Je l’avoue, j’ai contribué à brocarder le nouvel ambassadeur de France à Tunis, Boris Boillon. Ce qui n’est certes pas aimable. Mais la technique utilisée mérite qu’on s’y attarde. En l’espèce, mon péché tient en un clic: ce qu’on appelle un retweet, autrement dit la duplication sur Twitter du statut d’un usager à l’intention de mes followers.
Le statut en question était le suivant:
Rappelons que le bouillant diplomate avait été épinglé, après son intronisation tunisienne, pour avoir diffusé sur son compte Copains d’avant un portrait torse nu façon Men’s Health, qui avait rapidement circulé en ligne. Devant les railleries suscitées par cette pose avantageuse, Boris Boillon avait tenté d’en interdire la rediffusion et annoncé le 23 février son intention de saisir «toute juridiction utile tant en France qu’à l’étranger afin de faire sanctionner les débordements occasionnés par l’utilisation illicite de son image».
Le lendemain apparaissait le faux profil Twitter Boris_Boillon illustré par la fameuse photo, utilisée comme avatar. Un tel profil n’a évidemment aucune légitimité et peut être fermé par Twitter en cas de réclamation. Mais l’intéressant est l’utilisation du réseau social pour rediffuser la photo litigieuse en détournant la fonction de l’avatar. Il paraît difficile d’incriminer au titre du droit à l’image la pratique du retweet, car celle-ci n’est pas supposée être utilisée pour transmettre une photo. Pourtant, dans ce cas, le RT s’applique effectivement au couple formé par le statut et l’avatar, qui est simultanément une image d’information mais aussi le portrait de l’intéressé.
On peut poser plusieurs questions à partir de cet exemple. Outre son volet juridique, une première observation est que, contrairement à l’idée admise, Twitter peut aussi être utilisé pour diffuser des images. Remarque qui entraîne immédiatement le constat que l’avatar n’est pas perçu comme une image. Son détournement suggère que le portrait électronique est habituellement considéré comme une information visuelle sans valeur iconographique. La qualité souvent médiocre des images utilisées à ce titre, son petit format ou ses usages itératifs à des fins signalétiques sont autant d’éléments qui peuvent expliquer cette perception restrictive.
5 réflexions au sujet de « L'avatar est-il une image? »
Belle illustration de l’effet Streisand.
A voir si la loi sur l’usurpation d’identité numérique sera invoquée, ou simplement les conditions d’utilisations de Twitter, afin de faire fermer le compte.
Quel était donc ce roi de France qui avait des mignons ? Au secours, Carlitta…! :°)) (le lien sous « statut en question » ne fonctionne pas… bizarre bizarre…:°)))
Bonjour,
D’un point de vue anthropologique la fonction de l’avatar ne peut elle pas être considérée comme le pendant contemporain du blason du moyen age ?
La petite taille de l’image/avatar et son usage itératif me rappelle le succès phénoménologique du portrait carte de visite du XIXème (Disderi), la maîtrise de la diffusion par le portraituré en moins.
Ainsi les nouvelles technologies numériques font apparaître une dichotomie, désir (et possibilité) de partager l’image et perte du contrôle de la diffusion de l’image (sujet du billet, piratage de compte de réseau social…)
Enfin, à mes yeux l’avatar et bel et bien une image dont la valeur iconique est une constituante d’un corpus de signes (les autres informations du profil : textuelles, liens internet…), un principe de réalité augmenté en quelque sorte.
D’ailleurs à travers cette polémique, n’avons nous pas une image (de la personnalité) de Boris Boillon, qui va au delà du portrait psychologique d’un Nadar, ou d’un Avedon ?
Merci André pour cette observation pertinente qui démontre à juste titre que ce petit carré, à force d’être répété peut certainement perdre sa valeur iconographique, mais pour autant garde sa puissance de diffusion à travers l’appropriation facile de cet espace sous forme de reprise du contenu visuel.
Mais je pense que dans le cas @Boris_Boillon, le détournement de l’avatar en image se fonctionne également grâce à la médiatisation préalable de la fameuse photo torse nu. Alors, si je comprends bien la force de l’avatar, malgré son perception restrictive dû en partie à sa répétition, serait grâce à son appropriation facile. Par exemple il peut y avoir plusieurs identifiants homonymiques comme sur Facebook ou ressemblant sur Twitter, ce serait normal, mais ce sont les avatars identiques qui poseraient la question de la « valeur iconographique ». Donc, il y a bien une différence entre répétition (affichage de l’avatar en vignettes de tailles différentes) et reprise (reprise d’une image identique et son affichage par différents utilisateurs du site)
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