Un demi-milliard de vues, ça fait beaucoup d'antipathie

Comme prévu, la vidéo « Baby » de Justin Bieber, mise en ligne le 19 février 2010 sur la chaîne officielle du jeune chanteur sur YouTube, vient de dépasser ce matin le demi-milliard de vues. Vidéo la plus vue et la plus commentée sur la plate-forme (4.276.179 commentaires), elle présente également la particularité d’afficher 1.146.731 dislike, soit le double du nombre de like (576.987).

Comme il semble loin, le temps où l’on surveillait comme le lait sur le feu le nombre de vues sur les plates-formes visuelles, s’extasiant de voir une vidéo militante dépasser pour la première fois le million de vues (2006), comparant les 10 millions de vues de la séquence pirate « Sarkozy au G8 » à l’étiage des grandes audiences télé (2007), ou qualifiant de «plus grand phénomène viral de tous les temps» les 21 millions de vues de Susan Boyle (2009).

Ces chiffres qui paraissaient alors faramineux, mais qui ne faisaient qu’annoncer le rythme de fréquentation régulier de la plate-forme, ont été éclipsés depuis par les scores atteints par les vidéos de Lady Gaga, David Guetta ou Evian Roller Babies, contenus mis en ligne par les maisons de production dans le cadre de campagnes tout ce qu’il y a d’officiel, dont les dizaines de millions de clics ont vite cessé de paraître significatifs. YouTube a glissé sous le tapis la recherche des contenus par le nombre de vues absolu, effaçant la trace de ses vieux succès amateurs (Charlie bit my finger, 296 millions de vues; Evolution of Dance, 168 millions de vues), la presse a cessé de faire ses titres sur « la vidéo qui buzze ». Ce que j’appelais « le temps du buzz » dans « L’image partagée » n’aura été que la métaphore temporaire de la conquête par le web de l’économie de l’attention.

Au moment où les pratiques en ligne se normalisent (et où les audiences télé reprennent du poil de la bête), on retiendra du cas Justin Bieber que la fréquentation n’est qu’un indicateur partiel de l’attractivité d’un contenu. Eu égard à la proportion des dislike ou des commentaires agressifs, la question de savoir si l’audience remarquable de la vidéo n’est pas la marque de l’antipathie plus que de l’affection ouvre des horizons nouveaux à la recherche sur la réception.

8 réflexions au sujet de « Un demi-milliard de vues, ça fait beaucoup d'antipathie »

  1. Je ne vois pas bien ce que tu entends par « YouTube a bloqué l’accès à la recherche des contenus par le nombre de vues absolu ». En tout cas, le top « ever » reste lui bien en ligne: http://www.youtube.com/charts/videos_views?gl=US&t=a

    Sinon je pense qu’il faut noter la prédominance des vidéos musicales, qui laissent à penser que YouTube est tout simplement devenu un nouvel iTunes, un moyen d’écouter gratuitement de la musique. Et ce, d’autant plus depuis que les maisons de disque mettent en ligne eux-même les contenus, améliorant ainsi la qualité sonore proposée.

  2. @Vincent: Oui, j’aurais dû dire que le top « ever » a été rendu moins accessible (texte corrigé). Le hit-parade du nombre de vues absolu figurait naguère sur la Homepage de YouTube. On devrait pouvoir étudier l’évolution de la signification de l’audience par les déplacements de l’information du nombre de vues, qui n’est clairement plus aujourd’hui le facteur structurant qu’il a été au lancement de la plate-forme.

    Oui, les anciennes vidéos amateurs de YT ont des nombres de vues élevés, mais il est plus juste de comparer leur date de mise en ligne avec celle des vidéos musicales pour mesurer l’écart réel qui les sépare des contenus industriels. Il faudrait qu’un contenu amateur récent – et non un hit devenu une référence mainstream qui tourne en boucle dans tous les bêtisiers télévisés – figure dans le top pour retrouver un élément de comparaison significatif.

  3. Je suis d’accord que les vidéos musicales ont complètement explosé la volumétrie des vidéos amateures. Mais je pense que c’est lié à leur côté jukebox géant et à leur apparition en premier sur Google dès que tu tapes un nom de morceau. Je ne vois pas beaucoup de vidéos professionnelles hors musique qui puissent rivaliser à ce niveau d’audience.

    Et sinon effectivement le top Youtube est extrêmement dur à retrouver, je n’ai pu te le ressortir que parce que je l’ai mis dans mon Delicious. Après je me souviens plus vraiment comment c’était présenté avant.

  4. Il existe encore un journal qui titre sur les video qui buzze : la tribune de geneve 🙂 http://www.tdg.ch

    Sinon, il est vrai que si l’on regarde le site http://viralvideochart.unrulymedia.com/ on ne voit plus que des videos postées par les maisons de disques (ce qui n’était absolument pas le cas il y a 2 ans de cela). Ce qui a fait dire à certains que la parenthèse 2.0 est en train de se refermer sous le rouleau compresseur des majors…

  5. Merci! RWW a proposé un top ten des dislikes. Mais les commentaires de la vidéo sont intéressants aussi. En les feuilletant, on s’aperçoit qu’ils tournent tous, même ceux des fans du chanteur, autour de la « haine » que suscite Bieber. Etant donné qu’une conversation abondante booste aussi la fréquentation, ce caractère polémique a dû largement contribuer à renforcer l’audience.

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