Friends

"Des paroles et des actes", France 2, 1e émission débat consacrées aux primaires du PS, 15/09/2011 (capture d'écran).

On n’en attendait rien. Ne les connaît-on pas déjà, les candidats de la primaire du PS, et ne sait-on pas d’avance ce qu’ils vont dire? Aussi pouvait-on prophétiser gravement, tel le devin Pierre Marcelle, que «le venin de la personnalisation, sinon de la débilitante pipolisation» allait emporter le premier débat télévisé des primaires, jeudi soir sur France 2, dans les méandres de l’insignifiance. Le lendemain, plusieurs journaux reprenaient l’antienne des « divergences » et voulaient croire au scénario de l' »affrontement ». Ben quoi, c’est pas une primaire? Et ne vendrait-on pas plus de papier avec bisbilles, croc-en-jambes et chicanes que par mer lisse et calme plat?

Raté. Parmi les images mobilisées par le décor de l’émission, aux côtés des inévitables reprises sur grand écran du live, il y eut cette drôle d’idée d’ajouter divers portraits et photos des candidats en situation, qui apparaissaient en incise façon diaporama de site de campagne. Et bien sûr, dans le lot de ces illustrations souriantes, il y avait la mosaïque composée par les 6 portraits des candidats en gros plan. Au fur et à mesure que l’émission avançait, la ponctuation régulière de ce patchwork apparaissait comme le rappel de celui des friends sur Facebook.

La démonstration produite par le débat aura bien été celle de la compatibilité et, quoiqu’en dise Marcelle, de la camaraderie de responsables que ne séparent que des nuances. Après dix ans du spectacle des haines recuites, des coups tordus et du caporalisme de la droite, la bonhomie des socialistes avait certes un côté un peu bisounours, mais donnait aussi l’impression d’avoir vraiment changé de film.

Au final, il n’apparaissait plus si crucial de trancher entre Martine et François, de soutenir Ségolène ou Arnaud. Devant l’esquisse de gouvernement qui se dessinait sous nos yeux, plutôt que des divergences individuelles, on voyait apparaître une ébauche d’équipe, qui semblait finalement le meilleur antidote contre le césarisme de la Cinquième.

Le scénario de l’élection impose le volontarisme et la personnalisation – deux traits contre lesquels le corps électoral est désormais vacciné. Puisque, nous le savons tous, l’alternance ne modifiera qu’à la marge la doxa qui règne sur les affaires publiques, la péripétie présidentielle, désormais infiniment moins décisive qu’il n’y paraissait en 2007, avait jeudi soir des allures d’affaire classée. Ce qui ne fait assurément pas celles des médias, qui comptent sur l’échéance pour se refaire une santé. Il se pourrait que ce calcul s’avère nettement moins payant cette fois-ci.

6 réflexions au sujet de « Friends »

  1. « Devant l’esquisse de gouvernement qui se dessinait sous nos yeux, plutôt que des divergences individuelles, on voyait apparaître une ébauche d’équipe, qui semblait finalement le meilleur antidote contre le césarisme de la Cinquième. »
    J’ai eu le sentiment, à l’issue de cette émission que la télévision, lorsqu’elle est maîtrisée, restait le seul média susceptible de donner l’onction présidentielle, de légitimer quasi-instantanément un ou en l’occurence plusieurs candidats.

  2. Suis-je pinailleuse quand je crois remarquer que le public, majoritairement habillé de bleu (on le voit bien sur votre 3è photo dans Flickr), arbore ça et là quelques touches de rouge et de rose…? En tout cas ça m’a fait sourire et n’apporte pas beaucoup de sens à votre article.

  3. sur la photo camaïeu qui se marre ? les filles -et arnaud qui ne montre pas les dents…; le sérieux, c’est le prétendant élu préalablement des sondages (fait vraiment la gueule mais ça se comprend en même temps); jean-mi sait qu’il y va pour le palais du Luxembourg, et c’est pas folichon, folichon; quant au dernier, il sera… dernier (petit sourire qui en dit court). Il y avait eu ce séminaire sur le sourire (http://www.pendantleweekend.net/2011/05/un-sourire-cest-bien-peu-de-chose/); manque cependant le grand gagnant de cette soirée : http://www.gala.fr/var/gal/storage/images/media/images/actu/photos_on_ne_parle_que_de_ca/integrations_841/david_pujadas_et_ingrid/1210381-1-fre-FR/david_pujadas_et_ingrid_reference.jpg
    :°))

  4. Ce vidéogramme que tu proposes sur Flickr appelle peut-être un petit commentaire. Juste après la clôture de l’université d’été du PS, la photo des candidats à la primaire se tenant la main avait été largement raillée par la presse comme relevant de la mise en scène ; cette camaraderie de façade n’allait pas durer au-delà. Qu’il y ait eu alors mise en scène n’est sûrement pas faux, mais après l’avoir présenté ainsi, il était pour le moins risqué de convoquer une photo des candidats main dans la main dans le décor du premier débat télévisé. Peut-être une forme d’incantation discrète à la tenue d’un débat serein, histoire de contredire les railleurs… pour quelques temps encore, en tout cas.

  5. @ Thierry: C’est vrai. N’est-ce pas aussi le reflet de la fonction sociale du média télévisé, que je soulignais récemment à propos d’un autre exemple?

    @ alice: Il y a aussi pas mal de chemises rayées ou de tissus bigarrés, mais ils moins perceptibles sur une vue d’ensemble…

    @ PCH: Difficile de dégager une intentionnalité de ces choix d’images sans savoir qui a effectué la sélection…

    @ Erwan: Merci du rappel. En la matière, la raillerie médiatique puise largement dans les réflexes de la droite, qui n’a que mépris pour les « camarades ». Mais les 5 millions de téléspectateurs de la soirée sont peut-être une indication que le public commence à se lasser de l’atmosphère de colère froide que maintiennent systématiquement les responsables à droite… Il y avait plus de chaleur dans cette émission que dans la somme des interventions de Sarko, Copé, Lefebvre, Guéant, etc. depuis 5 ans… 😉

  6. Amusant, de revoir ici ce débat qui, effectivement, a embarrassé pas mal de commentateurs qui s’attendaient à une foire d’empoigne qui aurait ainsi profité à la droite et aux médias dont ils sont, pour la plupart, les représentants.

    Concernant l’audience (près de cinq millions de téléspectateurs), il est intéressant de la mettre en perspective avec celle qu’a rassemblée hier soir TF1 (13, 448 000 téléspectateurs, soit une part de marché de 47 % et un score jamais atteint depuis cinq ans dans un journal télévisé) pour la simple (mais nettement préparée) interview de DSK par Claire Chazal.

    Il est vrai que l’invité (beaucoup plus pugnace que lors de sa dernière intervention soporifique – avant l’épisode new-yorkais du Sofitel – sur les problèmes économiques à l’horizon) a montré qu’il avait toujours une certaine carrure en termes de présence et de conviction affichées.

    Alors, on ira se décider, le 9 octobre entre Aubry et Hollande (voire d’autres pour enrayer un peu la machine), qui semblent tout à coup bien faibles et comme pâlichons par rapport à DSK, image en relief.

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