Ecrit à partir de trois notes revues et augmentées [1] « Cannes, ou la visibilité au carré« , 25/05/2012; « Les photos qu’on ne montre pas« , 29/07/2012; « Photos de vacances« , 05/09/2012, L’Atelier des icônes., cet article est la version rédigée de ma contribution au séminaire “Fotografia e experiência: os desafios da imagem na contemporaneidade“ (Rio de Janeiro, 14-16/08/2012), à paraître en traduction portugaise.
Savons-nous interpréter les usages privés de la photographie? Dans L’Impossible voyage, le tourisme et ses images (1997), Marc Augé, à l’occasion d’une visite à Disneyland Paris, constate qu’«on ne visite pas Disneyland sans au moins un appareil photo». Il remarque ensuite que «chacun de ceux qui filmaient ou photographiaient était lui-même filmé ou photographié filmant ou photographiant [2] Marc Augé, L’Impossible Voyage. Le tourisme et ses images, Paris, Rivages, 1997, p. 24-26.».
Pourtant, ces observations ne débouchent sur aucune analyse des fonctions de la photographie en société. L’anthropologue se borne à noter qu’«on va à Disneyland pour pouvoir dire qu’on y est allé et en fournir la preuve [3] Ibid., p. 26.». Pourquoi s’étendre outre mesure sur un symptôme si simple, qui semble s’épuiser dans la banalité d’une action mille fois répétée?
Réflexivité de l’attention
En prenant l’avion pour Rio de Janeiro, où j’étais invité à un séminaire [4] Séminaire “Fotografia e experiência: os desafios da imagem na contemporaneidade“, organisé par l’Ecole de communication de l’université fédérale de Rio de Janeiro, 14-16/08/2012., j’ai été confronté à un phénomène de contagion photographique apparemment semblable. Attendant l’heure d’embarquer à l’aéroport de Roissy, je vois se former un essaim bourdonnant au milieu de l’allée. Alors que le groupe est encore peu nombreux et sa motivation mystérieuse, la présence d’un photographe doté de l’équipement typique du professionnel (un reflex à la main, un autre en bandoulière), puis d’un caméraman muni d’un modèle d’épaule fournissent les premières indications d’une attractivité élevée. Alertés par cet affairement (et peut-être inquiets d’un possible retard), mes voisins et moi-même scrutons le groupe qui s’agrandit, convaincus qu’il témoigne de l’arrivée imminente d’une personnalité.
Mais la particularité d’un tel rassemblement est que sa formation contrecarre inévitablement la visibilité dont il est le théâtre, augmentant par paliers la puissance centrifuge issue de cette contradiction. Au fur et à mesure de l’accroissement de sa densité, il devient de plus en plus difficile de distinguer le sujet qui en est l’origine – sauf à céder à l’attraction générée par le vortex. A plus forte raison quand on ignore tout de l’actualité sportive, ce qui est mon cas – car il s’agissait de l’équipe olympique brésilienne, chargée de rapporter, par le même vol que le mien, le drapeau des Jeux de Londres à Rio, lieu de la prochaine olympiade.
Le phénomène qu’on peut nommer essaim attentionnel, monument instantané, rappelle une figure classique du répertoire visuel: la confrontation d’un personnage avec un groupe de journalistes, tel qu’on peut par exemple l’observer à plusieurs reprises dans les aventures de Tintin (Tintin au Congo, 1931; L’Ile noire, 1938; etc…).
Mobilisée par la photo, la caricature, la bande dessinée, le cinéma ou la télévision, cette figure atteste de manière spectaculaire le rôle de la médiation journalistique dans la sélection des faits culturels. Très facile à interpréter, elle peut être décrite de manière quasi-géométrique comme la construction d’un point focal de l’attention, désigné par la foule des journalistes, dont l’attractivité se déduit logiquement du nombre de professionnels accourus pour rendre compte de l’événement.
Dès le début du XXe siècle, on peut observer les progrès du devenir-visuel de l’information à travers l’émergence de la version « outillée » du rassemblement de journalistes, munis d’appareils photos, de caméras ou de micros – forme moderne d’un phénomène qui devient à son tour indicateur de prosécogénie [5]J’ai proposé en 2010 le terme “prosécogénie”, défini comme “qualité de ce qui suscite l’attention”. Construit sur le modèle de “photogénie” ou de “cinégénie” à partir de … Continue reading. Tout comme Versailles, théâtre de la focalisation de l’attention [6] Cf. Norbert Elias, « L’étiquette et la logique du prestige », La Société de cour (1969, trad. de l’allemand par P. Kamnitzer et J. Etoré), Paris, Flammarion, 1985, p. 63-114., un certain nombre de lieux ou d’événements – conférences de presse, festivals, premières, défilés de mode, etc… – sont organisés pour favoriser cette mise en scène de la visibilité, signature de la réflexivité médiatique.
Pourquoi la mobilisation attentionnelle se manifeste-t-elle à travers l’activité d’enregistrement visuel? Dans le cas du rassemblement médiatique, c’est parce que la production de l’information passe par la diffusion d’un spectacle. Mais ce volet ne constitue que le premier moment du phénomène observé à Roissy. La mobilisation visible des professionnels entraîne un attroupement corollaire constitué par les témoins présents, qui s’agglutinent à leur tour et reproduisent – mais avec un matériel différent – l’activité d’enregistrement qui matérialise le pic attentionnel.
Je remarque une jeune femme munie d’une caméra professionnelle, un peu à l’écart, visiblement chargée de filmer la foule en plan large. La figure de l’essaim attentionnel a bien été identifiée comme un signe de valorisation de l’événement et fait l’objet d’un traitement réflexif organisé.
Le schéma classique de la contagion, typique de l’analyse des phénomènes de masse, ne fonctionne qu’à condition de ne pas faire le détail. Vu de près, la réalisation d’une image reste un objectif strictement individuel. Même si les smartphones (qui sont devenu le premier outil de la photographie privée) donnent la possibilité de diffuser les fichiers sur les réseaux sociaux, il ne semble pas que ce soit dans le but de concurrencer la production médiatique. De nouveaux motifs se dessinent, comme le portrait aux côtés de la vedette. La prise de vue effectuée par les personnes privées dans ce contexte a une autre fonction que la production de l’information. Pour la découvrir, il convient de se tourner vers un autre modèle: celui de la photographie touristique.
Le tourisme, expérience culturelle et sociale
L’usage touristique de la photographie est l’un des comportements les plus répandus et les plus faciles à observer dans l’espace public. Noter la relation de cette activité de loisir et de l’outillage visuel est devenu un truisme, au point que le touriste est désigné aux yeux de tous par son extension photographique. Pourtant, là encore, on ne peut qu’être frappé par le petit nombre de travaux consacrés à un examen rigoureux d’un phénomène qui semble si commun qu’il est inutile d’en produire l’analyse [7]Parmi les études les plus intéressantes, on peut noter: John Urry, The Tourist Gaze (2nd éd.), Los Angeles, Sage, 2002 ; Michael Haldrup, Jonas Larsen, Tourism, Performance and the Everyday. … Continue reading.
Le modèle des descriptions sociologiques de la pratique photographique, le volume collectif Un art moyen dirigé par Pierre Bourdieu, publié en 1965, ne comprend qu’un bref passage consacré à la photographie touristique. Selon le sociologue, «Les paysages et les monuments apparaissent dans les photographies de vacances, au titre de décor ou de signe; c’est que la photographie populaire entend consacrer la rencontre unique (quoiqu’elle puisse être vécue par mille autres dans des circonstances identiques) entre une personne et un lieu consacré, entre un moment exceptionnel de l’existence et un lieu exceptionnel par son haut rendement symbolique [8] Pierre Bourdieu (dir.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965, p. 60..»
Niant la valeur esthétique de l’environnement choisi pour son «rendement symbolique», Bourdieu décrit la photographie touristique comme un exercice de «solennisation réciproque des personnages et du décor». C’est à partir de là qu’il conclut que les images privées «restent dominées dans leur intention et leur esthétique par des fonctions extrinsèques», débouchant sur la définition du fameux «goût barbare», qui deviendra – cette fois de manière positive –, un élément-clé de la reconfiguration du rapport à l’art dans La Distinction [9]«Tout se passe comme si l’”esthétique populaire” était fondée sur l’affirmation de la continuité de l’art et de la vie, qui implique la subordination de la forme à la fonction ou, si … Continue reading.
Il est en réalité trop rapide de délier tourisme et esthétique. Comme l’explique Marc Boyer, l’émergence du tourisme au XVIIIe siècle, sous la forme codifiée d’une entreprise pédagogique destinée à former les jeunes aristocrates anglais par le voyage à Rome (ou en France méridionale), le définit fondamentalement comme une expérience esthétique et culturelle [10] Cf. Marc Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, 16e-19e s., La Tour d’Aigues, éd. de l’Aube, 2000.. Le Guide Vert (populaire série de guides touristiques français, éditée par le fabricant de pneus Michelin depuis 1926) représente certes une version fort amoindrie de l’érudition mobilisée par L’Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand [11] François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811), Paris, Garnier/Flammarion, 1968.. Mais c’est bien dans cette tradition que s’inscrit une collection qui, comme son lointain précurseur, mêle renseignements pratiques et informations culturelles. Elle offre au voyageur un canevas précis de l’expérience touristique, avec ses propositions de parcours ou ses ressources historico-géographiques, qui sont autant d’aliments venant nourrir un imaginaire tout à la fois romanesque et savant.
Compter pour rien l’expérience du tourisme, ou la réduire à un plaisir dévalué au prétexte qu’elle est partagée par des millions d’individus, conduit logiquement la plupart des auteurs à négliger la signification de l’opération photographique qui lui est coextensive. Cette minoration est des plus étranges: attachée aux moments privilégiés et rares d’un loisir étendu, de la réunion familiale ou amicale, résultat d’un investissement économique souvent conséquent, la pratique touristique est un des temps forts de la construction culturelle et existentielle de l’individu.
Comme le montre l’exemple de Marc Augé, les pratiques photographiques, jugées a priori insignifiantes et vulgaires par leurs auteurs eux-mêmes, ne mobilisent pas habituellement une attention suffisante pour permettre de franchir le seuil des apparences. En cette matière, Roland Barthes, dans La Chambre claire, a montré que le recours à l’introspection permettait d’aller plus loin dans l’analyse que les instruments sociologiques traditionnels [12]«Je devais descendre davantage en moi-même pour trouver l’évidence de la photographie», Roland Barthes, La Chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Ed. de … Continue reading. C’est en m’inspirant de cet exemple que je vais tenter d’interroger mon expérience récente.
Un souvenir précis permettra de poser le décor. Le lendemain de mon arrivée à Rio de Janeiro, encore sous le coup du décalage horaire, je sors de l’hôtel pour une promenade matinale. Grâce à la prévenance des organisateurs, je bénéficie d’un hébergement à proximité immédiate de Copacabana, «l’une des plages les plus célèbres de la planète» (selon Wikipedia). La première confrontation avec la beauté de Rio est violente. Le spectacle du rivage et des monts qui s’élèvent à pic réveille immédiatement dans mon imagination un tourbillon d’images et de sons où L’Homme de Rio (Philippe de Broca, 1964) se mélange aux chœurs de Barry Manilow… Assailli d’impressions, je suis sonné.
Le caractère itératif de l’expérience touristique fonctionne à l’évidence comme un écran pour la plupart des auteurs, qui semblent attendre du touriste un comportement d’aventurier ou d’explorateur à la recherche des sources du Nil. Ils oublient ce faisant que le prototype fondateur du tourisme, le voyage à Rome, ou son ancêtre dévotionnel, le pèlerinage à Jérusalem, ne se sont précisément constitués comme modèles culturels qu’en tant qu’exercices d’une réïtération et d’un partage d’expérience à l’échelle d’une société.
La notoriété d’un site et la répétition de sa découverte par des millions d’individus ne sont donc pas des obstacles à un idéal d’aperception naïve et originale, mais au contraire les conditions mêmes qui définissent l’expérience touristique – expérience culturelle complexe, formée par la désignation préalable des lieux représentatifs pour une culture donnée, par la mobilisation d’une érudition qui en justifie les caractères, et par la participation individuelle à l’espace symbolique ainsi délimité.
Comme Chateaubriand faisant l’inventaire de ses références livresques au passage de Corfou, ma découverte de Copacabana a été accompagnée par la sollicitation imaginaire d’un patrimoine culturel qui, loin de faire écran à ma perception du site, participait de son identification comme spectacle. La multiplication des signaux référentiels, issus de contextes divers, me fournissait l’attestation que le lieu arpenté faisait partie des sites d’exception. L’émotion suscitée par le paysage était simultanément celle de la conscience de partager l’un des hauts lieux de l’humanité.
Cette émotion fondamentalement culturelle et sociale explique l’hyperesthésie développée par le touriste face au spectacle identifié comme tel. Le jeu de la référence installe une perception diffractée par l’érudition. Le touriste jouit de ce qu’il re-connaît, ce qui porte la signature de l’expérience collective. L’acte cognitif est un geste rituel qui permet de rejoindre la communauté des connoisseurs du site et renforce simultanément sa patrimonialisation.
Le désir de la relique
Toute expérience esthétique relève par hypothèse d’une forme de choc traumatique qui, pour être moins pénible que ceux habituellement décrits par la psychologie, n’en correspond pas moins à la définition d’un accroissement brutal «d’excitation de la vie psychique» proposé par Freud. L’acte photographique peut être compris comme une réponse possible au micro-trauma produit par la confrontation touristique, une abréaction discrète mais néanmoins nécessaire. En montant sur l’échelle du traumatisme, on rencontre en effet l’expression d’un tel usage de la photographie, comme lorsque Bourdieu, restituant le caractère bouleversant de son appréhension du conflit algérien, explique: «J’étais submergé, donc tout était bon à prendre, et la photo, c’était ça, une façon d’affronter le choc d’une réalité écrasante [13] Pierre Bourdieu (entretien avec Franz Schultheis), « Voir avec l’objectif autour de la photographie », Esquisses algériennes, Paris, Le Seuil, 2008, p. 368..»
Affronter l’inconnu du dépaysement est un choc infiniment moins considérable que la vision d’une guerre, et l’émotion esthétique compte parmi celles que nous jugeons agréables, aussi ne tient-on habituellement pas compte de cet affect furtif qui fait l’ordinaire du tourisme. C’est pourtant dans ces circonstances de bas bruit que la photographie apporte son concours le plus efficace.
Je n’ai rien anticipé de ces effets lors de ma première promenade sur Copacabana. Touriste imprévoyant, je suis sorti sans mon appareil photo, n’ayant sur moi que mon smartphone à objectif grand angle. Cet outil aurait pu me servir à transmettre en direct une image à mes contacts Facebook. Mais mon abonnement ne me permet pas d’utiliser les ressources web à l’étranger, et mon émotion était trop envahissante pour me laisser le loisir de composer une image susceptible de traduire ma vision. Marchant droit devant moi sur la plage, je shootais de manière reflexe, un coup à gauche, un coup à droite, avant de m’apercevoir que ma position centrale ne restituait nullement l’ampleur du décor (voir ci-dessous).
Rien de grave. D’un point de vue photographique, il aurait suffi de remonter d’un kilomètre le long de la promenade pour obtenir une meilleure perspective. Mais mon problème n’était pas photographique, il était existentiel. Mon désir n’était pas de produire une bonne photo de Copacabana, il était d’enregistrer ce moment où j’avais foulé pour la première fois la plage de Rio. Il n’était pas question de revenir plus tard avec un meilleur appareil ou de rejoindre un autre point de vue. Ce que je voulais n’étais pas une image mais un souvenir, pas un document mais un monument – une relique de cet instant précieux.
Arrivant à l’eau, je compris en baissant les yeux que la solution à mon problème était à mes pieds. Reproduisant le modèle largement popularisé sur les réseaux sociaux, je captais alors la synthèse idéale de mon inscription dans le paysage: une vague qui chatouille mes orteils, sur le sable de Copacabana – performance évidemment transmise sur mon compte Facebook dès mon retour à l’hôtel (voir ci-dessous).
La photo de pieds m’éclaire rétrospectivement sur les autres images réalisées ce matin-là. Destinés à être partagés avec ma famille ou mes amis, tous ces clichés visaient non pas à montrer Rio, site déjà immortalisé des millions de fois, mais à transmettre un symbole de ma présence. Du Jourdain, Chateaubriand rapporte une bouteille d’eau et quelques roseaux. Comme un magnet ou un T-shirt acheté sur place, la photo fonctionne comme une preuve et une relique, un petit morceau d’ailleurs authentique, qui atteste que j’ai été là-bas et me permet d’en retrouver et d’en partager le souvenir.
Dès les premiers pèlerinages chrétiens, on observe le développement d’un commerce d’objets ayant pour fonction d’attester la présence du voyageur et de pérenniser symboliquement une expérience précieuse. Le site du pèlerinage de Saint Syméon le Stylite en Syrie accueillait déjà au Ve siècle des boutiques de souvenirs proposant des jetons d’argile ou des fioles de terre cuite ornés d’inscriptions ou de figures, appelées eulogies, qui remplissaient ce rôle [14]Cf. Dominique Pieri, « Saint-Syméon-le-Stylite (Syrie du Nord). Les bâtiments d’accueil et les boutiques à l’entrée du sanctuaire », Comptes rendus de l’Académie des … Continue reading.
Rendu attentif à cette dimension performative, je profite de mon séjour pour en observer les effets. Lors de mon ascension du mont du Pain de Sucre qui domine la ville, je constate à mon tour qu’une bonne partie des images réalisées par les touristes consiste à inscrire de diverses façons leur présence dans le décor. Que la prise de vue soit effectuée par l’un des membres d’un groupe pour permettre aux autres de se placer sur fond de paysage, qu’elle se fasse l’appareil retourné ou grâce au concours d’un tiers, il s’agit toujours de produire un autoportrait en situation. Comme le notent justement Michael Haldrup et Jonas Larsen, l’opération photographique relève dans ce contexte de la performance et constitue pour cette raison une fin en soi [15] Michael Haldrup, Jonas Larsen, op. cit., p. 126..
Le schéma de «solennisation réciproque » proposé par Bourdieu pour expliquer la photographie de tourisme montre ici ses limites. La photo ne sert pas qu’à faire des images. Ses usages privés peuvent avoir de nombreuses autres fins – sociales, testimoniales, conversationnelles, amoureuses… – auxquelles l’information visuelle est subordonnée. La photographie touristique est l’un des exemples les plus flagrants des malentendus occasionnés par une approche exclusivement esthétique de l’image. Se sera-t-on assez moqué du car de touristes arrêté devant la tour Eiffel, pour leur permettre de copier à des dizaines d’exemplaires le même point de vue, alors que celui-ci existe déjà en cartes postales?
C’est le même raisonnement qui conduit certains musées à refuser aux visiteurs de réaliser eux-mêmes leurs photos, puisque des reproductions bien meilleures sont disponibles sous diverses formes éditoriales.
Le contresens est complet. Outil essentiel de l’appropriation des sites, comme le souligne Catherine Bertho-Lavenir [16] Cf. Catherine Bertho-Lavenir, La Roue et le Stylo. Comment nous sommes devenus touristes, Paris, Odile Jacob, 1999, p. 263., la photographie touristique a pour principale fonction de constituer un témoignage de présence. Il y a bien, ainsi que le remarquait Marc Augé, production d’une « preuve » photographique. Encore faut-il traduire correctement ce que cet usage dévoile: le recours à l’enregistrement visuel pour des motifs symboliques, l’apparition de la magie au creux du quotidien.
Alors que la pratique réelle de la photographie relève du registre interprétatif que Carlo Ginzburg décrit sous l’appellation de « paradigme indiciaire [17] Cf. Carlo Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », Mythes, Emblèmes, Traces. Morphologie et histoire, Paris, Flammarion, 1989, p. 139-180. », sa perception fantasmée repose depuis ses origines sur la croyance d’une valeur reliquaire, à laquelle Rosalind Krauss a donné sa forme achevée avec la thèse de l’indicialité photographique [18]Cf. Rosalind Krauss, “Notes sur l’index” [1977] (trad. de l’anglais par J.-P. Criqui), L’Originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, Paris, Macula, 1993, p. 69 ; André … Continue reading. Malgré leur apparente proximité, ces deux approches s’excluent réciproquement. Le registre indiciaire est celui de la trace entendue comme signe, soumise à un déchiffrage à caractère sémiotique et herméneutique. L’approche indicielle comprend la trace comme empreinte, qui garantit une « présence réelle » immédiatement perceptible par la grâce métonymique du contact reliquaire.
Comme la relique, la photographie décrite par la thèse indicielle se caractérise par un « contact » fantasmatique avec l’objet qui assure une transmission de ses propriétés essentielles. Même si elle s’inscrit dans une longue tradition des pouvoirs de l’image [19] Cf. Marie-José Mondzain, Image, Icône, Economie. Les sources byzantines de l’imaginaire contemporain, Paris, Le Seuil, 2000., cette compréhension a fait l’objet d’une complète réélaboration à partir de l’invention de la photographie, dont les caractères techniques ont constitué les interprétants. Appuyée sur l’automatisme, la physique et la chimie, cette magie technicienne attribue à la lumière la capacité de garantir un effet de présence qui est la forme moderne du transfert de sacralité, fonction première de la relique [20] Cf. Louis Marin, « Figurabilité du visuel. La Véronique ou la question du portrait à Port-Royal », Pascal et Port-Royal, Paris, Presses universitaires de France, 1997, p. 267-284..
Quiconque est passé par l’épreuve de la perte d’un être cher sait que ce n’est pas la photographie qui restitue la présence, mais que c’est l’hyperesthésie du deuil qui attribue à n’importe quelle situation ou objet indiciels les propriétés authentiques du disparu –raison pour laquelle plusieurs théoriciens de l’image ont recouru à cette figure pour asseoir leur démonstration [21] Cf. André Gunthert, « Le complexe de Gradiva. Théorie de la photographie, deuil et résurrection« , Études photographiques, n° 2, mai 1997, p. 115-128.. Comme le suggère l’apparition de la dimension de l’intimité, utilisée comme preuve de la lecture reliquaire, dans l’article de 1857 d’Elizabeth Eastlake [22]«Though the faces of our children may not be modelled and rounded with that truth and beauty which art attains, yet minor things – the very shoes of the one, the inseparable toy of the other – … Continue reading, il paraît légitime de formuler l’hypothèse que cette compréhension de la photographie est née au sein de l’espace privé.
Plus que du registre visuel, les fonctions symboliques attribuées à la photographie touristique relèvent du modèle du souvenir, qui attribue à un objet quelconque les pouvoirs magiques de la restitution d’un effet de présence, à la condition expresse d’avoir été en rapport indiciel avec le site. On peut attribuer cet effet à la capacité des grains d’argent d’enregistrer l’information lumineuse, mais n’importe quel magnet acheté sur place dispose d’un pouvoir rigoureusement semblable.
Il n’y a pas contradiction entre dimension visuelle et valeur de témoignage. L’opération photographique permet de gérer de manière simple et efficace l’expérience sensible du tourisme, expérience culturelle autant qu’esthétique, qui mêle indissociablement au plaisir de la découverte celui de la reconnaissance. C’est pourquoi la photo est devenue, plus qu’un attribut, un instrument irremplaçable qui contribue à la fois à construire cette expérience et à en entretenir le désir.
La photographie, écriture de l’histoire privée
Le sens des activités d’enregistrement observées par Marc Augé à Disneyland s’est éclairci. Le phénomène de contagion qu’il évoque ne ressort pas du rassemblement médiatique, mais correspond à la mobilisation attentionnelle typique de l’expérience du tourisme. Loin d’une activité compulsive ou insignifiante, la photographie touristique apparaît comme une manière particulièrement adaptée de gérer ce qui est d’abord une expérience visuelle. Mais la fonction d’attestation n’épuise pas ses usages. Pour mieux en juger, il est nécessaire de recourir à un autre exemple d’observation participante.
J’ai passé cet été une partie de mes vacances en famille à Lisbonne, à l’hôtel. Bonne surprise: nos chambres sont équipées chacune d’un ordinateur Apple dernier cri. C’est la première fois que je vois proposer un tel équipement, dans une gamme de prix raisonnable. Mais celui-ci apparaît d’emblée comme un service évident, voué à s’étendre. En une semaine, nous n’avons pas dû allumer plus d’une fois la télé. L’ordinateur, en revanche, a servi presque quotidiennement, pour vérifier ou envoyer des mails, chercher un renseignement, mais aussi visionner et envoyer des photos.
Nous avons souri en constatant que des clients précédents avaient laissé traîner quelques traces photographiques de leur passage, et fait bien attention de procéder aux déconnexions et effacements nécessaires avant notre départ. L’ordinateur à l’hôtel est visiblement une pratique encore trop neuve pour que le room service pense à vider la corbeille numérique après chaque séjour.
Ce qui fait bien les affaires du chercheur en études visuelles. J’ai ainsi pu consulter 683 photos issues de quatre productions différentes, effectuées entre décembre 2011 et avril 2012, oubliées sur l’application de gestion d’images.
Même si elle est plus exposée que jamais, la photographie privée continue d’échapper aux regards. Ce que nous pouvons en voir sur les réseaux sociaux, immense corpus à la visibilité capricieuse, n’en reste pas moins comme la partie émergée de l’iceberg – l’image sélectionnée et théâtralisée de l’album, celle à partir de laquelle on a toujours construit l’approche de la photographie privée, en oubliant tout le reste: les boîtes pleines de tirages en désordre, sans légende ni indication de contexte, pourtant pieusement conservés.
Voilà pourquoi l’échantillon de photos oubliées de l’hôtel est si précieux. Ce qu’il m’a permis d’apercevoir est un usage fortement structuré et contextualisé, avant sélection. Plusieurs des groupes d’images ont été, comme les nôtres, téléchargés sur l’ordinateur en vue d’opérations de gestion, de tri ou d’envoi. La continuité de la numérotation des fichiers garantit l’exhaustivité des sous-ensembles et livre des indications irremplaçables sur l’itération et la fréquence de l’opération photographique.
La question qui revient le plus souvent à propos de la photographie numérique est celle du nombre ou plutôt de la « pléthore » d’images. Depuis l’introduction de cette technologie, les métaphores abondent pour exprimer l’idée d’un flot qui submergerait nos écrans et nos consciences. Il est incontestable que la production et le stockage numérique, en réduisant considérablement les coûts, ont favorisé la multiplication des prises de vues, comme celle de tous les contenus digitaux.
Mais à partir de quand “beaucoup” devient-il “trop”? Dans l’histoire de la photographie, la transition de la plaque unique à la pellicule a été accompagnée des mêmes débats [23]Lorsqu’il accueille en 1888 le châssis à rouleau, Albert Londe avertit son lecteur en ces termes: «Cet appareil est réellement très pratique […]. Nous ferons néanmoins une critique … Continue reading. Cette appréciation paraît donc essentiellement relative. Les besoins évoluent en fonction des possibilités techniques et des outils de gestion disponibles. On peut multiplier les clichés d’un événement important, pour augmenter les chances d’en conserver une image convenable. Mais chacun sait que la sélection a posteriori demande un effort qui doit être justement mesuré, et nul n’applique à toutes les occasions photographiques la prise de vue en rafale qui en fournirait théoriquement l’enregistrement le plus complet.
Parmi les images oubliées sur l’ordinateur, la production la plus nombreuse (environ 500 images, effectuées l’espace d’un long week-end, par un couple de jeunes femmes visiblement très amoureuses) est aussi la plus remarquable par sa qualité esthétique. Plutôt qu’une dépense d’images inconsidérée, l’examen de ce groupe témoigne d’un usage adapté de la capacité numérique. La réalisation de 150 à 200 photos par jour correspond à un programme touristique chargé et à une prise de note scrupuleuse.
Pour avoir parcouru des itinéraires semblables dans la capitale portugaise, je reconnais les monuments ou les détails dignes d’attention. Je peux juger de la sûreté du regard, de la maîtrise du cadre. Il y a peu de répétitions, mais une vision fouillée, toujours intéressante. L’ensemble fournit tout simplement un reportage détaillé de la visite, le compte rendu précis de ce qui a été vu et apprécié. De quel droit refuserait-on à ces touristes d’en garder le souvenir? Quel serait le juge habilité à décréter que ces images sont « de trop »?
En réalité, ce que dévoile ce regard insistant n’est autre que la compétence mise en œuvre par l’exercice même du tourisme. Le Grand Tour enjoignait d’appliquer au monde la vision attentive et détachée de l’artiste ou du savant. Rien de plus sot que de condamner la compulsion visuelle du touriste: c’est l’Occident qui a construit ce regard esthète, cette valorisation du visible. Le catalogue des objets capturés – façades, portails, places, ruelles, panoramas, graffitis, sans oublier les décors de faïence, dont je peux moi aussi reconnaître et apprécier l’exotisme – témoigne de l’existence d’une doctrine approfondie du pittoresque, dont la maîtrise est l’une des conditions essentielles du plaisir que nous trouvons au voyage.
Mais les deux jeunes femmes n’ont pas fait que photographier le paysage urbain. La signature à la fois conventionnelle et très personnelle de leur reportage est assurée par plusieurs dizaines d’images où elles apparaissent, ensemble ou séparément, campées sur les lieux de leur promenade pour en attester la souriante appropriation.
Tout exercice iconographique comporte une part conventionnelle, condition de son interprétabilité. La photographie privée, et tout particulièrement le portrait, manifeste à un haut degré ce caractère dont on ne retient généralement que l’apparence stéréotypée. Le respect de la norme n’exclut pourtant nullement la dimension expressive et personnelle. Ce paradoxe m’est tout particulièrement apparu en contemplant ces visages dont l’expression amicale ne m’était par définition pas destinée. L’aspect répétitif des portraits doubles, la plupart effectués à bout de bras, l’objectif retourné en direction des sujets, n’ôtait rien à la manifestation très individualisée de l’identité du couple, qui était le message principal de ces photos.
C’est le sentiment d’usurper par effraction l’amitié distillée par ce groupe d’images qui m’a fait comprendre la dimension de fondamentale intimité de ce corpus. Impossible de regarder ces portraits souriants sans ressentir à mon tour de l’affection pour ces jeunes femmes. Cette amitié dont je ne pouvais pas être destinataire était comme un reflet de l’amour inscrit dans ces photos – un amour qui ne me regardait pas et qui était destiné à demeurer enclos dans l’intimité de ce couple. Ce que je venais ainsi d’apercevoir était l’envers de la dimension théâtrale de la photographie sélectionnée de l’album: c’était précisément la dimension privée de ce groupe d’images.
Il est vraisemblable que l’une ou l’autre de ces photographies aura servi, tôt ou tard, de souvenir partagé. Mais ce dont je suis sûr, ce que ces images me disent, c’est qu’en tant que production autonome, elles ont aussi et peut-être d’abord servi à écrire l’histoire privée de ce couple. Au moment où elles ont été faites, ces photos ne regardaient qu’elles, ces sourires étaient leur miroir. Les réaliser, les regarder ensemble, a été aussi important que le voyage qui en a donné l’occasion.
Bourdieu n’a pas aperçu l’intimité de la photographie privée, dont il n’a retenu que l’aspect solennel et figé. Les évolutions iconographiques bien réelles dans l’intervalle qui nous sépare d’Un art moyen peuvent contribuer à expliquer cette différence de perception. Mais les circonstances dans lesquelles j’ai consulté ces images ont également permis un autre regard. Personne ne m’a montré ces photos. Or, la photographie privée, ce sont aussi et peut-être d’abord les photos qu’on ne montre pas, que l’on n’a pas besoin de montrer, juste de partager avec ceux qu’on aime, et puis de garder dans un coin, comme une relique du bonheur.
En motivant la production photographique par l’exotisme et l’expérience commune, l’aventure touristique est une forme de création d’histoire privée qui s’accomplit par l’image. Rien de moins que ce que l’iconographie des princes avait jadis pour mission de manifester. Vérifier sur l’écran de l’ordinateur la constitution de cette histoire, voilà ce qui rendait si urgent d’y afficher chaque jour nos photos.
L’usage familial de la photographie doit être compris dans le contexte plus général de l’histoire orale, dont les règles gouvernent la préservation de la mémoire privée. Comme celle des civilisations anciennes, et à de rares exceptions près, l’histoire familiale n’est pas écrite: elle est récitée et répétée à diverses occasions, souvent appuyée sur de petits objets totémiques qui sont autant de supports narratifs.
De cette élaboration vivante, si fragile et si précieuse, liée à la mémoire des individus capables d’en restituer le récit, la photographie est devenue l’outil privilégié, indispensable tout à la fois à l’inscription et au partage de l’histoire privée.
Savons-nous interpréter les usages privés de la photographie? J’espère avoir pu suggérer par ces quelques aperçus que la richesse et la complexité des pratiques visuelles n’ont rien à envier à la densité d’autres rituels des sociétés contemporaines – comme la tradition du Père Noël, magnifiquement interprétée par Claude Lévi-Strauss [24] Cf. Claude Levi-Strauss, « Le Père Noël supplicié« , Les Temps modernes, n° 77, 1952, p. 1572-1590.. Seul le peu d’attention accordé à notre vie quotidienne, éternel parent pauvre de la recherche en sciences sociales, explique la superficialité des approches de la photographie privée. En se souvenant de la circonspection qu’un chercheur comme Erving Goffmann a su accorder à nos comportements les plus banals, tout laisse à penser qu’une exploration plus ferme éclairerait un espace primordial de la construction de nos représentations.
Liste des illustrations (passer la souris sur l’image pour lire la légende, cliquer pour agrandir):
- Rome, Fontaine de Trévie, 2010 (photo AG).
- Formation d’un essaim attentionnel, aéroport de Roissy, 2012 (photos AG).
- Hergé, Tintin au Congo, version de 1946; L’Ile noire, version de 1943 (copyright Moulinsart).
- Sur la jetée de Peterhof, « Félix Faure, au tsar: Un peu de côté, s.v.p., à cause du cinématographe », Le Rire, 1897 (domaine public).
- Touristes photographiant, Londres, Rome, 2010-2011 (photos AG).
- Anon., photographies touristiques, Un art moyen, 1965.
- Marc Ferrez, Rio de Janeiro, entrée de la baie, v. 1885 (coll. Instituto Moreira Salles, domaine public).
- L’Homme de Rio, Philippe de Broca, 1964; Central do Brasil, Walter Salles, 1998; Rio Sex Comedy, Jonathan Nossiter, 2011 (photogrammes).
- Vues de Copacabana, 2012 (photos AG).
- Vue de Copacabana, image conversationnelle, Facebook, 2012 (copie d’écran).
- Touristes photographiant, mont du Pain de Sucre, Rio de Janeiro, 2012 (photos AG).
- Reliques, cathédrale de Faro, 2012 (photo AG).
- Magnets, Rome; mugs, Vienne; presse-papier, Lourdes; cartes postales, Paris (photos AG).
- Ecran d’ordinateur, Lisbonne, 2012 (photo AG).
- Vues de Lisbonne, 2012 (photos AG).
- Supports d’histoire privée (photos AG).
Citation: André Gunthert, « A fotografia, monumento da experiência privada » (trad. du français par Mariana Simoni), in Teresa Bastos, Victa Carvalho (dir.), Fotografia e experiência. Os desafios da imagem na contemporaneidade, Rio de Janeiro, Walprint Editora, 2012, p. 19-41.
Notes
↑1 | « Cannes, ou la visibilité au carré« , 25/05/2012; « Les photos qu’on ne montre pas« , 29/07/2012; « Photos de vacances« , 05/09/2012, L’Atelier des icônes. |
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↑2 | Marc Augé, L’Impossible Voyage. Le tourisme et ses images, Paris, Rivages, 1997, p. 24-26. |
↑3 | Ibid., p. 26. |
↑4 | Séminaire “Fotografia e experiência: os desafios da imagem na contemporaneidade“, organisé par l’Ecole de communication de l’université fédérale de Rio de Janeiro, 14-16/08/2012. |
↑5 | J’ai proposé en 2010 le terme “prosécogénie”, défini comme “qualité de ce qui suscite l’attention”. Construit sur le modèle de “photogénie” ou de “cinégénie” à partir de la racine grecque qui signifie “attention”, “prosécogénie” veut dire mot à mot: ce qui produit l’attention. La formation de ce néologisme s’inscrit dans le contexte d’une approche des pratiques cognitives comme économie de l’attention. |
↑6 | Cf. Norbert Elias, « L’étiquette et la logique du prestige », La Société de cour (1969, trad. de l’allemand par P. Kamnitzer et J. Etoré), Paris, Flammarion, 1985, p. 63-114. |
↑7 | Parmi les études les plus intéressantes, on peut noter: John Urry, The Tourist Gaze (2nd éd.), Los Angeles, Sage, 2002 ; Michael Haldrup, Jonas Larsen, Tourism, Performance and the Everyday. Consuming the Orient, Londres, Routledge, 2010. |
↑8 | Pierre Bourdieu (dir.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965, p. 60. |
↑9 | «Tout se passe comme si l’”esthétique populaire” était fondée sur l’affirmation de la continuité de l’art et de la vie, qui implique la subordination de la forme à la fonction ou, si l’on veut, sur le refus du refus qui est au principe même de l’esthétique savante, c’est à dire la coupure tranchée entre les dispositions ordinaires et la disposition proprement esthétique», Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979, p. 33. |
↑10 | Cf. Marc Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, 16e-19e s., La Tour d’Aigues, éd. de l’Aube, 2000. |
↑11 | François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811), Paris, Garnier/Flammarion, 1968. |
↑12 | «Je devais descendre davantage en moi-même pour trouver l’évidence de la photographie», Roland Barthes, La Chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Ed. de l’Etoile/Gallimard/Le Seuil, 1980. |
↑13 | Pierre Bourdieu (entretien avec Franz Schultheis), « Voir avec l’objectif autour de la photographie », Esquisses algériennes, Paris, Le Seuil, 2008, p. 368. |
↑14 | Cf. Dominique Pieri, « Saint-Syméon-le-Stylite (Syrie du Nord). Les bâtiments d’accueil et les boutiques à l’entrée du sanctuaire », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, nov.-déc. 2009, p. 1393-1420. |
↑15 | Michael Haldrup, Jonas Larsen, op. cit., p. 126. |
↑16 | Cf. Catherine Bertho-Lavenir, La Roue et le Stylo. Comment nous sommes devenus touristes, Paris, Odile Jacob, 1999, p. 263. |
↑17 | Cf. Carlo Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », Mythes, Emblèmes, Traces. Morphologie et histoire, Paris, Flammarion, 1989, p. 139-180. |
↑18 | Cf. Rosalind Krauss, “Notes sur l’index” [1977] (trad. de l’anglais par J.-P. Criqui), L’Originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, Paris, Macula, 1993, p. 69 ; André Gunthert, « L’empreinte digitale. Théorie et pratique de la photographie à l’ère numérique« , in Giovanni Careri, Bernhard Rüdiger (dir), Face au réel. Éthique de la forme dans l’art contemporain, Paris, Archibooks, 2008, p. 85-95. |
↑19 | Cf. Marie-José Mondzain, Image, Icône, Economie. Les sources byzantines de l’imaginaire contemporain, Paris, Le Seuil, 2000. |
↑20 | Cf. Louis Marin, « Figurabilité du visuel. La Véronique ou la question du portrait à Port-Royal », Pascal et Port-Royal, Paris, Presses universitaires de France, 1997, p. 267-284. |
↑21 | Cf. André Gunthert, « Le complexe de Gradiva. Théorie de la photographie, deuil et résurrection« , Études photographiques, n° 2, mai 1997, p. 115-128. |
↑22 | «Though the faces of our children may not be modelled and rounded with that truth and beauty which art attains, yet minor things – the very shoes of the one, the inseparable toy of the other – are given with a strenght of identity which art does not even seek», [Elizabeth Eastlake], « Photography », The Quarterly Review, vol. CI, n° 202, avril 1857, p. 465-466. |
↑23 | Lorsqu’il accueille en 1888 le châssis à rouleau, Albert Londe avertit son lecteur en ces termes: «Cet appareil est réellement très pratique […]. Nous ferons néanmoins une critique générale des appareils à rouleau tout comme des châssis multiples en ce sens qu’ils peuvent tout d’abord faire négliger la qualité de l’image. L’amateur qui, pour une excursion, n’emporte que six glaces, saura les dépenser avec sagesse et rapportera certainement six clichés étudiés, et par suite intéressants. S’il a une réserve de 24 ou même de 48 préparations, il est bien à craindre qu’il n’en fasse un gaspillage à tort et à travers, et qu’au retour il ne soit obligé de reconnaître que la plupart des épreuves sont médiocres parce qu’elles ont été faites trop hâtivement» (Albert Londe, La Photographie moderne. Pratique et applications, Paris, Masson, 1888, p. 25-26). |
↑24 | Cf. Claude Levi-Strauss, « Le Père Noël supplicié« , Les Temps modernes, n° 77, 1952, p. 1572-1590. |
20 réflexions au sujet de « La photographie, monument de l'expérience privée »
Passionnant article encore une fois, et quel magnifique feuilleton !
Merci beaucoup, la lecture de cet article m’a autant appris qu’émerveillé. Vous vouliez faire partager des impressions, vous avez très bien réussi.
@Dominique Gauthey, @John Doe: Un grand merci pour ces compliments chaleureux!
Merci André pour ce beau bilan théorique d’un work in progress qu’on a pu suivre d’épisode en épisode…
On a tout ce qui fait l’originalité et la force du blogging scientifique dans ce billet/article : l’accès à la genèse de la réflexion via les liens, l’assemblage des études de cas dans le flux d’une pensée, l’engagement personnel qui montre de façon éthique le dispositif du point de vue et les modalités de l’expérimentation, de l’observation participante, et enfin la dimension vivante et humaniste de l’ensemble… Je me souviens avoir eu envie de faire de la recherche en lisant « Le journal de Californie » d’Edgard Morin ou encore « L’empire des signes » de Barthes… Le blog est à la fois ce journal presque quotidien, et ce support vivant et imagé où se recueillent dans un véritable article le fruit du travail… ça ne peut que devenir la forme privilégiée de la recherche… 😉 On voit ici que l’outil numérique qu’est le blog n’est pas qu’un moyen de diffusion, c’est un métier à tisser intellectuel, un établi collaboratif…
Je reprends au vol la référence à Edgar Morin avec le rappel d’un article publié par lui dans la revue La Nef en juillet 1958 « Vacances-Tourisme : quelle est donc cette folie qui nous emporte tous? » dans lequel on peut lire
« Ce que cherche le touriste, c’est le contact mediumnatique avec cet univers fantôme qui échappe en quelque sorte à la mort. En même temps, il cherche à s’approprier personnellement la substance imaginaire du pays visité. D’où le recours incessant à la photo. L’assimilation photo-magique est l’acte touristique-clé, avec l’acquisition d’objets miniatures et fétiches spécialement fabriqués pour le touriste »
Edgar Morin termine son article ainsi:
« Le vacancier essaie de retrouver une communion cosmique dans l’eau, le soleil, la terre, la montagne. Le touriste,lui, sitôt passé la douane, franchit une double frontière du temps et de l’espace : désormais il vivra dans un temps fantôme et se déplacera dans l’espace enchanté du dépaysement. Vacances et tourisme répondent à un double besoin de l’homme prisonnier de la vie quotidienne : le retour au sein de la nature maternelle d’une part, et d’autre part le voyage dans l’au-delà ».
La Nef, n° 19, juillet 1958, p 56-58: Edgar Morin, »Vacances-Tourisme : quelle est donc cette folie qui nous emporte tous? »
@Olivier: Je reprends bien volontiers à mon compte tes formules « métier à tisser intellectuel » et « établi collaboratif », qui correspondent parfaitement au projet dont Culture Visuelle a souhaité favoriser le développement…
@Monique Peyriere: Merci pour cette citation d’un article que je ne connaissais pas. Les travaux de Barthes et de Morin, pionniers en France de l’analyse des usages populaires du visuel, restent des mines d’intuitions et de pistes. Le retour aujourd’hui à plusieurs éléments-clés de leurs approches montre à quel point la recherche académique a peu progressé dans l’intervalle sur ce terrain…
Merci pour cet article extrêmement intéressant… Il fait échos à quelques réflexions engagées dans un catalogue d’exposition intitulé Made in Chambord, et qui interroge justement ces rapports entre le monument, l’imagerie populaire et le tourisme. Valérie Perlès écrit notamment : « loin de se substituer à la visite, [l’image] suscite le désir d’un contact direct avec le vrai monument. Le touriste vient voir sur place si ce qu’a dit l’image est vrai […] »…
Perlès, Valérie. (2007). « Et l’image créa le touriste… », Made in Chambord, Catalogue de l’exposition, Château de Chambord, 29 juin 2007 – 5 mai 2008. Paris : éd. du Patrimoine.
Un grand merci pour cet article passionnant.
Je trouve la question de la photographie privée comme relique personnelle, intime, vraiment enrichissante et elle ouvre des interrogations anthropologiques sur notre rapport au sacré qui doivent en effet être véritablement analysées de près. Cet article a fait resurgir en moi un épisode de l’année dernière que je me permets d’exposer en quelques lignes.
La question de l’écriture d’une histoire intime par l’utilisation et la production de photographies privées et en effet centrale dans notre construction personnelle et communautaire (un groupe d’amis, un couple, une équipe de sport…). Je voyage depuis quelques années avec la même personne et nous avons pris évidemment l’habitude d’écrire, par la photographie, notre histoire de couple, mais aussi notre histoire « de voyageurs ». Nous sommes allés l’hiver dernier à Venise que nous n’avions jamais visité, et nous nous sommes rendu compte, en arrivant, que nous avions oublié l’appareil photo. Il est amusant de voir que c’est à Venise, ville sur-imagée, sur-photographiée et en même temps LA ville qu’on souhaite photographier pour soi, pour son histoire, pour son couple qui se retrouve être aujourd’hui le trou aveugle de notre histoire intime en photos. Nous n’avons pas de photographies de ce voyage et nous en parlons souvent comme un manquement, comme un regret. Un voyage sans preuves de nous, sans traces de notre historie là-bas, à ce moment-là. Je me souviens qu’on se répétait plusieurs fois, face à un lieu, « c’est dommage de ne pas avoir l’appareil ! ». Qu’est-ce qui nous gênait, dans le fond ? On avait beau se dire qu’il suffit de taper sur Google Images « Pont du Rialto » pour en avoir l’image, la photographie ; on savait qu’on manquait une part d’écriture de nous ; mais il y avait aussi un manquement esthétique, à jamais irrécupérable. Ce weekend d’hiver était très froid et très brumeux, je n’aurais plus (c’est bien moi/nous le problème) telle luminosité, tel reflet dans l’eau glacée etc. Je n’aurais plus, en fin de compte, mon regard (notre regard) sur tel instant.
Et ce voyage sans photographies m’a permis de voir que j’en venais à utiliser mon smartphone comme recours (j’utilise peu mon portable pour la photographie). Je n’ai que deux photos, prises avec mon smartphone, deux photos qui étaient, déjà au moment de la prise, comme deux reliques. J’avais déjà conscience de leur rareté. Ainsi, on en vient parfois à utiliser son téléphone par défaut (comme vous le dîtes bien sur la plage de Copacabana), comme si l’appareil photo était plus légitime pour garder en mémoire et donc pour écrire une histoire plus légitimante (parce qu’il y aura le tri, parce qu’il y aura du « trop »). Il y avait donc, dans ce voyage, une différence de qualité d’écriture de notre histoire pour moi et pour elle ; une différence entre l’appareil photo « qu’on oublie » et le smartphone « qu’on utilise » (en recours, malgré tout, par défaut) et qui teinte le témoignage intime d’un sentiment autre, différent, plus volé que légitime.
Et parfois, en rigolant, on en vient à se demander (mais c’est très révélateur de notre pratique de la photographie privée) si ce weekend on l’a vraiment vécu…
Un autre article d’Edgar Morin, toujours dans la revue la Nef, intitulé « Tourisme et dessin animé » (juillet 1957) :
« …Sans doute le tourisme est-il encore plus magique que le cinéma, puisqu’il implique non seulement la magie de l’image mais une appropriation individuelle du caractère magique. L’homme ne voit pas que du regard : il lui faut aussi payer de sa personne (payer le droit d’entrer dans les monuments) prendre ses images privées (authentifiées par ses photos), s’intégrer dans le payage, pouvoir dire « moi, je »….
« Dans ses rapports et ces analogies multipliés entre tourisme et cinéma, se dessine une des possibilités de l’homme nouveau : nous devenons des spectres en circulation dans un univers fantôme. C’est cela le tourisme. C’est en même temps une tendance profonde de notre vie. Fol divertissement ou poésie? »
Cette approche du cinéma par Edgar Morin sera interrogée le 11 et 12 janvier prochain, à Paris, lors d’un colloque organisé à propos d’Edgar Morin et le cinéma…
@Monique Peyriere, Jessica de Bideran: Encore merci pour ces compléments! Le terme « magie » est aussi employé au passage par Benjamin ou Barthes, mais plutôt dans un sens métaphorique ou impressionniste qu’au sens de l’anthropologie. Selon Mauss, la magie est un ensemble de « rites efficaces », moins sacré que la religion, et qui a un moindre degré de reconnaissance sociale – des critères qui semblent s’adapter plutôt bien à la pratique photographique…
@Adrien Genoudet: Vous avez tout à fait raison, c’est un phénomène qu’on peut aussi décrire par le manque, c’est une manière très convaincante de le manifester!
Quel plaisir de lire cette réflexion sur notre goût barbare de l’image 🙂
Comme le souligne Olivier,cet article est aussi un outil d’apprentissage de la recherche, cette manière d’articuler dans une pensée rigoureuse les notes issues de tes diverses expériences… Passionnant et inspirant, merci!
Je ne vois qu’à l’instant la suite, fort détaillée, très pixellisée, et formidable de votre article sur la photo privée, avec notamment votre découverte de photos dans l’ordinateur de l’hôtel à Lisbonne et ce que vous en « triez » (ou tirez).
Votre analyse est immpeccable et démontre si bien l’usage l’usage « indiciel » (j’ai parlé tout à l’heure d’indice sans connaître la théorie à laquelle vous faites allusion) ou « reliquaire » : appropriation d’un lieu grâce à l’appareil photo – ou le smartphone – sans lequel il resterait au rang de carte postale générale, donc anonyme, passe-partout, image à la Wikipédia illustrative mais non personnelle (ce qu’elle ne saurait évidemment prétendre être !).
J’ai bien aimé ici aussi le commentaire d’Adrien Genoudet à Venise sans appareil photo et avec seulement, au retour, deux photos prises avec son téléphone : est-il seulement allé là-bas se demande-t-il en s’amusant…
Souvent j’ai pensé qu’Apple serait concurrencé le jour où l’on pourrait soi-même, à partir de notre cerveau, transférer nos images mentales sur écran : mais sans doute ses chercheurs de Cupertino ont déjà ça en tête !
« Mais mon problème n’était pas photographique, il était existentiel. Mon désir n’était pas de produire une bonne photo de Copacabana, il était d’enregistrer ce moment où j’avais foulé pour la première fois la plage de Rio. »
enregistrer photographiquement l’ici et maintenant… mais vous rêvez!!
WB
voilà, ci-dessus, le 15 ème commentaire qui a disparu depuis.
Le maitre décide ainsi ce qui est utile ou inutile dans un média social… Il évite ainsi que d’autres éventuellement discutent un point de vue qu’il juge lui-même sans intérêt.
« Mais un chercheur est payé pour repérer et décrire des tendances. Nul n’a dit qu’il n’était pas possible de les discuter ensuite… »
on pourrait parodier : « On peut discuter de tout mais pas avec n’importe qui. »
WB
@WB: Oui, vous avez tout à fait raison, je n’ai pas compris le sens ni l’intérêt de votre premier commentaire. Le deuxième (dans lequel vous avez astucieusement pris soin d’inclure le premier) est déjà plus intéressant… 😉
“On peut discuter de tout mais pas avec n’importe qui”: c’est une assez bonne formulation du problème (et encore: on ne peut pas vraiment discuter de tout ;). Ce blog n’est pas un espace de libre expression, c’est mon outil de travail. D’autre part, cet outil est public, et constitue forcément une vitrine. La conversation est un apport fondamental, à condition de respecter quelques règles simples, dont la pertinence. Ces règles, c’est bien sûr moi qui les impose à mes commentateurs. Que la conversation ne ressemble pas ici à ce qu’elle est sur certains sites de presse n’est pas un effet du hasard, mais est le résultat d’un soin particulier, et de l’effort général des contributeurs.
Mais on peut compléter votre constat par deux autres remarques. Un commentaire effacé a toujours été nécessairement lu, donc pris en compte. Donc oui, il est toujours possible de discuter mes billets, et même de s’y opposer violemment, le message arrive toujours à destination. L’effacement relève d’une appréciation qui est aussi une forme de réponse à l’intention du commentateur – qui peut tenter à nouveau sa chance (ce que vous avez fait). On peut également dire que tous les commentaires validés me sont ou m’ont été utiles. Il y en a à ce jour 2485 sur ce blog, pour quelques dizaines seulement d’effacés. Il n’y a donc aucun doute sur le sens dans lequel penche la balance. C’est ce qui me conforte dans mon choix de l’option de la publication a priori des commentaires, qui est un message fort de confiance dans le bon sens de mes lecteurs.
Merci pour cet article efficace. Plaisir de lire enfin des choses qui ne font pas que parler pour ne rien dire.
Je me permets de soumettre une question qui m’est tombé dessus la semaine dernière dans le parc des chutes d’Yguazu : quel rapport les Japonais ont-ils à la photo ? Et notamment à la photo de tourisme, ou peut-être plutôt au tourisme de photos ?
Je parle de « Japonais » comme le veut le syntagme figé, sans savoir s’il s’agissait de Chinois, de Coréens, de Japonais ou même peut-être de simples Brésiliens et Argentins aux yeux bridés. Toujours est il que j’ai été plus que jamais marqué par ce mode d’être touristique des groupes de Japonais qui accumulent les photos avec une frénésie inouïe sans même prendre le temps de regarder/contempler de leurs propres yeux l’objet de leurs photos. Pour moi, bon vieil européen à qui l’on a appris à admirer un paysage, un bâtiment, un oeuvre, pour tenter de vivre cette expérience esthétique, cette pratique me paraît bien évidemment absurde voire obscène. Mais j’imagine pourtant qu’elle fait sens pour eux. Ma question était donc celle-là : y aurait-il des raisons anthropologiques, sociologiques, historiques, spirituelles, kinesthésiques, que sais-je… qui permettrait de mieux comprendre ce genre de pratique ? Ou n’est-ce finalement que le modèle décrit dans l’article poussé à un point extrême ?
Merci d’avance
j’aime bien l’expression » relique du bonheur » pour des photos familiales qu’on ne montre pas à tout le monde
en plus des photos de Lisbonne….
Merci pour cette analyse très détaillée ( à transmettre à mr Cogeval?)
A bientôt
JA
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