L’éloge de la frontière prononcé par Nicolas Sarkozy le 29 avril à Toulouse vient d’apporter son point d’orgue à la lente dérive de la droite hors des valeurs de la République, que tout son mandat a patiemment préparé. Quel que soit le résultat de l’élection du 6 mai prochain, il faut mesurer ce que cette nouvelle donne modifie du paysage politique français, appelé à courte échéance à une recomposition majeure, sous l’impulsion de la dynamique anti-immigrationniste inventée par le Front national, qualifiée par Sarkozy comme le seul horizon structurant de l’offre politique à droite.
Dès 1984, Laurent Fabius, alors premier ministre de François Mitterrand, estime que «le Front national pose de bonnes questions, mais apporte de mauvaises réponses». Constamment reprises, banalisées et diffusées par les responsables des partis républicains depuis plus d’une génération, les thèses lepénistes désignant l’immigration comme principale cause du chômage, de l’insécurité ou de la perte d’identité sont désormais ancrées de manière profonde dans l’imaginaire français.
Malgré un processus de diabolisation à caractère moral destiné à maintenir le parti d’extrême droite en dehors du jeu des alliances traditionnelles, le volet pseudo-économique de l’analyse consistant à mettre en relation le nombre des immigrés et celui des chômeurs (voir ci-contre) est devenu une idée reçue du diagnostic politique, récemment repris à son compte par le candidat socialiste («Dans une période de crise, que nous connaissons, la limitation de l’immigration économique est nécessaire, indispensable»).
Toutes les recherches en sciences sociales montrent que les a-priori qui fondent ces analyses sont erronés. Loin d’être un pays de forte immigration, la France se situe en avant-dernière position des pays de l’OCDE, derrière l’Allemagne et devant le Japon, pays le plus fermé. L’immigration économique ne se superpose pas au chômage, mais vient au contraire répondre aux besoins de main d’œuvre de secteurs en difficulté de recrutement. Au final, les immigrés sont «une excellente affaire pour l’Etat français: ils rapportent une douzaine de milliards d’euros par an et paient nos retraites». Selon le Comité d’orientation des retraites, «l’entrée de 50.000 nouveaux immigrés par an permettrait de réduire de 0,5 point de PIB le déficit des retraites» (Courrier international). Lire la suite