Peut-on faire dire n’importe quoi à une couverture? Selon certains journalistes, les tentatives de décryptage des messages visuels seraient des exercices vains. Comme chacun sait, les photographies ne font que refléter en toute transparence la vision de l’actualité.
Un raccourci en images du traitement visuel de l’affaire DSK depuis le 14 mai procure un sentiment différent (ci-dessus). On pourrait étendre le corpus sans modifier l’impression que le choix des images correspond toujours de manière précise – et parfois subtile – aux options éditoriales et aux choix de récit.
Celui de montrer un DSK souriant après l’annonce de l’abandon des poursuites par le district attorney, comme le fait La Montagne dans son édition d’aujourd’hui (ci-dessus à droite, cliquer pour une vue agrandie), fournit un bon exemple des manipulations de l’image. Car la photo où l’on voit l’ex-directeur du FMI sortir l’air réjoui d’une voiture est vieille de plus d’un mois et demi: elle a été réalisée le 6 juillet dernier, peu après que le juge ait décidé sa libération sur parole.
Que cette photo (AFP/David Karp) ait été choisie pour illustrer le dernier rebondissement du procès est bien compréhensible. La propension médiatique à utiliser l’image à des fins de représentation allégorique n’est qu’une autre manifestation du goût pour la synthèse frappante qui s’exprime dans les titres ou les « chapos », dont la fonction est précisément d’orienter l’interprétation du lecteur.
En matière iconographique, cet usage porte un nom: il s’agit d’illustration. L’image n’est pas choisie en raison d’un rapport documentaire avec l’actualité, mais parce que Dominique Strauss-Kahn y arbore un franc sourire, expression qui colle avec la situation du jour. La photo n’est pas utilisée pour représenter un fait, mais pour traduire une idée: celle d’un moment de « bonheur », d’une histoire qui finit bien pour l’ex-accusé. A en juger par une recherche sur Google Image, cette image n’avait pas eu d’utilisation presse répertoriée jusqu’à hier. La publication d’un visuel aussi triomphal avait peut-être été jugée prématurée jusqu’à présent.
Il est intéressant de constater que c’est l’AFP elle-même qui a repêché cette photo et qui la proposait ce matin en tête de gondole de sa sélection à l’attention des médias (voir ci-dessus). L’agence qui défend la tradition du photojournalisme se trouve prise ici, de la manière la plus flagrante, les doigts dans le pot de confiture de l’illustration.
2 réflexions au sujet de « Le sourire de DSK, ou l'AFP au service de l'illustration »
Bien vu. Le rédac chef fait sans doute confiance à la mémoire défaillante du lecteur qui prendra facilement cette image de DSK souriant comme de « l’actu » (alors que oui, c’est une archive…). Ils auraient quand même pu changer un brin, lui mettre une cravate rayée pour « innover » (deux minutes sur Photoshop) 😉
Les commentaires sont fermés.