Le corps féminin, pâte graphique

chanelknightley

Sur une pub Chanel, est-ce que les seins de Keira Knightley doivent nécessairement être les siens? Sans doute, si l’on croit à la vertu photographique et si l’on pense qu’il s’agit bien d’un portrait de la jeune femme. On peut alors faire mine de s’offusquer de la retouche qui a gonflé sa poitrine (opération que l’actrice a commenté en ces termes: «Those things certainly weren’t mine»). Pourtant, s’il s’agissait d’un mannequin anonyme, l’exercice d’idéalisation qui affecte tous les aspects de cette image fantasmatique ne paraîtrait pas le moins du monde scandaleux, tant nous est familière l’idée que le corps féminin n’est qu’une vulgaire pâte, une matière première pour composition graphique qu’il est normal de retravailler, d’améliorer ou de recomposer. Personnellement, cette deuxième idée me dérange nettement plus que la première. (Illustration empruntée à Dontmiss.)

Un cas de retouche ordinaire en 1938

Un cas de retouche ordinaire, issu du numéro du 13 octobre 1938 de Paris-Match (photographies non attribuées). Dans le cadre d’un reportage sur l’installation du diplomate André François-Poncet à l’ambassade de Rome, une photo légendée: « M. et Mme François-Poncet ont cinq enfants, quatre fils et une fille. Les deux aînés sont, au piano, d’excellents duettistes » occupe le quart inférieur droit de la première page. Le feuilletage le laisse à peine discerner, mais un examen plus attentif dévoile un travail de retouche appuyé de cette image: les cheveux, les contours des yeux ou de la bouche des quatre enfants, les plis des vêtements, le contour des doigts ou des touches du piano ont été largement redessinés au crayon et à l’encre (voir agrandissement). Continuer la lecture de Un cas de retouche ordinaire en 1938