(Traduction de l’italien par Valentina Grossi du billet “Attenti, questo articolo è troppo saturo”, paru le 1er mars sur le blog Fotocrazia.)
J’attendais l’avis d’André Gunthert sur la photo qui a gagné le World Press Photo et sur les polémiques qui ont suivi, et il est arrivé. Et cela me force à revenir sur la question, mais à partir d’un autre point de vue (au fait, il faudrait peut-être une dizaine de WPP par an, s’ils alimentent de manière si utile la réflexion sur ce qui se passe aujourd’hui dans la photographie).
Que dit donc Gunthert, membre de la SFP, historien et spécialiste de la photographie, depuis longtemps une des mes références pour avoir fondé la revue Études Photographiques, et pour son indispensable blog L’Atelier des Icônes?
Il nous gronde, nous autres les journalistes photographiques (en visant ceux du Monde et du Nouvel Observateur, ce qui me permet de me cacher derrière eux…), parce que nous continuons à parler de «retouche» en tant qu’indice d’une disqualification esthétique, et de «Photoshop» comme de l’outil de retouche par excellence. Continuer à utiliser ces termes serait arriéré et «ridicule» à l’ère d’Instagram. Il nous invite tous à nous mettre à jour, bref, à abandonner nos préjugés où se nichent tant de toiles d’araignée.
Sur ce point, si pour Gunthert le terme de «retouche» fait trop XIXe siècle, on peut remédier à cela. Nous pourrions peut-être parler de « connotation interprétative, faite pour modifier intentionnellement la surface visible d’une photographie, effectuée après la prise de vue, avec des techniques et des intensités différentes ». Nous devrions peut-être utiliser un acronyme pour plus de concision, mais je pense que cette définition correspond à quelque chose qui est encore très vivant dans la pratique photographique.
Et si pour Gunthert «Photoshop» sonne, comme cela est peut-être le cas, un peu daté, on peut peut-être le remplacer par le nom de n’importe quel autre programme de postproduction ou de « développement » de RAW – Lightroom, Gimp, Aperture, etc. – ; il reste que la « connotation interprétative, etc. », pour être réalisée, demande de toute façon l’utilisation d’un logiciel.
Mais en réalité Gunthert vise plus haut et il nous explique pourquoi. Il n’existe pas, dit-il justement, de virginité photographique, d’esthétique naturelle. «Il est temps d’admettre l’expressivité de la photo, de même qu’il est urgent de réapprendre à débattre vraiment d’esthétique, et non pas seulement de pseudo-interdits techniques: réapprendre à identifier intentions, motifs, styles et genres».
Jusque là, je suis en paix avec ma conscience. C’est justement pour avoir dit, dans le sillage de Hockney, que la photographie contemporaine sera reconnaissable à l’avenir par son style « daté », que j’ai été la cible de photographes révoltés. Gunthert a raison, mais il sait très bien qu’en photographie il a toujours été question de styles, intentions, etc. ; on n’a pas attendu qu’Instagram nous mette le style (précuit) sous le nez.
Je souscris à cet appel à discuter de styles, d’intentions et de motivations, sans pour autant négliger le fait que cela se traduit en image à travers une utilisation non neutre de la technique.
Mais je crains que, de la réprimande professorale de Gunthert, on puisse déduire que, la «virginité photographique» n’existant pas, si chaque photo est «expression», alors tout ce qui se combine de façon expressive sur une photographie (qui, bien sûr, est déjà un texte connoté par « l’inconscient technologique », mais de façon uniforme et standard) aurait la même valeur, serait également acceptable et, en parlant de photojournalisme, serait éthiquement licite et légitime.
Retoucher, pardon, connoter une photographie journalistique, n’est pas la même chose que de faire un monotype pour l’accrocher sur le mur d’une galerie; c’est intervenir sur un texte informatif. Avec des résultats très différents selon les modalités et, justement, les intentions. Cela veut dire investir un texte visuel avec plus ou moins de transformations intentionnelles qui, en fonction de leur intensité, font que l’image s’éloigne progressivement, non pas de sa « naturalité », mais tout simplement du premier prélèvement, de la « collecte de l’appareil photo » – or, cet éloignement peut dépasser certaines limites.
Mais pourquoi tant de phrases? Le révérend Charles Lutwidge Dodgson, alias Lewis Carroll, a déjà tout dit il y a plus d’un siècle, dans un texte peu connu mais, à mes yeux, génial, Photography Extraordinary, dans lequel, avec le style que nous lui connaissons, il imagine qu’on puisse appliquer aux pensées de l’homme les techniques qui, dans une chambre noire, rendent une photo plus ou moins « développée » et contrastée. Pour qu’on puisse photoshopper (sous licence de M. Gunthert) aussi l’écriture.
Eh bien, je vous laisse profiter par vous-même de la façon dont Carroll démontre sa théorie. Permettez-moi de l’actualiser un peu avec une petite expérimentation. Je vous propose quatre textes hypothétiques de journalistes, racontant tous le même événement, mais qui serait « développé » de façon expressive avec une manière et une intensité à chaque fois différentes. Pour plus de facilité, et non pas par acharnement, j’ai choisi l’événement raconté par la photographie qui a gagné cette année le WPP. Vous êtes prêts?
Texte 1. Le 20 novembre 2012, un missile israélien est tombé sur une habitation dans la ville de Gaza. L’explosion a produit un effondrement dans lequel plusieurs personnes ont trouvé la mort, parmi lesquelles deux frères, Suhaib Hijazi, deux ans, et Muhammad, presque quatre ans. Leur père, Fouad, est mort aussi, tandis que leur mère est en soins intensifs. Les frères de Fouad ont recomposé les corps des deux enfants et les ont portés dans leurs bras, enveloppés dans des draps blancs, jusqu’à la mosquée locale, pour les funérailles islamiques. Le corps du père suivait, porté à l’épaule sur une civière. Une procession d’hommes seuls a défilé en pleurant et en poussant des cris de douleur et de protestation dans les ruelles d’un quartier pauvre de la ville
C’est un texte dans le style d’une agence de presse. Le trouvez-vous un peu aride, sans émotion ? Travaillons un peu avec les histogrammes de la saturation et voyons ce qui se passe.
Texte 2. Un rayon de soleil indifférent tombe tout à coup dans la ruelle, rebondit sur le mur abîmé d’un bâtiment et illumine les visages bouleversés des frères de Fouad Hijazi. Ce dernier est parmi eux, porté sur une civière à l’épaule, sans vie. Sans vie sont aussi ses deux fils, Suhaib et Muhammad, deux et quatre ans, portés pitoyablement dans les bras, devant tout le monde, à la tête d’un cortège pleurant et criant de rage, un cortège d’hommes seuls, qui envahit les rues d’un quartier pauvre de la ville de Gaza. On va à la mosquée pour donner à Dieu les vies brisées d’une famille massacrée. Un missile israélien, le 12 novembre dernier, a détruit la maison dans laquelle elle vivait. La mère, la seule à avoir survécu, est en soins intensifs, et personne ne sait si elle va s’en sortir. Le ciel bleu au-dessus de Gaza devient pâle comme les visages des deux enfants. La guerre se poursuit, même pour ceux qui ne se battent pas, et qui peuvent seulement la subir.
Voilà, celui-ci se rapproche déjà d’un récit dans le style d’un envoyé spécial. Mais on peut aller encore plus loin. Tournons encore un peu la molette vers la saturation…
Texte 3. Cris, pleurs, hurlements, désespoir… Allah est grand. Même aujourd’hui ? Seulement Suhaib et Muhammad, petites tiges brisées par la guerre de Gaza, pourront le dire. Ils verront peut-être bientôt le Dieu de leurs ancêtres. Le sang, la soif du sang, la guerre ne connaît plus personne. Visages livides. Âmes livides de colère que le soleil avare d’aujourd’hui n’arrive pas à réchauffer. Jusqu’à quand ? Jusqu’à quand ? Coude à coude, la ruelle est trop étroite, vestes et combinaisons frottent contre les murs. Les visages déformés, les traits crispés. Les femmes ? On ne les voit pas. Ce n’est pas un endroit pour les femmes, la guerre. Pour les hommes non plus. Pour les enfants non plus.
Et si ce n’est pas assez, nous pouvons continuer.
Texte 4. Sang feu larmes ! Un grondement, de la poussière, du sang, encore des larmes ! Du sang, du sang, du sang ! Allah o Akbar ! Allah o Akbar ! La ruelle tremble. Deux enfants. Morts. Tués. Brûlés par le plomb fondu. La vengeance tombe du ciel sur ceux qui tuent des innocents ! Deux enfants… Sombre est l’humeur, sombres les visages, des cris de voix rauques dans le fossé de chaux et de poussière. Que l’anathème soit lancé ! Des barbes, des mains contractées, les lèvres grandes ouvertes, elles ne veulent pas se fermer, elles ne peuvent pas se taire. Sombre, la ruelle est sombre. Alors qu’il est blanc, horriblement blanc, le supplice d’un drap. Sombres sont les vestes, sombres sont les esprits. Le ciel ? Un ennemi, un traître, un bleu menteur. Le soleil ? Un espion qui se faufile, qui fouille, impudent. Tournez le dos au soleil ! Il n’y a pas de place pour lui, aujourd’hui.
Or, il n’y a pas de doute sur le fait que ces quatre textes, y compris le premier, ont un style, sont de l’ »expression » et non pas une impossible « virginité journalistique ». Tout comme il ne fait aucun doute que, tout en parlant du même événement, ils ne sont certainement pas le même récit, et ils n’offrent pas les mêmes choses au lecteur.
Et même la valeur journalistique des quatre textes n’est pas la même. À un moment donné, entre le 2 et le 3 je dirais, on franchit la limite au-delà de laquelle un « papier » journalistique devient un passage d’écriture créative, complaisant et flatteur. De la même manière, je pense, il y a une limite au-delà de laquelle une certaine intensité de connotations ajoutées transforme une photo de reportage en une peinture.
Le problème, peut-être, c’est que nous ne sommes pas tous d’accord sur cette distinction. Gunthert dit, dans sa conclusion révélatrice : «comme nous l’a appris l’histoire de l’art – à laquelle la photographie n’a jamais cessé d’appartenir».
Je me permets de contester cette affirmation. La photographie n’appartient pas plus que la typographie à l’histoire de l’art. Avec la typographie, on peut imprimer des poèmes, des journaux, des brochures publicitaires ou des étiquettes de haricots ; il en est de même avec la photographie.
Bien sûr, tous ceux qui font des photos sont immergés dans une culture visuelle dans laquelle l’histoire de l’art a injecté des archétypes puissants, des idées, des stéréotypes, des traditions, lesquelles, peut-être, orientent inconsciemment notre regard, même lorsque nous prenons des photos souvenirs lors d’une communion.
Mais pour faire de l’art il est nécessaire de vouloir faire de l’art, c’est le kunstwollen. Les soi-disant « artistes involontaires » ne sont que des fabricants d’objets que l’artiste trouve et désigne comme de l’art. Et les photos qui « veulent faire de l’art », dans le monde de la photographie, sont une minorité infime, numériquement insignifiante, parmi celles – des milliards – qui sont produites chaque jour avec des finalités, des fonctions et des intentions différentes.
Et dans le journalisme visuel et écrit, si une certaine quantité de style et d’ »expression » peuvent faciliter la communication d’une histoire, la volonté de « faire de l’art » pose certainement un problème.
Mise à jour du 02/03. André Gunthert me fait l’honneur d’une réponse, approfondie et stimulante, sur son Atelier des icônes. Je pense qu’au final nous sommes plus proches que nous le pensions. C’est à cela que servent les bonnes discussions. Je ne manquerai pas de faire quelques observations ultérieures (lire la suite: « Ritocchi, filtri, etica ed estetica« ).
14 réflexions au sujet de « Attention, cet article est trop saturé »
Les différents textes énoncés par Michele Smargiassi révèlent, me semble-t-il, à quel point la photographie n’est ni une langue, ni même un langage. Ses variations de style utilisent des mots différents. Ce n’est pas qu’une question de style, c’est aussi une question d’informations.
Si l’on voulait pousser l’analogie, pour que la comparaison avec les descriptions textuelles de Smargiassi soit recevable, il aurait fallu ajouter et retrancher des éléments visuels au fichier Raw.
Le développement du Raw serait plutôt comparable à des variations typographiques 😉 : l’utilisation du gras, de l’italique ou de la majuscule, dans un des textes contrairement aux autres.
Mais l’analogie reste discutable dans la mesure où dès la prise de vue, par son cadrage, la profondeur de champ, la focale etc. le photographe utilise déjà des effets de style. Et « l’absence » de style, la photographie dite « objective », c’est déjà un style dans la mesure où il n’existe pas de photographie sans choix à la prise de vue, comparable à une police de caractère standard.
@Thierry Dehesdin
J’accepte volontiers l’objection. La photographie et le texte ne sont pas comparables, et l’analogie n’est pas parfaite. Mais je pense que j’ai donné une vague idée de « stylisation excessive ». Ajouter dans une image de colorants artificiels peut supprimer ou dévaloriser des informations, ainsi que d’ajouter trop d’adjectives et de figures de rhétorique dans un texte. Toutefois, j’ai dit clairement que je ne pense pas qu’il y a de photographie « objective », comme pas de texte « objectif ». Je vous remercie de votre attention.
Cependant, si je tourne un jaune pâle à un jaune foncé, je n’ai pas changé de style typographique, j’ai changé les « adjectifs » de l’image.
@Michele Smargiassi
Merci de vous lancer dans un rebond en français sur votre réflexion . 🙂
Ce n’est pas évident de définir le moment où la colorisation devient artificielle, et ce d’autant plus que cette approche suppose implicitement, me semble-t-il, qu’avant ce n’était pas le cas.
Les logiciels de traitement des fichiers Raw, et les appareils numériques modernes, permettent de récupérer un dynamique supérieure aux films argentiques inversibles. Et donc de récupérer des détails et des couleurs dans les hautes et dans les basses lumières qui disparaîtraient en argentique. Mais est-ce que c’est plus artificiel que ce qui tenait avant aux limites de la technologie argentique? Les couleurs en argentiques étaient impactées par la différence de température de couleur entre la lumière qui éclairait la scène et la température de couleur pour laquelle le film avait été conçu. L’expérience sensible également, mais de façon très différente. Ce n’était pas plus proche de ce qu’un observateur aurait perçu sur place. Avec les logiciels de développement des fichiers Raw, le photographe choisit sa température de couleur. Est-ce plus ou moins naturel? Et puis dans cette logique quoi de moins naturel que le noir & blanc.
Une colorisation excessive, c’est autre chose. c’est une affaire de goût. Tout comme il a pu être reproché à Sebastiao Salgado une stylisation excessive.
En argentique, il y avait des films « froids » et des films « chauds ». Je ne pense pas que l’on se soit demandé à l’époque si les photographes avaient changés les adjectifs de leur image en n’utilisant un Kodachrome 25 plutôt qu’un Ektachrome 200.
La comparaison empruntée par Michele Smargiassi à Lewis Caroll est évidemment une métaphore. Le texte original de l’auteur anglais exploitait de manière humoristique l’idée de la gradation photographique à l’endroit d’une « traduction » littéraire de la pensée, en suggérant que celle-ci pouvait être rendue de diverses manières. Il est très intéressant de voir qu’il est nécessaire de repasser par le texte pour concrétiser l’idée de styles photographiques, comme si la forme littéraire était plus facile à manipuler ou ses variations expressives plus faciles à apercevoir. Cette idée rejoint au moins partiellement ma critique d’un mauvais usage de l’argument de la retouche en lieu et place d’une évaluation proprement esthétique, car on voit bien à quel point nos outils descriptifs sont pauvres en matière photographique. Tout au plus pouvons-nous nous servir de quelques auteurs pour marquer des points de repère, mais aucun style n’est véritablement nommé, encore moins défini. Nos deux billets, à Michele et moi, convergent sur le constat que ce travail de caractérisation est resté largement en friche.
@Thierry Dehesdin: Encore une fois, qu’il s’agisse de Photoshop ou de degrés de couleur, ça me paraît une erreur de ramener des choix esthétiques à une simple grille technique. La technique permet des variations. C’est leur perception en contexte et leur qualification qui caractérise des goûts. Je répète que la question n’est pas de savoir quelle opération technique a conféré son apparence à la photo de Hansen, dans sa version WPP. La question est de comprendre, quelle que soit cette opération technique, ce qui a fait que cette photo a été perçue comme artificielle (qualification qui n’est pas de ma part un jugement de valeur, mais une déduction objective issue de l’analyse du débat) et quelles significations lui ont été attribuées. Cette perception est l’expression d’un goût, autrement dit d’une appréciation esthétique historique et contextuelle.
C’est vrai, chaque couleur est artificielle. Mais nous ne parlons pas de « naturel » vs « artificiel ». Nous discutons des changements de sens produites par des changements de couleurs. Et ici, il existe des limites. Si je « pousse » la couleur bleue du drapeau jusqu’à ce qu’il devienne vert, j’ai remplacé la France avec l’Italie, et ce n’est plus une question de goût, mais de l’information.
La question est (en effet) sur ce qui reste de l’information une fois que : elle existe, elle est fixée, elle est transmise, elle est reçue.
On peut aussi dire que le choix d’une information plutôt qu’une autre est un choix subjectif, un focus, un coup de projecteur : dans l’exemple de Michele Smargaissi qui passe de l’AFP à la grandiloquence stylistique, il ne faut pas oublier que le journaliste qui aurait choisi cette information dans la journée aura déjà opéré un choix. (Je pourrais dire : «dans le magma informe du quotidien, l’être subjectif tendu par la conscience professionnelle et le désir de partager l’expérience vécue d’autres êtres dans leurs souffrances et leur difficultés…»)
Ensuite, le style volontairement froid et distancié utilisé dans le premier exemple n’est pas moins esthétisant que les autres traitements insta-grammatiquaux qui ont été fait ; il y a aussi une forme d’académisme dans cette façon d’écrire, qui se veut neutre et dépersonnalisée. Comme il y a un académisme esthétique dans la photo scientifique.
Et enfin, quand je lis un texte, je ne suis pas moins un interprète de ce que je lis que lorsque je regarde une image : ce n’est pas que ce que je vois/lis, c’est aussi comment je vois/lis et d’où je vois/lis.
Alors, le débat porte plutôt sur une supposée volonté d’objectivité, de possibilité de tirer des informations neutres, qu’on attend de la presse et des journaliste : mais ne s’agit-il pas là aussi d’une fiction ?
L’idée suggérée par la métaphore Carollienne est celle du gradualisme: du style « neutre » à l’expressivité la plus échevelée, on reste sur une même échelle, ce qui a pour conséquence logique de considérer le « neutre », non comme une absence de style, mais comme un choix esthétique à part entière.
La question induite par le gradualisme débouche évidemment sur l’idée d’une « bonne mesure » de l’esthétisation (ne pas aller « trop loin »). Celle-ci repose sur la représentation, élaborée à la fin du XIXe siècle, d’un genre spécifique du « journalisme d’information » (en opposition avec le « journalisme d’opinion »), qui vise à la neutralité et à l’objectivité, sur le modèle scientifique. Evidemment, on est avant la critique produite par la sociologie des sciences (Latour, Stengers…), qui a considérablement révisé cette vision mythologique. Le journalisme, lui, en est encore là, au moins dans sa version enseignée standard (distinguer le « fait » du « commentaire », alors que la science moderne montre que le « fait » est lui-même construit).
Au contraire de l’idée reçue, il est très facile de montrer que l’énonciation journalistique ne repose nullement sur une forme « neutre », mais bien au contraire sur une dramatisation de l’information (sans laquelle personne n’ouvrirait jamais un journal). La sélection et la qualification de l’info (choix de l’angle, du titre et de l’illustration) sont évidemment les ingrédients de base de cette élaboration qui vise à éveiller l’attention du lecteur. Le travail fondamental du journalisme n’est pas de diffuser ou de mettre en forme des informations, mais de de créer la prosécogénie de l’information.
Entre l’idée d’une virginité intégrale du journalisme (qui n’est pas du tout la mienne) et l’idée de son arbitre absolue, il ya la pratique de l’honnêteté subjective du témoin professionnel. Je parle de temoignage et pas de la vérité ou d’autres absolus pseudo-neutre. Mais en tant que journaliste, vous voulez bien m’excuser, je crois encore à cette fonction. Il ya un pacte entre le journaliste et le lecteur, qui inclut l’utilisation de dispositifs rhétoriques, à des degrés divers, mais exclut le biais de la dissimulation délibérée.
Donc oui, je pense qu’il ya une « bonne mesure » professionelle dans l’utilisation de la rhétorique (je préfère « rhétorique » à « esthétique »: la rhétorique s’inscrit dans l’énonciation, l’esthétique dans la réception), et que au déla de cette mesure il y a un risque que la « dramatisation » devore le temoignage, sans lequel il n’y a pas de journalisme.
(Veuillez pardonner mon mauvais français).
Il n’existe pas de reproduction photographique exacte de la réalité. Si c’était le cas on pourrait par exemple photographier les fenêtres d’une pièce un jour de beau temps et utiliser des tirages grandeur nature pour s’éclairer la nuit!
Par contre il existe des conventions qui, à condition qu’on les respecte, font que nous sommes capables de nous faire une idée assez exacte de la scène photographiée. Il n’est pas surprenant que des problemes surviennent quand les photographes (ou ceux qui interviennent après eux) ne respectent pas ces conventions.
Il est par contre assez surprenant que nous soyons capables d’interpréter sans trop de difficultés les images qui suivent les conventions correpondant à des époques où elles étaient fort différentes des notres (à cause entre autre des procédés utilisés à ces époques.)
Il serait intéressant de partir d’une image de synthèse (obtenue par calcul à partir des propriétés de surface des objets représentés et de la source de lumière) et de lui appliquer les rendus phographiques qui se sont succédés depuis 1839…
« Je regarde dedans, et là, c’est un moment très important de mon existence. Je pouvais écarter tout ce que je ne voulais pas voir. Et là, je me suis dit que j’étais arrivée à la maison. Je savais que j’allais être photographe. » 🙂
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