Metropolis, 1e diffusion le 21 novembre 2009, 5’21 (rediffusion le 28/11 à 12h45).
La proposition de loi de Valérie Boyer visant à imposer la mention « photo retouchée » inspire les journalistes. Pour Arte, Aurélia Rouvier a interviewé le retoucheur Christophe Huet et votre serviteur. Une synthèse rapide mais plutôt bien orientée, qui évite l’écueil du jugement moral et restitue une approche culturelle de la manipulation des images.
11 réflexions au sujet de « La retouche selon Metropolis »
« Ce qui ne parait pas nécessaire, il faut l’enlever ». Une phrase clé dans les propos du retoucheur…
@Erwan: Tout à fait, c’est un lointain héritage de la « théorie des sacrifices », soit la capacité d’évacuer les « détails inutiles à l’art ». On pourrait dire aussi: une façon de gérer le bruit de l’enregistrement – une intervention qui a pour but de revenir à l’image.
à André Gunthert : En regrettant le trop court instant consacré à votre remarque à propos d’une nouvelle école de l’image et son influence à venir sur les canons de la beauté.
«La retouche selon Metropolis», c’est clair : à part une image-début-de-siècle de retouche au pinceau sur des paroles très très instructives du type : «la retouche, ça s’est toujours fait» (le tout en une seconde), tout le reste est saturé, matraqué, d’images de barbaque exclusivement féminine.
La retouche des corps masculins, présidentiels en bateau ou autres, non, on ne voit pas. Sans doute, il n’y a rien en elles qui ne paraisse nécessaire, rien qu’il faille enlever pour faire une bonne séquence micro-ondable sur Arte.
Tout va bien.
En même temps, la question n’est pas du côté du politiquement correct ou pas.
La journaliste souhaite très visiblement centrer son sujet sur la loi Boyer (actualité); autrement dit, le signalement de la retouche sur les photos de mode pour enrayer leur supposé effet sur les jeunes filles et leurs tendances anorexiques.
Le fait que l’usage de la retouche n’est pas à être considéré comme un écart – une verrue – du processus photographique mais bien plutôt comme une partie intégrante de la photographie n’est visiblement pas encore bien saisi.
L’expression « photo retouchée » est au fond un pléonasme.
Un bon signe: c’est parce que les photos de magazine féminin rendent particulièrement perceptible cette façon de faire aujourd’hui (au point de penser à une loi) qu’elles engagent à reconsidérer non seulement les images photographiques en général mais aussi les discours culturels très puissants qui conduisent à faire croire à un rapport spécifique de l’image photographique à la réalité.
En même temps, Audrey, cette impression de l’ombre dans la gélatine (pour les capteurs je ne sais pas (encore) comment ça marche) a tout de même un peu à voir avec le réel.
Par exemple pourrait-on dire, sans rire, qu’il n’y a aucune différence entre ça : http://www.rennes-le-chateau-archive.com/images/les_bergers_arcadie/les_bergers_arcadie_tableau.jpg et ça : http://productionschool.org/board/files/attach/images/64/289/013/august-sander_1914.jpg ?
Si nous admettions par hypothèse que ta proposition selon laquelle l’image photographique aurait peu à voir avec la réalité, ou du moins autant que le Christ supplicié de Grunewald (http://leiter.files.wordpress.com/2009/08/grunewald-la-crucifixion.jpg) alors il faudrait expliquer comment a pu être construit ce « discours culturel très puissant », sur quel socle s’appuierait-il ? Où et comment la mystification, si évidente d’après toi, a-t-elle pu prendre aussi massivement ? Les yeux de ma concierge seraient-ils obstrués par la bêtise, l’ignorance et l’obscurantisme ?
Cordialement,
La puissance réaliste de l’image photographique est très forte. La déconstruire et la discuter suppose de toujours se demander d’où me vient cette image? dans quel contexte est-ce que je la regarde? que me dit-on qu’elle dit? etc…
Les démos arrivent… (et tu es démasqué, Floréal! ;-)!!!)
à très vite
@pièce détachée: Je tiens à préciser que pour cet entretien, qui a duré plus d’une heure, j’avais apporté pas mal de matériel iconographique, dont évidemment des photos politiques (Sarkozy, Dati, Villepin…). Seul a été retenu le portrait ancien – lui aussi féminin. L’angle souhaité par la rédactrice était en effet celui de l’apparence féminine, ce qui pose pas mal de questions. Il y a certes l’actu Boyer, mais je suis d’accord avec vous que le traitement de la retouche est en train de devenir un de ces sujets « éropocrite » (ou comment passer de la fesse en contrebande d’une news plus légitime). Un autre reportage sur la question sera proposé le 10 décembre sur Envoyé spécial, on pourra vérifier la tendance.
@Floreal: il y a une erreur de méthode à comparer un tableau d’histoire et un portrait, car au sein même de la peinture, le genre du portrait est bien celui qui, depuis la Renaissance, a installé ce rapport au réel et à la ressemblance que la photo a fidèlement reproduit. Le bon ordre de comparaison serait plutôt de rapprocher le Poussin d’un film de Peter Greenaway, et le Sander d’un portrait de commande par Ingres. Dans ce cas, la « différence » ne serait-elle pas un peu plus difficile à établir? En vérité, ces comparaisons n’ont pas grand sens, car le regard est historique, et il ne nous est plus possible de comprendre quel était celui qui s’exerçait avant la photographie sur les oeuvres des beaux-arts. Tout laisse cependant à penser que le regard que nous avons appris à associer à la photographie (mais pas au cinéma) n’est pas né avec elle, et qu’on pouvait percevoir un tableau ou une statue comme une représentation du plus parfait réalisme. Nulle mystification dans tout cela (ou bien c’est toute la représentation qui mystifie, c’était la position de Baudrillard, une sorte d’impasse logique). Bien plutôt l’expression d’un besoin très humain de pouvoir s’appuyer sur quelques certitudes.
Bonjour monsieur Gunther, nous sommes des lycéennes en première Economique , à Aix-en-Provence (Marseille). Cette année nous avons les fameux TPE, qui compteront pour le Bac. Nous sommes tombées par hasard sur votre vidéo, ce qui nous a fortement interessées car notre sujet est exactement en rapport avec celle-ci. Et nous voulons savoir si vous auriez la gentillesse de nous donner davantage de renseignements à propos des retouches de photos de mannequins.(par mails ou par téléphone)
Nous espérons que vous pourriez acceder à notre requête , et nous vous remercions d’avance.
Cordialement.
Petite remarque a propos des images publicitaire: préfère t’ont la vérité ou le mensonge, quand j’ai appris la retouche on me disait qu’elle ne devait pas ce voir.
ce que je trouves un peu ennuyeux aujourd’hui, c’est que l’ont « mange » trop souvent la personnalité des photographes a cause de l’utilisation massive et uniforme de la retouche.
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