Libération fait aujourd’hui sa Une d’une belle photographie de Sébastien Calvet. Le reporter a raconté les circonstances de cette prise de vue, exécutée lors du dernier meeting du candidat socialiste au Bataclan, le 13 octobre dernier.
Comme souvent, Calvet a tenté de déconstruire la mise en scène programmée, qui visait à produire l’image ci-dessous (photo Reuters): Hollande levant des bras vainqueurs sur fond de foule enthousiaste.
Plutôt que de produire la photo attendue, Calvet s’est positionné au balcon, en anticipant le déplacement du candidat. Lorsque celui-ci est passé sous l’objectif, il n’a eu qu’à le héler – «Monsieur Hollande!» –, pour que celui-ci lève les yeux vers le photographe.
Le récit de la prise de vue est précieux. Il appartient à un genre peu nombreux, dont le blog de Sébastien Calvet fournit un exemple remarquable. Ce que nous n’avons pas, c’est le récit équivalent de la deuxième partie du processus: celui de la sélection de cette image par la direction de la rédaction et des raisons de ce choix.
Etant donné les qualités de la photographie, celles-ci paraissent transparentes: le visage souriant et comme illuminé du candidat dans la foule forme une vue à la fois originale et très évocatrice. Toujours est-il que cette partie du processus éditorial fait rarement l’objet d’un récit. Une absence qui évacue et naturalise l’opération qui est pourtant la plus importante: celle de l’éditorialisation de l’image. Non signée, celle-ci est censée traduire l’appréciation de la rédaction.
Grâce au récit du photographe, nous pouvons à tout le moins décomposer le dispositif construit par la Une, qui accole à l’image recadrée du Bataclan un titre emprunté à Umberto Eco: « Le nom de la rose », qui évoque par jeu de mots le choix définitif de la primaire socialiste.
L’association de ces éléments, dans le contexte du scrutin du 16 octobre, produit une composition lisible et élégante, qui fait de François Hollande l’élu du peuple de gauche, avec des connotations d’onction ecclésiastique et de ferveur militante.
Pourtant, tout dans cette si belle affiche est parfaitement artificiel. La photo n’est pas un document d’actualité, mais une vue circonstancielle créée par le photographe pour « faire image ». Ce n’est pas le lecteur ni la France que Hollande regarde dans les yeux en souriant, mais le photographe qui vient de prononcer son nom. La sélection de cette image pour évoquer le résultat de la primaire, soulignée par un fin calembour doublé d’une allusion érudite, relève de la construction illustrative, de la même façon qu’un publicitaire choisit dans une banque d’images le visuel le plus approprié au message qu’il veut raconter.
Les photographes emploient aujourd’hui couramment les expressions de « storytelling » ou « raconter une histoire » pour exprimer l’idée de faire passer par l’image un message éditorial déterminé à l’avance. La Une de Libération, composée pour mettre en image le triomphe de François Hollande, relève du travail de qualification journalistique qui vise à fournir une opinion synthétique et orientée. Il suffit de la comparer à d’autres Unes du jour (voir ci-dessous) pour constater que ce que raconte surtout cette vision très positive du résultat de la primaire socialiste, c’est qu’à Libé on n’est pas mécontent du choix du candidat.
24 réflexions au sujet de « Comment faire parler les images »
C’est simplement de la belle ouvrage, et ce n’était pas gagné d’avance !
Une fois l’image là, on peut théoriser, analyser, mais une telle image est en grande partie imprévisible et même improbable. Le photographe doit tenter, le résultat ne dépend que partiellement de lui, sa position et son cadrage, mais l’expression de François Hollande ainsi que l’organisation des autres éléments de l’image sont en grande partie dues au hasard. Quand un dessinateur peut composer, le photographe ne peut que cueillir les images qui se présentent à lui ou, éventuellement, essayer de les provoquer.
« Sacrée » une, en effet!
Et merci pour cet éclairage sur les coulisses de la construction de cette image.
Dans cette écriture de l’actualité, un autre récit me manque pour ma part: celui de la présélection faite en cas de victoire de Mme Aubry. Car on peut bien imaginer qu’anticipant l’évènement, à la manière de M. Quilès, les rédactions avaient préparé deux unes. Cette partie du récit est elle aussi souvent escamotée, les choix alternatifs tombant dans les limbes. Pourtant il serait bon de pouvoir apprécier le choix final au regard des autres orientations envisagées, pour chacun des candidats en l’occurence.
@JluK: J’ai moi-même qualifié ci-dessus de « belle photographie » cet instantané remarquable de Calvet. Mais encore une fois, cette prise de vue n’est que la moitié d’un processus moins visible, qui est l’éditorialisation de l’image – sélection, recadrage, légendage… Le récit de Calvet nous permet de comprendre à quel point ces deux étapes sont indépendantes. Dans la photo de Calvet, celui que regarde Hollande, c’est le photographe, parce que celui-ci vient de le héler. Cette information disparaît évidemment dans la composition de Une, produisant l’impression que Hollande regarde le lecteur (ou la France) dans les yeux – suggestion qui est à proprement parler une fiction. Je suis d’accord avec vous: c’est de la belle ouvrage!
@Raphaële: Tout à fait d’accord! La préparation du processus éditorial et ses scories soigneusement gommées laisse parfois des traces, comme cet édito alternatif de Joffrin sur Moubarak, qui montrait la puissance imaginative et la capacité fictionnelle du journaliste…
Cette image montre surtout que définitivement aujourd’hui les personnages publics savent parfaitement se servir d’un appareil photo, dans toutes les situations.
« Pourtant, tout dans cette si belle affiche est parfaitement artificiel. La photo n’est pas un document d’actualité, mais une vue circonstancielle créée par le photographe pour “faire image”. »
Ce n’est pas un document d’actualité parce qu’elle est utilisée hors contexte, au soir des élections, pour illustrer la victoire de Hollande. C’est une superbe illustration, parce que Hollande est aux anges, bousculé par la foule de ses admirateurs, au centre de toutes les admirations.
Est-ce pour autant une vue circonstancielle créée par le photographe pour faire image? Il n’y a pas eu de mise en scène. Ce n’est pas le photographe qui a disposé des figurants en un cercle dont Hollande serait le centre. Le fait que l’attitude de Hollande soit une réponse quasi palvovienne à un stimuli du photographe, disqualifierait il l’image? Les photographes ne sont pas que des témoins, ce sont aussi des acteurs dans ce genre d’évènements. Leur nombre suffit à en qualifier l’importance. Calvet n’a pas demandé à Hollande de sourire. On ne saura d’ailleurs jamais s’il sourit parce qu’il est sur un nuage, que l’on vient de lui raconter une histoire belge ou s’il veut sourire à la France et aux français qui verront cette image. Mais si cela avait été Martine Aubry, elle aurait probablement fait la gueule.
Pas plus Hollande que le photographe n’ont construit cette image. Le photographe a choisi un point de vue et croisé les doigts. Si elle avait été réalisée rue de Solferino au soir de l’élection (j’en étais d’ailleurs convaincu avant de lire ton texte), est-ce qu’elle n’aurait pas été un document d’actualité?
Avoir envie de penser qu’une belle photo ne peut pas être artificielle résume toute notre culture de la photographie. Regarder en l’air en étant photographié en plongée dans la foule est une situation entièrement artificielle créée par le photographe, qui nous explique qu’il l’a fait exprès pour échapper à la scénographie imposée.
Je te confirme que le Bataclan n’est pas Solférino, et que le 13 n’est pas le 16… 😉 Même si tout ça a l’air d’être bonnet blanc et blanc bonnet, il y a bien décontextualisation (sur la photo, Hollande est encore un candidat en campagne et pas encore le vainqueur de la primaire). La phrase importante dans ton commentaire est: « J’en étais d’ailleurs convaincu avant de lire ton texte ». Pour que cette image fonctionne comme l’affiche de la primaire, il faut un certain nombre d’omissions et de glissements, qui sont produits de manière tout à fait délibérée, au profit de la construction de la fiction illustrative. Je ne dis pas que c’est mal, je dis juste que c’est comme ça que c’est fabriqué.
J’ai fini mon café. 🙂
« Pour que cette image fonctionne comme l’affiche de la primaire, il faut un certain nombre d’omissions et de glissements, qui sont produits de manière tout à fait délibérée, au profit de la construction de la fiction illustrative. »
Là je comprends, et je suis d’accord.
« Regarder en l’air en étant photographié en plongée dans la foule est une situation entièrement artificielle créée par le photographe, qui nous explique qu’il l’a fait exprès pour échapper à la scénographie imposée. » Je suis plus réticent sur cette idée que le point de vue du photographe (au sens de son emplacement) permettrait de désigner une situation comme artificielle. Si le candidat était juché sur une tribune, je suppose que tu ne trouverais pas que la contre-plongée est artificielle. Monter sur un balcon pour embrasser une situation est un reflex naturel, même chez les spectateurs qui ne sont pas des photographes. http://blog.dehesdin.com/blog/wp-content/uploads/2011/09/ptgtmp_DZ29ZG.jpg
Réaliser une plongée dans ces conditions, n’est donc pas plus artificiel que de réaliser une contre-plongée devant la tribune. Donc ce qui donnerait à cette photo son caractère artificiel, ce serait que Hollande lève la tête pour regarder le photographe. Mais est-ce qu’inversement un dispositif où le candidat ne regarderait pas les photographes, qui sont partie prenante dans le rituel d’un meeting, ne serait pas tout aussi artificiel. On pourrait dire qu’il fait semblant de ne pas voir les photographes, comme dans les premières images de Calvet.
Cette image est-elle artificielle: http://blog.dehesdin.com/blog/wp-content/uploads/2010/01/Cartes-Shanghai-02-Dehesdin.jpg ?
Photographiquement, c’est un peu l’opposition entre Henri Cartier-Bresson; » Si jamais on a été gagné de vitesse, et que quelqu’un vous ait remarqué avec votre appareil, il n’y a plus qu’à oublier la photographie, et laisser gentiment les enfants s’agglutiner à vos jambes. » (Images à la Sauvette)
et William Klein http://www.argentic.fr/product-3129.html
Love it! 🙂
Est-ce qu’on ne peut pas voir également dans cette image une rose avec Hollande au centre de la corolle? Un dessinateur pourrait peut être essayer de travailler ça?
Étant donné la maîtrise des médias des hommes politiques et celle, toute particulière, de François Hollande – que les journalistes apprécient particulièrement, à ce qu’on dit -, je suppose que ce dernier connaît personnellement Sébastien Calvet, ses angles de vue particulier, sa manière récurrente d’essayer de se démarquer de la meute de ses confrères pour composer des clichés décalés. Lorsque Calvet le hèle, non seulement il lui répond, mais encore il lui réserve son plus beau sourire car il doit savoir, sans même avoir besoin de se le dire, que c’est peut-être la Une à venir de Libé qui se joue dans cet instant d’interaction. Et Calvet, du haut de sa longue expérience de photoreporter, doit savoir également qu’il tient peut-être là la photo pour la Une qui pourrait annoncer la victoire de Hollande deux jours plus tard. Rien de tout cela n’est sûr, bien entendu, mais ils sont trop pros tous les deux, ils se connaissent trop bien, pour laisser passer une si belle occasion de composer ensemble la photo qui fera mouche. Et qui, « tout naturellement », a fait mouche.
Sylvain, je n’ai jamais fait de photos de presse et je n’ai jamais photographié Hollande. Mais j’ai photographié, un peu par hasard, Bernard Tapie à l’époque de sa gloire. C’était de l’évènementiel et j’étais le photographe appointé par l’organisateur qui travaillait à coté de photographes de presse qui étaient là pour des agences. Je me souviens que j’avais été épaté par son « professionnalisme ». Il a pris le temps après son intervention d’aller serrer la main de deux photographes qu’il connaissait. Calvet a sans doute eu conscience qu’il tenait enfin une image, mais dans ce genre de situation il y a tellement de paramètres que ce n’est que lorsque tu la regardes que tu es rassuré. Ce n’est pas du studio. Quant à Hollande, je n’étais pas sur place, mais je pense que tu sous-estimes le bordel ambiant. Il devait y avoir des dizaines de photographes qui criaient dans tous les coins, et en plus il était étouffé par tous les lieutenants et sous-lieutenants qui voulaient être à coté du héros du jour.
Je rapprocherai cette image d’une autre photo de William Klein où la présence de l’appareil déclenche une réaction destinée au seul photographe dans une situation qui n’a d’autre raison d’exister que la présence de la caméra, sans qu’à mes yeux la situation soit pour autant artificielle.
http://www.trendhunter.com/trends/photographer-william-klein
Le photographe n’est pas qu’un témoin, c’est aussi un acteur de la vie sociale. Les larmes que Ségolène n’a pu contenir « malgré » la présence des photographes me semblent tout aussi peu artificielles que le sourire du vainqueur au photographe.
@ Thierry : Dans le cas présent, il s’agissait de la fin du meeting, la salle était déjà quasiment vide et les lieutenants de Hollande avaient hâte de lui faire quitter les lieux. Donc assez peu de « bordel ambiant ». L’appel de Calvet a dû être bien entendu par Hollande. Le coup de chance, c’est plutôt que ce dernier ait levé la tête, ait souri exactement à l’endroit où tombait une tache de lumière, sur laquelle misait le photographe. Cette coïncidence donne au visage de Hollande ce nimbé lumineux, biblique, qui distingue l' »élu » des autres.
Si je n’ai rien contre le fait de spéculer sur les conditions de prise de vue (et les indications à ce propos de Thierry sont, comme toujours, particulièrement pertinentes), en revanche, je suis gêné par le fait de concentrer la discussion exclusivement sur ce point – comme c’est généralement le cas dans les ouvrages de commentaires sur le photojournalisme.
Encore une fois, ce n’est pas Sébastien Calvet qui prend la décision de publier cette image en illustration du résultat des primaires, ce qui la décontextualise et lui retire sa dimension documentaire. Pour le dire autrement, « l’élu » n’est pas encore présent sur la photo de Calvet, il n’apparaît que sur la Une du 17. Il convient donc de prendre en compte d’autres dimensions que celle du moment fatidique de l' »instant décisif », qui ne fait que produire le premier état d’un matériau considérablement transformé par le processus éditorial.
@ André : Certes, mais comment instaurer une telle césure entre l’avant et l’après-publication, comme si le métier des photographes ne consistait pas en particulier à produire les images que leurs rédactions attendent ? C’est une chaîne continue des uns aux autres.
Je ne sais pas si Sébastien Calvet est suffisamment redoutable comme photographe pour penser toute la soirée à réaliser la photo du Hollande gagnant et la photo du Hollande perdant… C’est pour l’ordinaire des photographes souvent plus prosaïque et concurrentiel. Assurer le reportage, c’est à dire plus ou moins les mêmes photo que les autres en espérant chopper une mimique, une expression, et prendre le risque (monter sur le balcon, c’était du temps pour rien si Hollande n’avait pas levé la tête, avait grimacé à cet instant etc.) d’abandonner le point de vue le plus évident pour revenir avec une photo « différente » d’un sujet conventionnel.
L’instant décisif dans ce genre de reportage, c’est un mélange de métier (être capable d’anticiper) et de chance.
Cher André Gunthert,
Permettez-moi de réagir à votre manière de faire parler ceux qui font parler les images. Je me réjouis que pour une fois vous sortiez d’une lecture sémiotique des images pour envisager le contexte, en proposant une critique externe. C’est la grande supériorité de la sociologie, et des sciences sociales que d’être capable de tenir les deux bouts. Cela dit votre contextualisation s’en tient hélas à des hypothèses lorsqu’elle gagnerait à reposer sur des observations de terrain. Seule une véritable ethnographie permettrait de raconter comment cette image fut choisie. Cela éviterait de supputer des motifs politiques imaginaires. Permettez moi donc l’outrecuidance du regard reflexif d’un acteur social qui conserve quelques réflexes de sociologue, et a longtemps pratiqué, dans une autre vie, ce genre d’ethnographie dans les rédactions.
Je fais partie du petit groupe de personnes, cinq ou six, qui ont fabriqué ensemble cette une de Libération. Et sans révéler des secrets de fabrication, je peux vous dire que l’idée initiale était très différente. Nous aurions voulu produire lundi matin ce qui aurait pu être considéré comme la première affiche de campagne du candidat désormais désigné. La référence étant la fameuse affiche Hope d’Obama. Malheureusement aucune des images produites ne nous a semblé suffisamment forte. Par ce choix nous voulions exprimer l’idée qu’il y avait désormais un ou une candidate, ne pas simplement être dans le passé de la veille mais nous tourner vers le futur de la campagne. C’était aussi le moyen de ne pas célébrer la victoire de l’un sur l’une ou de l’une sur l’un (personne n’aurait sérieusement parié sur la victoire certaine de François Hollande, nous sommes suffisamment à Libé à ne pas « croire » aux sondages…) mais simplement de prendre acte du fait qu’il y avait désormais une candidate ou un candidat. Ce choix s’inscrit dans la politique éditoriale qui fut la notre tout au long de la primaire : ne surtout pas prendre parti pour un candidat, respectant en cela le principe d’une primaire, et un élémentaire pluralisme. Déçu par les propositions d’affiches, nous nous sommes donc tourné vers cette très intéressante photographie de Sébastien Calvet, même si elle datait du jeudi précédent, date du meeting de Hollande au Bataclan, ce n’était pas l’idéal du point de vue journalistique, mais les qualités de l’image l’emportèrent. Sur cette image, notre première manchette pointait elle aussi l’idée du futur : « Objectif 2012 », manière de ne pas écrire le nom du vainqueur, de ne pas cliver l’électorat de gauche (entre électeurs de Hollande et d’Aubry). Jusqu’au moment où l’un d’entre nous eut l’idée de cette référence au roman d’Umberto Eco, juste un clin d’oeil cultivé, sans grande signification. Reste que parmi les personnes qui ont fait ce choix (de l’image et du titre), il s’en trouvaient qui ont voté et d’autres non, et parmi ceux qui ont voté certains avaient voté Aubry et d’autres Hollande. Au-delà de nos désaccord, nous nous sommes tous retrouvés pour penser que cette une n’était certainement pas celle qui aurait a posteriori permis de faire mentir la position de principe que nous avons tenu jusqu’au bout : le pluralisme, et donc le non choix parmi les candidats.
bien à vous,
Sylvain Bourmeau
@ Sylvain Bourmeau: Merci pour ces indications précieuses, qui restituent la partie manquante du récit dont je regrettais l’absence. J’ai la faiblesse de penser que c’est la provocation de mon billet qui a suscité cette restitution, ce qui prouve son utilité!
Je trouve également intéressante votre croyance en une parfaite maîtrise des signifiants, partagée à l’évidence par tous les acteurs de la fabrique de l’information, comme nous avons déjà eu l’occasion de le tester à maintes reprises sur Culture Visuelle. Je suis moins confiant que vous dans la solidité du jeu des signes et de leur interprétation, et à vrai dire toujours aussi perplexe devant l’incompréhension suscitée chez les professionnels par l’expression d’une réaction de lecteur. Il n’y a en effet de « sémiotique » (un terme que je n’emploie guère) dans mon approche que celle qu’effectue spontanément n’importe quel lecteur face à une proposition médiatique. A la différence d’un édito de Joffrin ou de Demorand, mes propos sur mon blog n’engagent que moi et correspondent à l’enregistrement d’une réaction qui n’a rien de définitif, et que d’autres ci-dessus ne se privent pas de contredire. Je me réjouis donc de vous voir prendre part à une conversation qui n’attendait que votre participation… 😉
Bonjour,
Il me semble qu’il y a un autre sujet d’étonnement dans cette image. Imaginez une seconde, M. Gunthert, que vous vous promeniez avec un groupe d’amis quand quelqu’un, d’un balcon voisin, vous hèle à pleine voix : « André ! » Pensez-vous réellement que vous seriez le seul à lever la tête ? C’est peu vraisemblable ; vos amis eux aussi lèveraient la tête en se demandant qui vous interpelle.
Rien de tout ça dans la photo de S. Calvet : seul F. Hollande lève la tête… au moins sur la version recadrée (dans l’original, M. Vals et une autre personne devant lui ont l’outrecuidance de tenter de découvrir qui s’adresse au patron !)
Au total, cette opposition entre la tête relevée de Hollande et les têtes baissées qui l’entourent contribue largement à la force de l’image, je pense.
C’était juste une petite remarque en passant. Merci pour votre passionnant travail.
A signaler que la couv de Paris-Match du 20 octobre fournit un contrechamp à la photo de Calvet, qui suggère que le sourire (non plus que le salut) de Hollande n’était pas nécessairement adressé au photographe, mais faisait plutôt partie du registre comportemental générique de cette sortie de meeting.
Sur la photo originale, Il y a deux autres personnes, en plus de Hollande, qui regardent l’objectif. Après (habile) recadrage format Libé, elles ont heureusement « disparu » car hors de l’entourage immédiat de l’intéressé. C’est effectivement un grand coup de chance, car l’image tire sa force de l’unicité du « regard-camera » de Hollande (sans quoi elle n’aurait bien évidemment pas été choisie). Beau travail d’équipe donc…
On peut observer que le « L » de Libération, vient adroitement cacher la pupille gauche (l’autre étant dans l’ombre) du personnage de couleur qui lui aussi regardait le photographe ; c’est un travail de maquette très précis…
@NLR: La photo de Calvet n’est pas coupée dans sa hauteur: elle est simplement centrée, évidemment sur le personnage de François Hollande – le format de Une fait le reste. Le logo occupe sa place habituelle. Il ne me paraît pas nécessaire de spéculer sur un machiavélisme que le commentaire de Sylvain Bourmeau dément. Ce qui fait un bon instantané, c’est aussi la chance, c’est comme ça depuis l’invention du gélatino-bromure d’argent… 😉
Oui : la typo, a eu la « chance » de tomber exactement – et sans machiavélisme – sur cette pupille concurrente… 😉
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