Petite expérience. La Une du Monde du jour (daté du 06/07), « Un quart des universités en faillite virtuelle« , attire mon attention. Mais l’article n’est pas disponible en ligne et le journal n’est pas paru en raison d’une grève. J’achète l’exemplaire sous forme de pdf en ligne pour 0,79 euro. Du coup, me vient l’idée de profiter de cette présentation pour compter les images, que j’extrait grâce à Acrobat.
Le cas n’est pas typique. En raison de la grève, le journal ne comporte aucune publicité, mis à part les autopubs pour les productions maison (au nombre de 5). Sur un total de 34 illustrations (pour 22 pages éditées), on dénombre 1 dessin de presse, 4 cartes ou infographies et 24 photographies.
Les images une fois extraites et ramenées à une série iconographique décontextualisée (voir sur Flickr), me voilà face à un puzzle, un nouveau jeu. Dissociées des articles ou des informations d’échelle qui permettent d’en saisir la signification, les images sont muettes, ce qui frappe est la difficulté de retrouver les événements auxquels elles renvoient. On reconnait bien un portrait de Hollande, un lever des couleurs, une inondation, une salle de classe, mais impossible de se souvenir à quoi renvoient exactement ces images (voir ci-dessus).
Les photos les moins équivoques sont le portrait de Bruce Springsteen sur scène, les mannequins, les coureurs cyclistes, la voiture, les cartes et infographies – images auxquelles il paraît possible d’associer un sens sans grand risque d’erreur (voir ci-dessus). Mais une majorité de photographies restent ininterprétables sans le secours d’un titre ou d’une légende (voir ci-dessous, passer la souris sur l’image pour lire les légendes).
Les conclusions théoriques de cette petite expérience ne sont pas négligeables. Alors qu’image et texte restent pour l’analyse traditionnelle des médias deux mondes à part (la plupart des spécialistes ne prêtent pas attention à la dimension visuelle, et font comme s’ils n’étaient confrontés qu’à du texte, tandis que ceux qui prennent en compte l’image l’isolent et la décrivent comme une entité séparée de son substrat informationnel), il apparaît clairement qu’on ne peut pas considérer l’image en dehors de ce qui constitue son occurrence éditoriale (organe, rubrique, auteur, événement, article, titraille, légende, source, format, etc.).
Comme les autres éléments de la narration journalistique, l’image n’est jamais seule: elle n’existe qu’en composition avec ces divers facteurs, qui contribuent à son interprétabilité. Plutôt que de prétendre éduquer spécifiquement aux images, l’analyse des formes médiatiques doit prendre en compte ensemble ces différents ressorts expressifs. L’analyse de l’image ne vaut que si celle-ci est considérée comme l’un des éléments d’une composition à chaque fois unique.
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