Comme le faisait remarquer récemment Norman Thavaud: « Maintenant, les gens ne disent plus: ‘Bon anniversaire!’ Ils te le disent sur ton mur Facebook. »
A l’occasion de mon anniversaire, il m’a paru utile d’effectuer le relevé des marques attentionnelles, qui croissent régulièrement avec la fréquentation de la plate-forme.
Inscrit sur Facebook depuis 2007, je n’ai remarqué qu’à partir de fin 2009 l’émergence, encore timide, des souhaits d’anniversaire, sous la forme d’une vidéo contextuelle (Marilyn souhaitant bon anniversaire à Kennedy) et d’un visuel dédié, adaptation électronique de la carte de vœux.
2010 marque l’installation du nouveau rituel, avec 5 statuts, 1 carte électronique, 4 photos, 2 vidéos, un gif et un message graphique, soit un total de 14 messages. 2011 et 2012 voient une stabilisation autour de la trentaine de messages, avec une augmentation de la proportion des formes iconiques.
En 2013, avec 769 contacts, j’ai reçu 60 messages de vœux, dont 10 visuels: 5 vidéos, et 5 images fixes. Je note la quasi-disparition des formes standardisées (un seul mème, mais aucune carte électronique, voir ci-dessous).
A l’instar d’une carte de voeux, le choix d’un contenu iconographique pour accompagner des souhaits représente une marque d’amabilité. Avec quelques changements. A l’époque postale, le choix et l’achat d’une carte puis son envoi en temps utile constituaient des marques suffisantes de l’investissement attentionnel. Mais à l’ère de la communication électronique, soutenue par le signalement automatique de Facebook, ces manifestations phatiques ne suffisent plus. L’investissement s’est déplacé, soit vers le recours aux ressources documentaires du web, soit vers l’image autoproduite. Dans les deux cas, la valeur se situe dans la contextualisation du document, c’est à dire dans l’épaisseur du rapport qui relie le contenu au destinataire.
La qualité de la contextualisation dépend du degré d’intimité des communicants. Ce n’est pas un hasard que le seul mème du lot (voir ci-dessus) m’ait été envoyé par une connaissance plus éloignée. La photographie autoproduite n’est pas automatiquement synonyme d’une proximité étroite: une image d’archive bien choisie peut témoigner elle aussi d’une bonne connaissance du récepteur. La forte présence de la vidéo semble indiquer la valeur élevée accordée à ce contenu. Mais quelle que soit la forme retenue, dans la plupart des cas, ce que les émetteurs choisissent de manifester est leur degré de familiarité avec le destinataire.
Au temps de la carte postale, la conversation visuelle recourait par défaut à des formes standardisées, jouant sur les dynamiques de la projection et de l’identification. Comme l’ensemble des formes de communication, depuis le passage à l’image fluide, les nouvelles marques attentionnelles progressent vers une forte personnalisation du message. Cette évolution a nécessairement des effets sur les normes esthétiques, confrontés à d’autres obligations que celles des goûts communs.
La montée de la contextualisation invalide également l’ancienne approche descriptive, qui pouvait s’appuyer sur la production des stéréotypes industriels pour en déduire les usages publics. Ces nouvelles iconographies deviennent au contraire rapidement impénétrables pour l’observateur extérieur, s’il ne maîtrise pas les codes ou les allusions mobilisées. La sémiologie de l’image doit ici forcément céder la place à une ethnographie des contextes.
(Avec tous mes remerciements à mes contacts, pour leur bons vœux et pour leur participation involontaire à cette enquête improvisée…)
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