Les éditions de Minuit annoncent la parution de: Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet (L’Œil de l’histoire, 3), 384 p., 73 ill. NB, 29 euros.
(4e de couverture) À quiconque s’interroge sur le rôle des images dans notre connaissance de l’histoire, l’atlas Mnémosyne apparaît comme une œuvre-phare, un véritable moment de rupture épistémologique. Composé – mais constamment démonté, remonté – par Aby Warburg entre 1924 et 1929, il ouvre un nouveau chapitre dans ce qu’on pourrait nommer, à la manière de Michel Foucault, une archéologie du savoir visuel. C’est une enquête « archéologique », en effet, qu’il aura fallu mener pour comprendre la richesse inépuisable de cet atlas d’images qui nous fait voyager de Babylone au XXe siècle, de l’Orient à l’Occident, des astra les plus lointains (constellations d’idées) aux monstra les plus proches (pulsions viscérales), des beautés de l’art aux horreurs de l’histoire.
Ce livre raconte, par un montage de « gros plans » plutôt que par un récit continu, les métamorphoses d’Atlas – ce titan condamné par les dieux de l’Olympe à ployer indéfiniment sous le poids du monde – en atlas, cette forme visuelle et synoptique de connaissance dont nous comprenons mieux, aujourd’hui, depuis Gerhard Richter ou Jean-Luc Godard, l’irremplaçable fécondité. On a donc tenté de restituer la pensée visuelle propre à Mnémosyne: entre sa première planche, consacrée à l’antique divination dans les viscères, et sa dernière, hantée par la montée du fascisme et de l’antisémitisme dans l’Europe de 1929. Entre les deux, nous aurons croisé les Disparates selon Goya et les « affinités électives » selon Goethe, le « gai savoir » selon Nietzsche et l’inquiétude chantée dans les Lieder de Schubert, l’image selon Walter Benjamin et les images d’August Sander, la « crise des sciences européennes » selon Husserl et le « regard embrassant » selon Wittgenstein. Sans compter les paradoxes de l’érudition et de l’imagination chers à Jorge Luis Borges.
Œuvre considérable de voir et de savoir, le projet de Mnémosyne trouve également sa source dans une réponse d’Aby Warburg aux destructions de la Grande Guerre. Non content de recueillir les Disparates du monde visible, il s’apparente donc à un recueil de Désastres où nous trouvons, aujourd’hui encore, matière à repenser – à remonter, poétiquement et politiquement – la folie de notre histoire.
Cet ouvrage reprend, inchangé, le texte introductif du catalogue de l’exposition Atlas ¿Cómo llevar el mundo a cuestas ? – Atlas. How to Carry the World on One’s Back ? que Georges Didi-Huberman a organisée entre novembre 2010 et février 2011 au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía (Madrid), exposition reprise au ZKM-Zentrum für Kunst und Medientechnologie de Karsrühe puis à la Sammlung Falckenberg de Hambourg, entre mai et novembre 2011.