéma, c'est déjà du cinéma »

  1. Quelques chiffres :
    – le poste marketing (publicité et frais afférents) se situe dans une fourchette allant de la moitié à trois fois le coût de production d’un film ;
    – 70% des budgets sont dépensés sur Paris-IDF qui réalisent uniquement 30% des entrées.
    Pour un produit culturel, la diffusion de l’information le concernant fait partie intégrante du produit et de sa « consommation » (on ne tire pas, j’ai mis les guillemets…)
    Il y a des sociétés spécialisées dans le marketing prévisionnel au cinéma qui peuvent déterminer, selon le casting, la date de sortie, le réalisateur, la concurrence le jour de sortie, l’atteinte des objectifs. « Cette probabilité peut dépasser 90% pour un énième Harry Potter ! » Claire Moriset, OMIC, novembre 2005.

  2. @ Ksenija: Merci pour ces précisions bienvenues!

    @ Alexis: Merci pour le signalement. Inception fournit effectivement ce qui me semble être l’exemple d’une campagne promotionnelle peut-être plus intéressante que le film lui-même 😉 Il est dommage que personne ne se soit penché de plus près sur ses stratégies, son déroulement, ses effets sur la perception du film… (Je précise que le billet ci-dessus est un simple relevé symptomatique: c’est évidemment à chaque fois l’ensemble d’une campagne qui est à prendre en compte, avec les centaines de signaux qu’elle envoie, dont l’affichage n’est qu’une manifestation parmi d’autres. Pas la moins significative, cela dit, car en terme d’indication d’échelle, la taille monumentale atteinte par certaines publicités fonctionne bel et bien comme une confirmation de la valeur hiérarchique éminente de l’oeuvre ainsi promue.)

  3. (C’est pas joli joli de prendre des photos en conduisant…)
    Ce post me fait penser à l’attente que je ressentais pour le film de … Terrence Malick, l’année dernière où des bruits « fuitaient » (comme on dit aujourd’hui) sur sa possible présence cannoise, et peut-être quelque chose comme une sorte de scandale (orchestration due probablement au service marketing production).
    Les chiffres cités par Ksenija remettent à l’heure de la réalité les pendules du cinéma comme un art ou une industrie (en tout cas, de consommation, avec ou sans guillemet, devient une qualification particulièrement avérée).

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