La faute aux amateurs

Le traitement iconographique du déraillement de Bretigny-sur-Orge a fourni une bonne occasion de réveiller la théorie de la concurrence des amateurs, très répandue dans le monde de la photographie pour expliquer les difficultés de la profession.

Cette thèse ne repose sur aucune étude ni aucune donnée chiffrée. Elaborée sur le mode de la rumeur, elle ne s’est pas moins imposée comme une évidence, et fait désormais partie des idées reçues couramment acceptées, dans le cadre plus général de l’interprétation de la révolution numérique comme cause primordiale d’une crise de l’économie des activités créatrices.

L’idée semble aller de soi. La capacité à produire des images d’enregistrement fait aujourd’hui partie des compétences élémentaires, largement répandue dans toutes les classes de la société. La dématérialisation électronique et les outils de publication en ligne permettent une diffusion sans précédent du matériel visuel. Comment ces évolutions pourraient-elles ne pas avoir de conséquences négatives sur l’activité professionnelle?

Mais les thèses les plus couramment admises ne sont pas toujours les plus fondées. L’exemple le plus connu d’une corrélation trompeuse est celle qui a servi de socle à l’essor du Front national: la désignation de l’immigration comme principale cause du chômage, contredite par toutes les recherches en sciences sociales. On peut ainsi remarquer qu’il existe d’autres compétences largement partagées, comme le savoir-faire culinaire, dont on n’a jamais imaginé qu’il était susceptible de mettre sur la paille les cuisiniers, les restaurateurs ni même les cafetiers. En 2013, l’invasion annoncée des images d’amateurs dans l’espace médiatique reste difficile à apercevoir – j’avoue pour ma part observer plutôt une grande continuité des habitudes de publication. Où en est-on de la concurrence des amateurs? Tentons d’examiner de plus près les composantes de cette représentation.

Mis à part les travaux de Sylvain Maresca, il n’existe à ma connaissance aucune analyse de cette thèse qui, comme toutes les rumeurs, a des contours flous et des expressions variables. N’étant pas économiste (je renvoie à l’article de Dominique Sagot-Duvauroux sur les modèles économiques pour les marchés de la photographie), je me bornerai ici à quelques notes en forme de critique des discours. Alors que certains signes suggèrent que cette représentation s’essouffle, je crois utile d’en esquisser le relevé, car elle a fortement contribué à structurer les échanges du monde photographique dans la période récente.

Eléments de chronologie

La perception des amateurs comme des concurrents potentiels semble un réflexe bien installé chez les photographes professionnels. Dans un article à paraître dans Etudes photographiques, la chercheuse Catherine Clark décrit la réaction de plusieurs instances professionnelles qui dénoncent en 1970 un concours visant à créer une archive photographique de Paris grâce à la participation de 14.000 participants bénévoles [1]Cf. Catherine Clark, « C’était Paris en 1970. Amateur Photography, Urbanism, and Photographic History », à paraître in Etudes photographiques, n° 31, 2014 (MàJ: … Continue reading. Cet exemple, qui comprend des parallèles frappants, notamment la contestation de l’abandon des droits d’auteur sur les images produites, est d’autant plus intéressant qu’il se produit à distance de la transition numérique, en plein « âge d’or du photojournalisme » [2] Cf. Hubert Henrotte, Le Monde dans les yeux. Gamma-Sygma, l’âge d’or du photojournalisme, Paris, Hachette, 2005..

On peut admettre de situer en 2005 la résurgence de ce motif et son adaptation au nouveau contexte numérique, dans le sillage du « journalisme citoyen » – phénomène médiatique très surévalué, et qui a fait long feu, mais qui explique son installation sous la forme d’un antagonisme amateurs vs professionnels [3]Cf. André Gunthert, « Tous journalistes? Les attentats de Londres ou l’intrusion des amateurs« , in Gianni Haver (dir.), Photo de presse. Usages et pratiques, Lausanne, éd. Antipodes, … Continue reading.

Dans le numéro de Libération du 20-21 août 2005, qui surfe sur la vague d’articles post-attentats de Londres, la Une « Tous journalistes » amalgame « blogs, sites citoyens, photos et vidéos d’amateur » pour conclure que « le monopole des médias sur l’information est battu en brèche ». Le principe démonstratif laisse à désirer, car il repose principalement sur une assimilation des images d’amateurs à l’ensemble des contenus journalistiques.

Le sentiment d’envahissement des images, qui n’est par définition ni mesurable ni vérifiable, semble constituer l’appui le plus sûr d’un argumentaire de type alarmiste ou décliniste. S’il est difficile de prouver que le « journalisme citoyen » constitue une menace réelle pour les professionnels, passer par la case image rend d’un coup l’argument plus recevable. Sa pertinence est toutefois largement discutable, car il part du principe que toutes les images et toutes leurs consommations sont interchangeables.

Le phénomène va être qualifié de façon plus précise avec le repérage de réemplois de photographies enregistrées sous licence Creative Commons, particulièrement sur Flickr, qui intègre un moteur de recherche permettant d’isoler ces ressources, comme en témoigne mon billet « Libé s’illustre pour pas cher » en 2007 ou celui de Sylvain Maresca « La question des amateurs » en 2010.

Si le contexte médiatique fournit les symptômes les plus visibles de ce qui est perçu comme une concurrence déloyale, c’est d’un autre espace que proviennent les éléments les plus polémiques du débat: la montée en puissance des « microstocks », autrement dit des banques d’images spécialisées dans l’illustration industrielle (stockphoto), qui proposent des contenus à prix cassés. Entreprise française lancée en 2005, Fotolia, par ses pratiques de dumping, est désignée à partir de 2008 comme l’emblème d’une dérive généralisée, caractérisée par la mise en vente à perte de photos par des amateurs, par le documentaire de Vanina Kanban, « Les banques d’images. Les forçats du cybermonde » (Canal +), largement cité et repris sur les blogs et forums de photographes.

Ce rappel chronologique permet d’identifier trois types de cas différents:
1) l’usage documentaire, dans un contexte journalistique, de photographies privées,
2) le réemploi d’images en CC, dans un contexte journalistique ou de communication,
3) la commercialisation à perte d’images « amateurs » sur microstocks,
Examinons chacun de ces cas de plus près.

Usage documentaire de photographies privées

La première phase du traitement médiatique du déraillement de Bretigny-sur-Orge, au soir du 12 juillet 2013, a vu l’utilisation de plusieurs photos amateurs, issues de Twitter ou d’Instagram, par les chaînes d’information en continu, les sites de presse ou les journaux télévisés. Un excellent billet du documentariste Christophe Del Debbio propose un relevé précis de la circulation de deux de ces images, en montrant notamment que les titulaires de compte n’en sont pas les auteurs, mais que les journalistes s’adressent à eux pour obtenir une autorisation de publication sans valeur. Un épisode auquel les déclinistes donnent une interprétation très générale: «Voilà un bel exemple de ce qui nous attend avec l’élimination des professionnels et l’avènement de la photographie sans auteur»; «Il s’agit de ne plus jamais payer aucun contenu (mais si on peut en plus le revendre, c’est cool)».

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer à l’occasion de mon examen de l’exploitation de deux photos amateurs lors des attentats de Londres en 2005, dont la structure est rigoureusement identique, une telle analyse ne tient aucun compte de la réalité des pratiques médiatiques.

Si l’on prend comme point de référence le JT de 20h de TF1 du 12 juillet, qui consacre plus d’une demi-heure au traitement de la catastrophe, on observe effectivement l’usage illustratif en début d’édition d’images non sourcées, dont la mauvaise qualité suggère qu’il s’agit de photos amateur. Mais cet emploi ne représente que quelques secondes dans un long parcours iconographique, qui comprend des reportages professionnels in situ, des interviews enregistrées ou en duplex, des commentaires en plateau, des cartes, des infographies, des images d’hélicoptère, des documents d’archives, et même un sujet final explicitement consacré aux vidéos amateur du drame.

Extraits du 20h de TF1 du 12/07/2013 (photogrammes).

L’analyse d’un tel corpus montre que la crainte de « l’élimination des professionnels » est sans fondement. Toutes les images ne sont pas équivalentes. Une photo d’amateur ne remplace pas une photo de professionnel. La production iconographique privée dans un contexte de catastrophe ne se substitue pas au reportage in situ, mais correspond à un sous-genre particulier, aussi légitime que l’infographie explicative ou l’image d’archives. Tout comme le recueil de témoignages de personnes présentes sur les lieux est une forme parfaitement banale du traitement d’un drame, la récupération du matériel iconographique existant (qui peut aussi s’étendre aux enregistrements de surveillance) n’a pas attendu internet ni la photographie numérique, et fait partie intégrante de la réponse journalistique à l’événement.

Les difficultés rencontrées dans le traitement de ce matériel, lorsqu’il fait l’objet d’une diffusion en ligne, proviennent essentiellement d’un manque de literacy des réseaux sociaux, dont on a tort d’attendre un service d’agences filaires. Faut-il s’étonner que des photos mises en ligne n’appartiennent pas à ceux qui les postent, ou bien que les journalistes prennent les twittos pour des documentalistes chevronnés? Arrêt sur images signale qu’un journaliste de CNN commence par demander au titulaire du compte s’il est bien l’auteur de la photographie – ce qui est en effet une condition nécessaire pour fonder l’autorisation de publication.

L’usage documentaire de l’imagerie privée, qui se limite à des catastrophes de grande ampleur, et dont les occurrences restent pour cette raison relativement rares, correspond à une recontextualisation d’images qui n’ont pas été réalisées pour un usage médiatique. Cette forme ritualisée fait partie de la phase initiale d’un traitement plus ample de l’événement, et sera rapidement recouverte par d’autres images, au fur et à mesure de l’évolution de sa restitution. Elle n’est nullement exclusive d’une rétribution, qui peut être proposée en fonction de la rareté et de l’importance du document (cas de l’enregistrement de l’assassinat de Kennedy par Abraham Zapruder, dont les droits de reproductions ont été vendus 150.000 dollars à Life). Affubler cette pratique journalistique aussi ancienne que les médias visuels [4] Cf. Joëlle Beurier, « L’apprentissage de l’événement. Le Miroir et la Grande Guerre« , Etudes photographiques, n° 20, juin 2007, p. 68-83. du faux-nez de l’envahissement des images d’amateur relève au mieux du fantasme, au pire de la désinformation.

Réemploi d’images sous licence CC

Le réemploi de photographies sous licence CC, généralement issues de Flickr, concerne deux usages distincts. Au tournant des années 2010, pour quelques journaux soucieux d’iconographie, en particulier Libération et Rue89, il s’agit d’une manière de s’inscrire dans le sillage des nouvelles pratiques numériques.

Cet usage, qui n’est pas exempt de risques juridiques (car les licences CC, qui peuvent être modifiées après publication par l’auteur, ne protègent pas le diffuseur contre une réclamation éventuelle) est resté une pratique limitée, dont la fréquence semble désormais en baisse. Le groupe Flickr « Pictures published on Rue89 » recense près de 600 photos, et une recherche triée sur Google indique 880 sources en Creative Commons, ce qui n’est pas négligeable. Toutefois, si l’on tient compte du nombre total de photos publiées par le pure player, évalué entre 40.000 et 50.000 (issues principalement des fil d’agence Reuters, AFP et Sipa, et de la production de la photographe salariée Audrey Cerdan – je remercie Pierre Haski pour ces indications), on voit que ces chiffres ne représentent qu’une portion congrue, de l’ordre de 2% de l’ensemble.

Contrairement à l’analyse sommaire selon laquelle cet usage aurait pour but des économies budgétaires, il est plus exact de le décrire comme un usage militant, effectué par des journalistes dotés d’une bonne culture numérique, comme Florent Latrive à Libération, qui a bien voulu décrire sa pratique lors d’un échange en ligne: « Ce n’est certainement pas un choix destiné à faire des économies: nos différents abonnements à des fils d’agence nous permettent largement d’illustrer chaque article sans coût supplémentaire. C’est une décision éditoriale: il s’agit de proposer des photos qui nous semblent intéressantes, différentes de celles que l’on peut trouver sur d’autres sites d’informations. Il s’agit d’offrir un regard particulier, celui d’amateurs ou non, sur un événement donné. »

Echantillon d'images du groupe "Pictures published on Rue89".

Ce traitement suppose en effet une démarche volontariste. Le principe du tagging social qui structure la recherche sur Flickr est moins adapté aux besoins presse que les outils habituels des journalistes, en particulier les présélections d’agence. Là encore, cette pratique ne peut se substituer aux options classiques dans tous les cas de figure, mais seulement pour certains types d’articles, où il correspond à un choix éditorial, comparable à celui de recourir au dessin ou à l’infographie. L’examen des images du groupe « Pictures published on Rue89 » montre que le style le plus représenté est celui de l’illustration créative  (voir ci-dessus).

Un second usage est celui des ressources CC dans un contexte de communication ou de publication low-cost, souvent sans demande d’autorisation. Difficile à cerner et à quantifier, cette pratique subit vraisemblablement la concurrence des microstocks, que leurs coûts très bas placent en position d’alternative, et qui sont mieux adaptés juridiquement et esthétiquement à une demande commerciale stéréotypée.

Commercialisation à perte sur microstocks

Parmi les trois cas envisagés ici, seul celui de la commercialisation à perte sur microstocks traduit une volonté avérée de commercialisation, et correspond au schéma de la concurrence déloyale. Malheureusement, l’acteur supposé de cette production n’a plus rien à voir avec la figure de l’amateur dilettante, incapable de maîtriser les aspects techniques de la prise de vue. L' »amateur » désigne ici l' »amateur expert« , dont la compétence est supposée rivaliser avec celle du professionnel, à la différence près qu’il ne s’agit pas de son activité économique principale. Mais l’existence même d’un circuit commercial, fut-il à très bas revenu, montre à quel point ce distinguo devient artificiel et fragile. Le photographe fournisseur de microstocks pourrait aussi bien être défini comme un aspirant professionnel, voire comme un précaire, plutôt que comme un « amateur ».

Encore faudrait-il que cet acteur à la limite de la professionnalisation constitue effectivement un producteur significatif de ce type de plates-formes. Si la communication initiale de Fotolia invoquait la figure de l’amateur, la demande – et la sélection éditoriale – ont clairement orienté depuis la production vers une qualité professionnelle parfaitement maîtrisée. Selon les pointages de Sylvain Maresca, on a principalement affaire sur Fotolia à des professionnels spécialisés, dont l' »identification créative oscille entre le design, le graphisme, la vidéo et la création artistique ».

Best-sellers de Fotolia en 2013 (copie d'écran).

La consultation des best-sellers du site (voir ci-dessus) ne laisse aucun doute sur l’orientation des microstocks, qui commercialisent une illustration standardisée, matériel graphique décontextualisé pour mieux se prêter au jeu de l’appropriation, allégories prêtes à l’emploi, aussi éloignées du document photographique que l’est une publicité d’un reportage.

Vers une disparition de la figure de la concurrence des amateurs?

Après examen, les cas allégués de menace de la pratique professionnelle par les amateurs laissent donc perplexe. La pression concurrentielle la plus perceptible se concentre sur les secteurs de l’illustration industrielle ou de la communication low-cost, soit les catégories les moins créatives et les moins rentables de l’activité (photo)graphique. Celles-ci ne concernent que très marginalement la production amateur, et manifestent beaucoup plus une concurrence interne au monde professionnel.

Pour reprendre les éléments conclusifs formulés par Sylvain Maresca à l’occasion d’une conversation récente: « Si le ressentiment contre les amateurs et leur concurrence “déloyale” s’exprime souvent, il n’est pas sûr pour autant que lesdits amateurs contribuent de manière significative à ruiner l’activité des professionnels. Une exploration approfondie des circonstances dans lesquels les uns et les autres peuvent entrer en concurrence amènerait à relativiser la question. Dans notre enquête, les photographes de mariage nous sont apparus comme les seuls professionnels à se heurter physiquement à la concurrence des amateurs. Dans la plupart des autres cas, en particulier de la concurrence exercée par la mise à disposition d’images à faible coût sur internet, les amateurs n’y jouent pas toujours un rôle central. De fait, le ver est dans le fruit: les professionnels jouent contre les professionnels, du moins certains, dans un climat de concurrence généralisée qui voit tous les acteurs de la chaîne graphique, désormais dotés des mêmes outils de production et de traitement des images, empiéter constamment les uns sur les autres dans l’espoir de l’emporter sur le marché. »

Face à ces contradictions, plusieurs éléments d’évolution du diagnostic décliniste sont perceptibles. La mise à l’index des microstocks abandonne peu à peu la figure de l’amateur, tandis qu’on voit s’exprimer une dénonciation plus générale des circulations gratuites d’images sur internet, du moteur de recherche Google images et de toutes les pratiques de curation visuelle, de type Pinterest ou Tumblr (« Internet, c’est le vol« , Que c’est beau la photographie, 2012). Cette condamnation se double de celle des militants ou des observateurs de la culture du partage, «enjoliveurs de la « révolution numérique », de « l’image fluide », de « l’incroyable liberté de circulation des informations », les discoureurs, les intellectuels organiques,  ils ont tout compris, ils sont en mesure de tout interpréter, ils savent lire dans l’avenir avec leurs brillantissimes,  nouveaux, intéressants et beaux concepts, ils s’enthousiasment pour des merdres contemporaines qui consistent à voler des photos sur les sites de « partage » pour faire des montages, des carrelages arlesques, des tapisseries vide de  sens, si ce n’est celui d’une soi-disant « révolution numérique », concept vide et ressassé jusqu’à plus soif» (« Les idéologues du flux numérique transnational« , Grenouillenews, 2011).

Le caractère rageur de cette exclusion de l’ensemble des nouvelles pratiques visuelles souligne sa dimension partisane. La prolifération des mauvaises pratiques qui accompagne la nouvelle disponibilité des contenus visuels est un phénomène patent, comme l’a encore montré un cas particulièrement ridicule de vol d’image pour une publicité low-cost, où un graphiste débutant a repris une photo du petit Grégory pour une publicité pour une garderie d’enfant. Mais cet exemple même est l’arbre qui cache la forêt de l’explosion des pratiques de publication et des usages illustratifs, qui s’insinuent jusqu’à l’échelon le plus local. On peut s’interroger sur les quelques centaines d’images sous licence CC publiées par Rue89. On peut aussi considérer que le pure player a créé une nouvelle ressource qui a permis l’édition de plusieurs dizaines de milliers de photographies, réalisées dans des conditions professionnelles et dûment payées à leurs producteurs. La multiplication sans précédent des opportunités favorisée par les outils numériques reste le point aveugle du diagnostic décliniste.

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Notes

Notes
1 Cf. Catherine Clark, « C’était Paris en 1970. Amateur Photography, Urbanism, and Photographic History », à paraître in Etudes photographiques, n° 31, 2014 (MàJ: http://etudesphotographiques.revues.org/3391).
2 Cf. Hubert Henrotte, Le Monde dans les yeux. Gamma-Sygma, l’âge d’or du photojournalisme, Paris, Hachette, 2005.
3 Cf. André Gunthert, « Tous journalistes? Les attentats de Londres ou l’intrusion des amateurs« , in Gianni Haver (dir.), Photo de presse. Usages et pratiques, Lausanne, éd. Antipodes, 2009, p. 215-225.
4 Cf. Joëlle Beurier, « L’apprentissage de l’événement. Le Miroir et la Grande Guerre« , Etudes photographiques, n° 20, juin 2007, p. 68-83.

34 réflexions au sujet de « La faute aux amateurs »

  1. Il est flatteur pour des amateurs, internautes sans chaire exprimant une opinion sur un réseau social, de se voir cités et commentés par un professionnel (« André Gunthert est historien, enseignant-chercheur en culture visuelle, maître de conférences à l’EHESS », dit la page « A propos » de Culture visuelle).

    Il est intéressant de voir l’usage qui est fait des propos de ces anonymes : ces deux bouts de phrases sont donnés en exemple de propos archéo-débile qu’il s’agit de démonter. L’un des liens renvoie vers un message de la page Facebook d’André Gunthert, où avait été formulé l’un des commentaires. Ce lien est malheureusement inactif, la page n’existant plus, sans doute supprimée par son propriétaire.

    Il se trouve que ces deux commentaires ne s’inscrivaient pas dans l’opposition professionnel/amateur, qui est évidemment épiphénoménale et simpliste. Les extraits cités sont ainsi exploités comme la presse en ligne pourrait le faire d’une photo de gendarmes de dos, avec le statut de génériques, en l’occurrence de générique de la bêtise sur ce sujet.

    Pourtant tous deux essayaient de dire que le problème est celui du statut de l’image et du statut de « l’auteur », et que les deux sont indissociables. Que la question est globale et ne concerne pas que la photographie : on peut prendre l’exemple du graphisme (http://graphism.fr/analyse-de-laffiche-de-la-fte-de-la-musique-2013), on pourrait tout aussi bien évoquer la querelle des auto-entrepreneurs (possibilité d’exercer une profession sans être soumis aux règles la concernant), ou la volonté affichée d’Amazon d’éliminer éditeurs, libraires et concepteurs de livres (au profit d’un lien « direct » producteur/consommateur au sein de la firme globale), ou la « collectivisation » d’oeuvres sous droits au profit d’intérêts privés (ReLire), etc.

    La démolition de la notion d’auteur (à l’exception de celle d’auteur « star »), la quasi-suppression de la notion de métier (mot significativement absent de l’article d’A.G.), sont aussi une phase nécessaire de l’établissement du nouveau capitalisme universel et délocalisé. Et les implications de ce bouleversement méritent l’attention, semble-t-il, même et surtout quand on ne pleure pas l’ancien monde.

    La bonne nouvelle, c’est que l’Université résiste. Tous journalistes, tous photographes, mais pas tous professeurs ! Les passéistes trouveront que cela peut avoir du bon.

  2. « La perception des amateurs comme des concurrents potentiels semble un réflexe bien installé chez les photographes professionnels. Dans un article à paraître dans Etudes photographiques, la chercheuse Catherine Clark décrit la réaction de plusieurs instances professionnelles qui dénoncent en 1970 un concours visant à créer une archive photographique de Paris grâce à la participation de 14.000 participants bénévoles. Cet exemple, qui comprend des parallèles frappants, notamment la contestation de l’abandon des droits d’auteur sur les images produites, est d’autant plus intéressant qu’il se produit à distance de la transition numérique, en plein “âge d’or du photojournalisme” »

    La dénonciation très ancienne de ces concours par les organisations professionnelles étaient effectivement prémonitoire parce que l’on retrouvait dans ces concours une bonne partie des problèmes d’aujourd’hui.
    Des participants à ces concours qui étaient dans la recherche d’une gratification symbolique et non économique, un détournement de l’esprit du code de la propriété intellectuelle et artistique avec des cessions tous droits.
    Les professionnels ne percevait pas cette concurrence comme déloyale parce que le concours était ouvert aux amateurs, mais parce le règlement signé par les participants permettait à l’institution ou l’entreprise qui en était à l’origine de se constituer une photothèque à peu de frais. C’était une constatation. Des images qui autrement auraient du faire l’objet de commandes ou être achetées dans des photothèques étaient acquises sans frais.
    Ce serait d’ailleurs intéressant, je ne sais pas si cela a été fait dans l’étude que tu cites en référence, d’étudier les documents produits par l’agence qui a vendu l’idée du concours à son client. Organiser des concours de ce type, ça a un coût. Coût qui devrait normalement être justifié par la seule notoriété, le bruit médiatique que l’on en escompte. Est-ce que dès les premiers concours, la constitution d’un fond de photothèque était présenté comme l’enjeu économique, la vraie raison du concours, ou est-ce que c’était ce que tu as appelé « du bon sens » dans un autre billet? Monsieur ce concours va vous coûter bonbon à organiser, c’est la moindre des choses que les photos vous appartiennent. Grace à notre idée, vous serez gagnant sur tous les tableaux. Depuis ces concours se sont multipliés et ont pour fonction principale, sinon unique, de se constituer des photothèques à bas coût.
    Il n’y avait pas au départ de quoi déstabiliser le marché (plus d’ailleurs celui des photographes illustrateur que des photojournalistes), mais c’était la première fois que la société globale considérait qu’il allait de soi que la reproduction et l’utilisation commerciale d’une photographie pouvait ne pas avoir de valeur marchande.

  3. J’aime beaucoup de genre d’article,
    Merci de vous occuper de nous !!!

    Comme je suis photographe et professionnel par dessus le marché,
    J’ai bien sûr un avis sur la question.

    Si je me sentais menacé par les amateurs, c’est que je serais devenu un amateur,
    Mais aucune menace de ce type,
    Le métier change, mais cela n’a rien à voir avec les amateurs.

    Un professionnel doit savoir vendre son métier, pas simplement l’exercer,
    Quand un problème arrive, un phénomène se présente, il faut réagir, changer,
    Eviter de chercher un coupable, c’est vain et dangereux.

    RLZ

  4. A mon avis, il y a un problème qui s’ajoute dans l’utilisation par les journalistes des photos amateurs. C’est l’absence de vérification des sources (parfois c’est difficile, parfois c’est faisable).

    Ainsi, par exemple, lorsque vous évoquez les images non sourcées dans le JT de 20h de TF1 du 12 juillet, dont « l’emploi ne représente que quelques secondes dans un long parcours iconographique », vous oubliez de préciser que parmi ces images s’était glissée une photo d’un accident de train en Russie!

    http://www.slate.fr/france/75301/deraillement-train-bretigny-sur-orge-twitter

  5. @ JD: Désolé pour le lien, c’est corrigé! Je n’arrive pas bien à comprendre en quoi la formule « l’élimination des professionnels » par laquelle tu as qualifié le traitement iconographique de Brétigny, ne rentrerait pas dans le cadre de ce billet. Comme je l’explique dans le paragraphe concerné, ce que je conteste en l’occurrence est le fait de conférer une valeur d’exemplarité à ce traitement iconographique et d’en déduire une interprétation générale, ce qui est bien ce que tu as fait.

    Je lis également dans ta réponse une manière typique d’amalgamer tout et n’importe quoi. Quel rapport entre ta situation professionnelle ou la mienne dans ce débat sur la figure de l’amateur en photographie? C’est simplement hors sujet. Mais je vois bien la facilité qu’ont mes interlocuteurs proches de tes positions de glisser constamment d’un niveau à l’autre, comme pour mieux brouiller les pistes. Mon billet n’est pas une réflexion économico-philosophique sur la fin du travail, je ne suis pas compétent, et même au zinc avec un Chablis, je ne saurais pas le faire. J’ai choisi un sujet précis sur lequel je propose un relevé détaillé, qu’on peut discuter et amender. Les autres points que tu soulèves feront peut-être l’objet de développements ultérieurs, mais ce n’est sûrement pas en mélangeant tout qu’on y voit plus clair…

    @ Thierry Dehesdin: Ce n’est vraiment pas la peine d’avoir eu toute une conversation sur le droit d’auteur pour revenir au point de départ comme si de rien n’était! Quelle est la logique d’appliquer du DA à des productions qui ne sont pas des œuvres, et qui n’ont pas de vocation commerciale? La photo n’est pas qu’un outil pour produire des images à vendre. Tu pourras lire dans le prochain numéro d’Etudes photo cette étude qui montre que ce projet, pas forcément intéressant du point de vue de l’exploitation commerciale, constitue une irremplaçable expérience sociologique, une archive autant de Paris que du regard de la classe moyenne sur son environnement urbain. Et dis-toi que si tu pourras en apprécier l’iconographie, c’est uniquement parce que le DA n’a pas été choisi, car il est évident qu’avec 14.000 auteurs, cette archive aurait simplement été inexploitable.

    @ Nestor Burma: « Eviter de chercher un coupable, c’est vain et dangereux » Je rends hommage à votre sagesse. Que tout le monde ne partage pas: il est visiblement plus facile de désigner un coupable, de préférence à l’extérieur du champ, que de reconsidérer les contraintes de son métier.

    @ Debbio: Il y a clairement un malentendu, pour de nombreux journalistes qui recourent à Twitter comme à une source,qui est de traiter ce matériel comme s’il s’agissait d’un fil d’agence. Ce n’est pas le cas, et c’est normal: les usagers ne sont pas des professionnels de l’information, et comme vous l’avez montré dans votre billet, n’utilisent pas les réseaux sociaux dans le but d’être publiés par TF1… Le travail de vérification des sources vernaculaires, développé dans certains contextes, comme la plate-forme Citizenside, représente un savoir-faire bien particulier, pas forcément compatible avec une production industrielle de l’information.

  6. Ce n’est pas la faute aux amateurs, c’est la faute au marché.

    Le problème des professionnels c’est la destruction de la valeur économique de la part qui leur revenait dans l’industrie photographique. Si les amateurs en sont un des facteurs, ce n’est pas parce qu’ils sont amateurs au sens ni expert, ni pro, mais parce qu’ils ont trouvé dans ce nouveau marché une gratification sociale qui leur tient lieu de rémunération.
    Mais surtout, c’est la conséquence d’une nouvelle organisation économique du marché qui s’est mise en place pour des raisons à la fois technologiques (je reviendrai plus en détail sur ce point), économiques (la pression des entreprises sur les coûts en période de crise et en particulier sur le maillon le plus faible) et idéologiques (le rêve de l’abondance et de la gratuité de l’offre culturelle).

    Avant le numérique, l’organisation du marché et la généralisation de la photographie couleur, parce qu’elle supposait des investissements et une maîtrise technique qui obligeait les amateurs à se professionnaliser très rapidement pour pouvoir être en compétition avec les photographes professionnels, tendaient à protéger la valeur économique du travail du photographe.
    Les techniques d’impression étaient beaucoup plus exigeantes et le post-traitement pour rendre exploitable une photo limite n’existaient pas. La reproduction fidèle des couleurs supposait des investissements incompatibles avec une démarche qui aurai fait fi de la rentabilité de son activité.
    Lorsque la valeur économique de la photo ne tenait qu’au fait d’être au bon endroit au bon moment (le scoop), la photographie devait passer par un circuit de distribution, business to business, qui allait donner à l’image une valeur économique. Il fallait utiliser des artifices, tels que les concours, pour pouvoir récupérer des images qui sans cela seraient restées dans le cercle familial ou n’auraient pas été réalisées parce que trop éloignées de l’usage social de la photographie familiale. Et avant la nouvelle économie, il semblait naturel de toucher une rémunération, même lorsque l’on n’en faisait pas son métier, pour une utilisation commerciale de son image.
    On avait d »un coté la photographie amateur en ce sens que c’était une photographie familiale et de voyage et de l’autre une photographie professionnelle avec des stéréotypes différents et très peu de porosité entre ces deux univers.

    Qu’est-ce qui s’est passé?

    L’évolution du matériel de prises de vue, du post-traitement et des techniques d’impression ont permis aux amateurs d’entrer en compétition avec les professionnels à un coût compatible avec leur passion. Je vais actuellement réaliser des prises de vue dans des usines ou des bureaux muni de mon seul boîtier, là ou autrefois j’aurais du prendre une voiture pleine de matériel d’éclairage. Lorsque je travaillais directement avec des entreprises, j’étais de temps en temps en concurrence avec un cadre fou de photo qui avait réussi à s’imposer à la com de sa boîte, généralement très réticente. Mais ça ne durait jamais plus d’une fois, parce que ces photos étaient inutilisables dans un cadre professionnel et devaient être refaites. La compétence et le matériel d’un amateur, même expert, étaient trop éloignés de celle d’un photographe professionnel. Aujourd’hui, ça fait parti du boulot des ingénieurs et des commerciaux de réaliser des prises de vue pour lesquelles on aurait fait appel avant à un photographe. Les images sont exploitables et leur gratuité prime sur toute autre considération. La pression économique est considérable. Si un des destinataires de ces images se plaint, on lui répond que l’on avait pas le budget pour un photographe professionnel.
    Il reste des photos qui doivent nécessairement être réalisées par des professionnelles, que ce soit pour des raisons de sécurité (la sortie du conseil des ministres), de risque économique (on arrête la production d’une usine pendant ½ journée, on loue un lieu ou des mannequins), de réputation pour celui qui a choisi le photographe (la photo du PDG, un boulot commandé à une agence de publicité). On aurait pu imaginer que le marché de la photo professionnelle ce serait rétréci (ce qui est le cas), mais que la valeur économique de leur prestation en aurait bénéficié. C’est l’inverse qui c’est produit.

    La principale explication me semble être la fin d’un modèle exclusivement Business to Business pour une partie des photos utilisées commercialement par les entreprises. Parce qu’il n’y a une porosité entre les photos gratuites ou acquises pour un prix symbolique et les photos professionnelles. Elles sont choisies par les mêmes donneurs d’ordre, elles se retrouvent sur les mêmes supports. L’utilisation est professionnelle même si le photographe ne l’est pas.

    Les micro-stocks sont de ce point de vue exemplaires. Ce sont des entreprises dont l’offre s’adresse aux entreprises mais qui ont fondé leur modèle économique sur l’absence d’exigence économique des producteurs de leur matière première, la photo. Je ne vois pas d’exemple comparable dans l’histoire.
    Et même leurs contributeurs « professionnels », ceux qui dont la production répond à un calcul économique, me semblent relever d’un nouveau modèle économique. Leur origine géographique semblerait indiquer que l’on est en présence d’un phénomène classique dans le monde industriel avec la délocalisation de la production vers des pays à bas coût, sauf qu’ici ce ne sont pas les coûts de production de ces pays qui déterminent leurs prix, mais l’absence d’exigence économique des amateurs issus des pays riches qui alimentent massivement les micro-stocks. Ce serait d’ailleurs intéressant d’aller enquêter sur place pour voir si ces entreprises tiennent ou non dans la durée.
    Et lorsque tu regardes les photos de Fotolia, tu peux différencier certaines des photos des professionnelles de celles des amateurs en raison des archétypes qu’elles reproduisent, mais d’une part si tu regardais l’ensemble du catalogue, tu aurais sans doute beaucoup plus de mal à faire la différence, et d’autre part elles ne sont pas valorisées économiquement différemment. Fotolia a probablement besoin de cette production professionnelle pour assurer la rentabilité de son modèle économique, mais communique sur le fait que tout le monde peut vendre ses photos sur Fotolia.

    Internet a créé un nouvel univers où les photos destinées à des utilisations commerciales se mélangent avec celles qui sont destinées à la culture du partage, où les entreprises s’exposent sur les réseaux sociaux comme des particuliers et où rien ne ressemble plus à une photo professionnelle (au sens de réalisée par quelqu’un qui entend bien tirer un profit financier de son éventuelle appropriation commerciale) qu’une photo amateur (réalisée par quelqu’un qui voit dans toute utilisation de son image une gratification symbolique et qui n’en attend aucune rémunération).
    La culture du partage et la gratuité des contenus contributifs n’auraient du avoir qu’un impact marginal sur le marché professionnel. Ce sont des usages qui n’existaient pas auparavant et dont un des intérêts, c’est précisément qu’ils ne sont pas le fait des professionnels. C’est un échange essentiellement de particuliers à particuliers. Et les militants du gratuit font généralement bien la différence entre utilisations commerciales et culture du partage.
    Mais cela participe également à cette destruction de valeur car pour un grand nombre d’utilisateurs non militant cette frontière entre commerce et partage est d’autant plus floue que les entreprises sont également présentes sur les réseaux sociaux.

  7. @André Je ne dis pas que cette expérience (je n’ai pas encore lu l’étude) manquait d’intérêt. J’ai juste essayé de t’expliquer pourquoi les professionnels avaient, de solides raisons d’être pour le moins réticent au principe du concours tout droit cédé. Surtout qu’il a fait école avec des motivations beaucoup moins nobles.

    Si ces œuvres n’ont pas de vocation commerciale, pourquoi demander aux participants de céder leurs droits commerciaux? Le charme du droit d’auteur, c’est précisément d’ouvrir la possibilité de fragmenter ces droits. Et il serait sans doute plus facile de définir une utilisation que l’on pourrait définir autour de la notion de patrimoniale que d’avoir à se prononcer sur ce qui est ou non une oeuvre.

    Et pour ce qui est de savoir si ce sont des œuvres, j’ai participé à un concours de ce genre lorsque j’avais une quinzaine d’années organisé par la FNAC je crois. Si c’est la même chose, je te trouve très désagréable. 🙂

  8. Cher monsieur Gunthert,
    Vous n’entendez rien, vous ne voyez rien, vous ne comprenez rien.
    Vous émettez sans cesse des jugements de valeur en vous appuyant sur des contresens.
    Vous êtes un idéologue de bas étage.

  9. La catastrophe du train permet sans doute de mettre sur le tapis cette tension et d’en discuter, mais si vous examinez un accident d’avions, vous verrez que dans le cas de l’AF447, la photo de l’avion « en de meilleurs jours » est diffusée par les grandes agences, mais achetées au site airliners.net, un site en majorité amateur. Quant au crash de l’Asiana à San Francisco, il est capturé par des amateurs (y compris des passagers et quelques secouristes après l’urgence), mais l’aspect professionel reste, puisque le terrain de l’accident est restreint aux professionels. Donc il y a peut-être un modus vivendi entre les « fous » sous la pluie qui photographient chaque avion qui passe et ceux qui ont bien d’autres choses à faire et ne peuvent se spécialiser sur des tubes avec des ailes (pour des raisons de marché, bien sûr). N’oublions pas que toutes les grandes chaînes invitent les gens à envoyer leurs films/photos, mais leurs font ensuite signer des contrats qui leur font abandonner les droits…

  10. <<Si un des destinataires de ces images se plaint, on lui répond que l’on avait pas le budget pour un photographe professionnel.

    Un très bon exemple, la mission Apollo XI, reportage de juillet 1969, un petit groupe d'amateur sans carte de presse, choisi sans aucun doute pour des raisons économiques, malgré cela ces photos feront le tour du monde.
    J'étais un peu jeune à l'époque, mais je comprends les professionnels avaient de quoi se plaindre.

    RLZ

  11. En 1969 comme aujourd’hui, les employeurs pouvaient attendre de leurs salariés des compétences photographiques. Mais je suppose que contrairement à aujourd’hui, cette compétence n’allait pas de soi et que ce petit groupe à défaut d’une carte de presse avait reçu une solide formation initiale avant d’être envoyé dans l’espace. 🙂

    Maintenant, je ne suis pas historien, mais je suppose que dans un grand nombre de domaines des genres photographiques ont été inventés, défrichés par des gens dont ce n’était pas le métier. La photographie scientifique ou la photographie de Haute Montagne par exemple. Des domaines où la condition première, c’était les compétences qui étaient en dehors du champ de la photographie.
    C’est un sujet intéressant, mais bon, ça n’a pas grand chose à voir avec l’objet de cette discussion me semble-t-il.

  12. Au lieu de pister les images amateurs une par une, on peut faire un constat simple, par l’autre bout: pour n’importe quel lecteur de médias, traditionnels ou numériques, rien n’a changé. La production professionnelle couvre la quasi totalité des images publiées. L’AFP produit environ 2000 photos par jour. Le reste, c’est de la poésie…

  13. <<ça n’a pas grand chose à voir avec l’objet de cette discussion me semble-t-il.

    Et bien justement si,
    La photographie a été inventée par des amateurs,
    Quand à ceux qui se revendiquent professionnels,
    Très peu d'entre eux ont fait des études, qui pourraient confirmer leur professionnalisme,
    contrairement aux ingénieurs des ponts ou aux médecins (juste deux exemples au hasard), qui ne se sentent pas menacé par les amateurs.
    Le vrai problème de la photographie, son développement, ses qualités, ses évolutions, ses freins, ses rancœurs ce sont justement les professionnels de la profession.
    C'est un cas atypique, il est temps de changer, mais ce que je lis de mes chers confrères est de pire en pire.
    Je suis très optimiste en ce qui concerne la photographie, mais très pessimiste pour ce qui concerne les photographes professionnels.
    Le pro d'aujourd'hui est arrogant, incompétent, refuse de se former, délaisse complètement la culture de son métier comme la culture tout court, se prend pour un artiste, pour se transformer en pseudo juriste revendicateur, c'est assez triste.
    D'autant plus triste que la photographie traverse un âge d'or d'une qualité exceptionnelle, et bientôt ce sera sans les pro, qui n'ont toujours rien compris au film.

    RLZ

  14. Et tout ça c’était dans la référence à la mission Apollo Nestor ? 🙂

    « et bientôt ce sera sans les pro, qui n’ont toujours rien compris au film. »
    Et tout ça parce qu’ils se diraient tous « artistes », alors que’ils devraient se dire « artisans »?

    La photographie est une formidable machine à fabriquer de la différentiation sociale. On se distingue et on s’identifie à un ou plusieurs groupes : photographe, plasticien, artiste, artisan, technicien, reporter, photo-reporter, journaliste, amateur, expert, professionnel etc.

  15. <<Et tout ça c’était dans la référence à la mission Apollo Nestor ? 🙂

    C'était juste un pot de confiture laissé ouvert pour attirer les mouches,
    Et ça marche.

    Et la photographie ne fabrique rien de particulier, elle observe, elle est sensée observer, mais côté pro, à part se regarder le nombril, et cultiver la nostalgie, il ne se passe pas grand chose.

    RLZ

  16. <<Et tout ça parce qu’ils se diraient tous “artistes”, alors que’ils devraient se dire “artisans”?

    Pas se dire, être, artiste ou artisan, c'est être qui est important, en prendre les moyens, se dire c'est une démission.

    RLZ

  17. @ AG

    « Quel rapport entre ta situation professionnelle ou la mienne dans ce débat sur la figure de l’amateur en photographie? C’est simplement hors sujet. »

    Je ne crois pas, justement. Ne pas voir que ce changement de statut est un phénomène global est à mon avis se couper de la possibilité de l’appréhender.

    Exemple : des débats tout à fait comparables ont eu lieu dans le milieu des antiquaires et brocanteurs, au moment du développement des vide-greniers et des sites de vente en ligne. Aujourd’hui la plupart des brocanteurs établis, avec boutique, ont disparu. Mais ils n’ont pas été victimes des « amateurs », puisque ces non-professionnels exercent eux-même un commerce, qui est parfois une activité à temps plein. Simplement, il n’y a plus de distinction franche entre pro et particulier, mis à part les définitions légales héritées du passé, et les obligations afférentes (un brocanteur déclaré doit avoir un livre de police, il doit spécifier si l’objet est « d’époque » ou « de style », le reprendre s’il a commis une erreur dans sa description, etc.).

    Simultanément, la distinction entre ancien/neuf, authentique/copie, s’est effacée. Les objets courants proposés sur ce marché sont désormais englobés dans la notion indéfinie de « vintage ». Cela convient très bien à la clientèle, qui n’a surtout pas envie de savoir pourquoi certains objets désirables sont proposés à bas prix, d’où ils viennent et ce qu’ils sont vraiment. Ces objets ne sont plus « patrimoniaux », ils sont devenus des objets de consommation, qui n’ont pas plus vocation à être conservés et transmis que les meubles Ikea.

    De la même manière, me semble-t-il, ce qui est enjeu dans le débat sur la photographie, ce n’est pas l’opposition professionnel/amateur, mais l’abolition de cette différence. Et donc, forcément, la généralisation du mélange et de l’indistinction entre l’image sourcée, « validée », et de l’image sans identité définie.

    Bienvenue dans le monde de l’image consommée, aussitôt produite, aussitôt publiée, aussitôt oubliée.

  18. Je vais sans doute me faire allumer, à juste titre, sur « l’image sans identité définie ». Mais savez-vous, par exemple, que l’immense majorité des images anciennes proposées par les « banques » spécialisées sont mal légendées ? (C’est en général un festival d’erreurs et d’absurdités)

  19. @ JD: Je ne suis pas sûr qu’on puisse comparer les photographes et les brocanteurs, car les photographes (pro) n’ont pas du tout « disparu »… D’après le dernier rapport de l’OPC, il y a eu diminution du volume des effectifs et transformation de la nature des emplois, autrement dit tous les signes d’une rationalisation, phénomène parfaitement classique pour répondre à l’accélération brutale de l’industrialisation d’un secteur encore majoritairement artisanal. Cette rationalisation une fois achevée, il faut s’attendre à voir le chiffre d’affaires global de la profession remonter, car il est clair que la production graphique dans le domaine de l’édition/communication, qui représente la majorité de l’activité, reste un secteur en croissance, dont les besoins ne peuvent absolument pas être remplis par les amateurs, semi-pro, travail au noir ou quelque soit le nom que tu voudras bien donner à une activité OVNI à la lisière de la légalité… La photo change, et change vite, ce qui produit de la casse, mais c’est un secteur plein d’avenir, qui conserve aujourd’hui toute son attractivité auprès des jeunes…

    « Bienvenue dans le monde de l’image consommée, aussitôt produite, aussitôt publiée, aussitôt oubliée. » Dans cette formule, le présupposé est qu’une « image oubliée », c’est mal. Mais les pratiques numériques nous obligent à réviser toutes nos catégories. Merci de relire à ce propos: « Images à revoir, images à oublier« .

  20. Merci pour ces précisions.

    Il n’y a pas forcément moins de brocanteurs qu’avant. Mais ils sont en moyenne moins qualifiés (ce sont les meilleurs qui ont le plus souffert, mis à part ceux qui sont dans le très haut de gamme), beaucoup moins rémunérés, et en général dépendent désormais de groupes (« auctioneers ») ou de multinationales comme Ebay, dont ils sont devenus, de fait, des sous-traitants sans statut (ni salariés, ni liés par un contrat, et sans aucun recours possible face à cet employeur de fait). J’ignore si l’évolution qui se dessine pour les photographes est comparable.

    « Le présupposé est qu’une ‘image oubliée’, c’est moins bien qu’une image conservée » : effectivement. Parce qu’il n’y a pas de culture sans mémoire. Vivre dans un éternel instant, cela s’appelle la folie, ou l’aliénation (comme on disait autrefois). Jusqu’à plus ample informé.

  21. @ Thierry Dehesdin: « Les micro-stocks (…) sont des entreprises dont l’offre s’adresse aux entreprises mais qui ont fondé leur modèle économique sur l’absence d’exigence économique des producteurs de leur matière première. Je ne vois pas d’exemple comparable dans l’histoire. » A part bien sûr la commercialisation de contenus sur l’Apple Store, initialement proposés à 0,99 dollar, exactement comme la photo à 1 Euro de Fotolia… Tu devrais regarder ce modèle de plus près, qui montre qu’il n’y a pas d' »absence d’exigence économique », mais comme toujours en économie des rapports de force et des calculs d’opportunité.

    « Avant la nouvelle économie, il semblait naturel de toucher une rémunération, même lorsque l’on n’en faisait pas son métier, pour une utilisation commerciale de son image. » Ça me paraît une reconstruction largement fantasmatique. Pour avoir travaillé dans l’édition dans les années 1980-90, j’ai le souvenir précis que les mauvaises pratiques et le vol d’image étaient monnaie courante, et ne dépendaient, comme aujourd’hui, que de l’estimation de la prise de risque et du rapport de force existant… Ceux qui respectaient la loi n’étaient pas les plus vertueux, mais simplement ceux qui en avaient les moyens et qui ne voulaient pas d’embrouille, et les petits éditeurs se débrouillaient déjà aux limites du système pour faire rentrer un projet dans des budgets toujours trop étroits… La seule différence, c’est que le PIB était en croissance à 2%…

    « Fotolia (…) communique sur le fait que tout le monde peut vendre ses photos sur Fotolia ». Non, la communication de la plate-forme a évolué, et met désormais l’accent sur la « qualité professionnelle » des contenus proposés (« Fotolia est spécialisée dans la vente d’images et de vidéos d’illustration de qualité professionnelle à des prix imbattables. Notre collection contient plus de 23 Millions d’images, de fichiers vectoriels et de clips vidéo, elle est alimentée en continu par des artistes de talent et des agences photo de renommée internationale. » http://fr.fotolia.com/Info/AboutUs ).

  22. L’Apple Store (que je connais fort mal) me semble être essentiellement une offre destinée au particulier.
    Je peux me tromper, mais je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de particuliers qui achètent des photos dans des microstocks pour les mettre sur leur blog ou en faire un tirage destiné à décorer leur salon. C’est peut-être d’ailleurs l’explication de l’évolution du modèle commercial de Fotolia. Au départ, on voyait dans les contenus l’or noir du XXIème siècle. Bill Gates expliquait que pour un dollar les particuliers pourraient s’offrir une image de photographe pour décorer leur salon. Et puis on a constaté que ça n’intéressait pas les particuliers, mais qu’à ce prix cela intéressait le monde de l’entreprise.

    Ce n’est pas parce que tu pouvais te faire piquer une image, que tu ne trouvais pas normal qu’elle te soit payée.
    Aujourd’hui, le vol d’image, avec « estimation de la prise de risque et du rapport de force existant » n’est plus nécessaire. Et les « affaires » qui éclatent régulièrement relèvent toujours ou presque de l’ignorance ou de la maladresse.

    « La photo change, et change vite, ce qui produit de la casse, mais c’est un secteur plein d’avenir, qui conserve aujourd’hui toute son attractivité auprès des jeunes… »
    L’attractivité des professions ayant une composante perçue comme créative n’a rien à voir avec leurs débouchés.

  23. <<Fotolia est spécialisée dans la vente d’images et de vidéos d’illustration de qualité professionnelle à des prix imbattables.

    Pour un professionnel, le choix est simple, soit rejoindre un "photofolia" et les laisser faire l'industrialisation et le commerce des images, soit rester artisan et ne faire que du sur-mesure en contact direct avec un client, ou être artiste et produire des œuvres sans soucis du client, mais en ayant une galerie.

    L'intermédiaire longtemps pratiqué, c'est à dire, je fais des images comme je le sens et je les vends comme je peux et je gagne bien ma vie quand même, c'est totalement terminé. Les amateurs n'y sont pour rien dans ces changements.

    RLZ

  24. Merci André pour cette analyse très pertinente des fantasmes qui existent autour des photographies d’amateurs. S’il est vrai que le microstock est né au départ de la possibilité qu’offrait le web 2 de partager des images, c’est rapidement devenu un marché rentable pour les plateformes qui ont compris que la multiplication de centimes finit par faire des millions. En fait, cette offre potentielle de photo amateur affecte le marché non pas tant par cette offre elle-même que par la pression à la baisse des prix qu’elle engendre, version moderne de l’armée de réserve de chômeurs de Karl Marx.
    La question est alors de savoir s’il faut fixer un revenu minimum, à l’instar du SMIC ! Sans SMIC, on sait très bien que les salaires auraient tendance à se rapprocher du « minimum de subsistance ». Que n’importe quel photographe ouise concourir à la publication de ses ima

  25. Pour prolonger la réflexion de Dominique Sagot-Duvauroux qui a l’air de combattre une tablette malveillante, je reviendrai sur la conclusion de l’article de P. M. Menger: « les services divers évoqués plus haut (vacations d’enseignement, animations, lectures, interventions, missions de conseil, etc.) seraient considérés comme des sources de revenus d’un salariat atypique, et procureraient les droits de tirage sur les prestations sociales attachées au salariat. » http://culturevisuelle.org/regnum/2009/11/13/la-revolution-numerique-et-les-transferts-de-la-gestion-des-risques-dans-l%E2%80%99emploi-artistique/

    Ce qui reviendrait à l’extension d’un régime type « intermittents du spectacle » à une population élargie.

    Mais autant on peut justifier idéologiquement et économiquement cette approche lorsque le travail des auteurs s’inscrit dans la logique de la culture gratuite et de retombées économiques qui profitent à la collectivité, autant ça me semble contestable dans la logique Business to Business. Ca reviendrait à demander à la collectivité de financer des intérêts privés en considérant qu’il lui appartient de supporter une partie de leurs coûts de communication.
    On pourrait se poser la question pour la communication institutionnelle, les collectivités locales au travers des offices du tourisme, des mairies etc., mais la tendance actuelle consiste au contraire à faire supporter autant que possible les dépenses locales par les institutions qui ordonnent la dépense, que ce soit au nom de la décentralisation ou de leur responsabilisation financière.

  26. Bonjour, juste une petite remarque, pour ajouter un exemple (en trois) à votre chronologie de la dénonciation des amateurs par les photographes professionnels.

    Vous citez à juste titre Flickr qui a (avait ? sur la dernière version c’est difficile voire impossible de trier par licence), mais vous ne citez pas Wikimedia commons (https://commons.wikimedia.org), la base des données de la Wikimedia Foundation qui contient à l’heure actuelle 18 millions de fichiers sous licence creative commons, utilisés notamment par l’encyclopédie Wikipedia.

    Or, comme un parallèle avec l’histoire du concours des années 70, depuis quelques années est organisé un concours mondial, « Wiki loves monuments » (http://wikilovesmonuments.fr/), dont le but est d’obtenir les plus belles images de monuments historiques, les bénévoles devant charger leurs images sous licence libre dans la base de données Wikimedia Commons. Ce concours a évidemment été vivement dénoncé par les instances professionnelles (http://www.upp-auteurs.fr/actualites.php?actualite=589).

    Enfin, quand les députés Tardi et Dionis du Séjour ont en 2011 proposé un amendement (http://www.assemblee-nationale.fr/13/amendements/3953/395300022.asp) pour que la France autorise la liberté de panorama (https://fr.wikipedia.org/wiki/Libert%C3%A9_de_panorama en gros le fait de pouvoir photographier librement un bâtiment ou une œuvre d’art récente qui se trouve dans l’espace public et dont les droits ne sont pas encore tombés dans le domaine public, sans avoir à demander la permission à l’architecte/l’artiste – l’exemple fourni par les députés était les Colonnes de Buren qu’il est interdit de photographier et de réutiliser sans autorisation explicite, mais on peut aussi citer la Tour Eiffel de nuit, du fait de son éclairage, la pyramide du Louvre ou plus récemment le viaduc de Millau), liberté existant un peu partout en Europe et dans le monde, mais pas en France, ni en Belgique (pas de photo libre de l’Atomium par exemple) ou en Italie (ou la loi devient même plus répressive), et qui fait partie des revendications défendues par le monde du libre en général et Wikimédia France en particulier, à tel point que l’amendement à été officieusement renommé « amendement wikipédien ». Cet amendement a finalement été rejeté (http://blog.wikimedia.fr/liberte-de-panorama-le-debat-est-lance-3923), peut être par frilosité des députés présents, mais aussi sans doute grâce au lobbying des organisations professionnelles dont c’est aussi un cheval de bataille (voir par exemple l’intervention de Martine Billard qui reprend textuellement les revendications des organisations professionnelles, réaction qui a étonné plus d’un puisque jusque là on la pensait plutôt sensible au licences libres).

  27. @ Rd: Merci pour ce rappel. J’avais pour ma part relayé l’initiative « Wiki loves monument », suscitant effectivement une polémique nourrie par les professionnels: http://culturevisuelle.org/icones/2536

    Le formulaire de recherche de Flickr permet toujours la sélection des sources CC. Mais l’effet de mode qui avait porté cette formule s’est sensiblement atténué. A noter que Google Images propose également cette fonctionnalité depuis juillet 2009 via sa page de recherche avancée: http://images.google.com/advanced_image_search

    Je profite de la reprise de ce billet sur Acrimed ( http://www.acrimed.org/article4124.html ) pour préciser le paradoxe constitué par l’usage des images amateurs dans un contexte presse (cas 1 et 2 ci-dessus). Les photographes professionnels qui pensent qu’il est facile de recourir à un tel matériel dans un workflow presse témoignent de leur méconnaissance des processus de production journalistique. Dans les grands journaux, la production relève d’un processus industrialisé qui vise à économiser autant que possible la denrée précieuse qu’est le temps. La recherche iconographique proprement dite, soit le choix des images qui vont illustrer un article, est effectué dans un quotidien papier par un éditeur spécialisé, sur un site web par le journalisme lui-même. Dans les deux cas, des outils sont prévus pour faciliter la recherche icono, avec par exemple au Monde.fr un accès direct à la base photo de l’AFP. Une source d’agence est par ailleurs généralement fournie avec une sélection d’images.

    Dans ce contexte, on comprend que le recours à des sources externes rompt le workflow. Pour les documents de témoignage comme pour les illustrations CC, il s’agit d’une recherche spécifique, qui n’est mobilisée que dans des cas d’espèce, comme les catastrophes, qui génèrent un traitement intensifié, ou des articles qui supposent un traitement illustratif particulier, comme les articles société. En d’autres termes, en raison de l’organisation du travail journalistique, le recours à des images amateur relève par définition de l’exception, et ne peut constituer une alternative crédible dans un cadre professionnel. Comme le montrent les erreurs d’identification ou d’attribution dès qu’un matériel amateur entre en jeu, celui-ci n’est pas structuré comme une source pro, qui n’est pas seulement une image, mais aussi un ensemble d’informations vérifiées ou de garanties juridiques qui permettent son exploitation dans de bonnes conditions.

  28. La lecture de ce billet interpelle le photographe amateur que je suis (et qui souhaite le rester !).
    Effectivement la photographie est-il l’étendard ou l’icône d’une profession de journaliste bousculée dans son statut et sa pratique ?

    Si la photographie devient exemple et l’opposition Amateurs / Professionnels une raison, alors l’argument devient simpliste.

    Le status d’amateur ou de professionnel change t-il le sens ou l’émotion d’une photo pour l’acheteur ou le donneur d’ordre ?

    La finalité commerciale d’une photo ne dénature, voir de corrompt-elle pas, la production photographique actuelle par la surenchère des effets techniques utilisés ou à l’inverse par de la production « low cost » ?

    Est-ce le procès du monde digital qui est en cause, par sa rapidité et sa volumétrie, banalisant la technicité et la difficulté opérationnelle d’exercer le métier de photographe ?

    L’exception des publications d’amateurs ne rend elle pas justement hommage à la qualité du travail des professionnels qui font cela au quotidien ?

    Certains professionnels ont fait part belle dans leur revenus à la formation des photographes amateurs passionnés .. est ce que cette adaptation est en faveur ou en défaveur des photographes professionnels ?

    Le photographe professionnel Malien ou le Sri Lankais, touchent il le même cachet (brut) que le professionnel français pour une publication dans Libération, ou TF1 ?

    Je vois de plus en plus de professionnels concourir dans des concours photographiques amateurs, est ce par besoin de notoriété, de reconnaissance ou pour gagner le lot symbolique, ou un simple partage d’une passion, un juste retour des choses car certains amateurs publient comme des pros ?

    Comme les chanteurs de rue, certains amateurs sont devenus professionnels après avoir vendus quelques photos, comme des chanteurs sont sortis de conservatoires, d’autres photographes ont fait des écoles photographiques. Existe-il des formes de caste ou de noblesse par le diplôme comme cela existe dans d’autres métiers qui justifie l’opposition de deux mondes ?

    Volontairement, je ne donnerais pas mon opinion sur ces questions car je ne suis pas légitime.

    Alors, j’aime bien ce billet d’André Gunthert qui me fait me poser des questions de Candide et qui montre que cette opposition amateur/pro photographique n’est peut être qu’un prétexte à une problématique plus vaste et donc quelque part fallacieuse, vis à vis de la photographie comme du journalisme, de la production et la diffusion des connaissances etc. La photographie deviendrait elle Icône ?

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