Généalogie de la Playmate

Le dépliant central de Playboy est-il un fantasme ou une image ayant un quelconque rapport avec la réalité? Pour ceux qui conservaient quelques doutes, la preuve est désormais établie que les formes sculpturales des célèbres « Playmates » sont le fruit d’un travail de l’imaginaire beaucoup plus que le produit de l’appareil photographique.

Tirages chromogènes, épreuves préparatoires annotées avant retouche pour le dépliant central, magazine Playboy, 58.2 x 28.2cm: (1) Barbara Moore, Playmate décembre 1992, photo: Stephen Wayda. (2) Kelly Wearstler, Playmate septembre 1993, photo: Arny Freitag. (3) Melissa Holliday, Playmate janvier 1995, photo: Richard Fegley. (4) Rachel Jean Marteen, Playmate août 1995, photo: Richard Fegley.

A l’annonce d’une prochaine vente par Christie’s d’une collection liée au magazine créé par Hugh Hefner, une journaliste attentive a repéré un lot d’épreuves de contrôle des années 1992-2001 couvertes d’annotations documentant le souci maniaque de l’éditeur (voir ci-dessus). Les plus communes parmi ces mentions préparatoires à la retouche des images: « ôter les poils », « adoucir les veines », « enlever les rides », « adoucir la transition de contraste des jambes », « corriger le contour de la poitrine », « ôter les vergetures », « améliorer la courbe des fesses », etc…

Pour Irin Carmon, «le message est clair: même dotée d’un ADN de compétition, d’une chirurgie esthétique quasi-obligatoire, d’un régime, d’une belle lumière, d’un photographe professionnel et de douzaines de photos, une femme de rêve n’est toujours pas assez fantastique».

Avec leur grand format et le rappel de leur nature calendaire, les Playmates sont les héritières de la tradition de la pin-up, image récréative punaisée dans le contexte approprié – qui sent généralement la sueur et l’huile de vidange. A partir des années 1930, la sexualisation progressive de la culture visuelle américaine, sous la pression de la publicité et du cinéma (voir ci-dessous), encourage un usage vite récupéré par l’édition illustrée.

(5) Affiche d'Alberto Vargas, "The Sin of Nora Moran" (Zita Johann), 1933. (6) Affichette promotionnelle (20th Century Fox), Betty Grable, 1943, photo: Frank Powolny. (7) Illustration de calendrier (éd. John Baumgarth Company), Margie Harrison, repris par Playboy pour la 1e édition du dépliant central, janvier 1954.

Dans la plus pure tradition du repos du guerrier, l’envoi des troupes américaines lors du second conflit mondial amplifie et exporte à l’échelon mondial la mode de la pin-up – terme attesté en anglais à partir de 1941, qui devient dès 1944 le titre d’un long métrage de la 20th Century Fox (Pin-Up Girl, dir. H. Bruce Humberstone). On y voit l’actrice Betty Grable, célèbre pour sa photo (considérablement retouchée, voir ci-dessus) qui orne les tentes des GI, incarner une chanteuse légère vouée à la distraction de la troupe.

Les années d’après-guerre transforment le petit commerce de la jeune fille déshabillée, désormais muni d’un précieux sauf-conduit patriotique, en une industrie particulièrement lucrative. Les éditeurs spécialisés multiplient les calendriers publicitaires, qui accompagnent notamment l’essor de l’industrie automobile, en décorant pour pas cher ces nouveaux phares de la sociabilité rurale: les stations-services.

La Boîte verte a mis en ligne récemment un échantillon des tableaux d’un des maîtres du genre, l’illustrateur Gil Elvgren, qui était aussi photographe et mettait lui-même en scène ses modèles dans les postures nécessaires au dévoilement de leur anatomie (voir ci-dessous).

Gil Elvgren, comparaison photo/huile, pin-up, illustrations pour l'éditeur Brown & Bigelow: (8) "Unexpected (A Nice Catch)", 1961. (9) "A Sharp Lookout (Stel to Stern)", 1961.

La comparaison des images ne laisse aucun doute sur le travail requis par la transformation de jeunes femmes déjà ravissantes en stéréotypes calendaires. Interrogé sur ses méthodes, l’artiste expliquait «qu’il appliquait certaines « touches » à chaque peinture, mettait le buste en valeur, allongeait les jambes, rétrécissait la taille, donnait au corps des courbes plus généreuses et séduisantes, travaillait sur les traits du visage et les expressions, rallongeait et retroussait le nez, rendait les lèvres plus charnues et agrandissait les yeux» (Charles G. Martignette, Louis K. Meisel, Gil Elvgren, Taschen, 1999/2008).

En empruntant ses premières Playmates à un éditeur de calendriers, Hugh Hefner atteste qu’il s’inscrit dans une tradition éditoriale qu’il ne fait que déplacer sur le terrain du magazine. L’amélioration des procédés de photographie et d’impression couleur de l’après-guerre permet à la publicité comme à l’édition de recourir à la photo plutôt qu’à la peinture photoréaliste pour ses besoins illustratifs. Mais ce changement de technique ne modifie en rien le principe d’idéalisation qui préside aux usages visuels du corps féminin.

Ceci n’est pas une pipe, aurait dit Foucault. L’image de la femme n’est pas une femme. C’est une pâte graphique employée avec constance pour mettre le désir au service du commerce. La fausse surprise des pin-up d’Elvgren n’est pas moins artificielle que les poses invraisemblables des belles serpentines de Playboy. Pourtant, comme en atteste l’étonnement d’Irin Carmon, cet artifice si visible est aussi l’un des mieux cachés de la société industrielle. C’est bien la répétition de ce modèle irréel qui conduit à modifier nos corps pour qu’ils ressemblent à la photo. Photoshop ou pas, la croyance dans la promesse de la beauté parfaite est la plus extraordinaire preuve de la confiance en l’image des modernes.

37 réflexions au sujet de « Généalogie de la Playmate »

  1. Une très sérieuse étude statistique que j’ai mené sur le sujet permet,en sus de la brillante analyse d’A.G., de déterminer que la playmate préfère trainer lascivement dans un intérieur bourgeois plutôt que d’aller bosser chez Shoppi. Cette fameuse étude est « lue » au moins 10 fois par jour depuis 2 ans…
    On peut la consulter ici :
    http://deslivresetdesphotos.blog.lemonde.fr/2008/10/24/playboy-posters-la-collection-complete/

  2. « Ceci n’est pas une pipe » appartient d’abord à Magritte, me semble-t-il ; et à personne avant lui. Et en tant que commentaire d’une image, c’est immédiatement parlant.
    La même expression sur une couverture de livre, d’un auteur « connu », aux éditions « de Minuit » : c’est bien plus abscons.

  3. Je ne peux m’empêcher d’y voir aussi la continuité de la tradition des Vénus qui posent la question du désir de contact avec l’image, et celle de la corporéité de l’image… Le corps nu flotte entre le fond sans importance et l’espace du spectateur, comme dans la Vénus d’Urbino, un possible inaccessible qui est le propre de l’image… ce n’est en effet pas une femme, ni même une image de femme, mais une image en tant que corps idéal, c’est-à-dire immatériel et sollicitant pourtant la main du spectateur… le décor toujours réaliste importe peu, au fond, c’est bien le contour du corps exposé, retouché dans ses lignes et sa surface, qui délimite l’image…

  4. 1 – Peu ou pas d’annotation concernant le décor sur les photographies du dépliant central de Playboy. Si l’on peut penser que l’image et le corps féminin ont évolué au fur et à mesure d’un jeux de miroir l’un devançant l’autre je serais curieux d’étendre la comparaison aux décors qui « campent » l’atmosphère et les « célèbre playmates » dans une réalité et joue également un rôle important dans la mise scène.

    @ Olivier : je ne suis pas sur que le décor importe peu. Je n’ai pas de graphique pour comparer l’évolution des décors (si il y en à une dans la forme, la thématique, ect) avec l’évolution du corps fantasmé et représenté, mais je pense que l’un et l’autre évolue en parallèle et que le décor est également un support au fantasme.

    2 – Lorsque les retoucheurs pratiquent l’a retouche en suivant les annotations d’un éditeur, il est quelques fois difficile de savoir s’arrêter. Lorsque l’on retouche une zone, d’autres apparaissent par contraste, ect… cela peut-être sans fin et assez compliqué lorsque l’on souhaite garder un grain de peau (ce qui se fait de moins en moins car c’est assez technique et cela demande plus de temps et de budget).
    L’arrivé de capteurs numériques à la précision chirurgicale (80 millions de pixel aujourd’hui, 20, 30, 40 millions il y à quatre ans) n’a pas simplifier les choses, là où quelques fois la gélatine de la pélicule « gommait » certaines imperfections ou des différences de teintes, ect… le capteur numérique enregistre tout dans les moindres détails. Le travail des retoucheurs est donc bien plus important qu’avec le film.
    or étant donné que les budgets retouche se réduisent, leur travail est plus rapide et n’est plus aussi fin . Nous voilà avec des textures de peau gommées, plastiques et sans grain. C’est une interprétation technique et financière plus qu’esthétique et de l’imaginaire de la retouche appliquée au corps féminin.

    Maintenant cela n’enlève en rien la retouche des formes et des « courbes », retouche et petits arrangements commun à la peinture et à la photographie. Le pinceau et le crayon restent des outils au service d’une représentation et d’un imaginaire, Photoshop aussi.

    J’aimerais connaitre votre point de vue sur le bodybuilding !

  5. @Rémi Coignet: Merci de rappeler ce compte rendu indispensable!

    @chabian: Merci de rappeler la paternité du « Ceci n’est pas… », il est en effet possible qu’elle ait échappé à quelques-uns 😉 Toutefois, et puisque vous ne semblez pas l’avoir lu, je vous recommande chaudement l’opuscule de Foucault (Fata Morgana, 1973, 91 p.), qui développe le paradoxe du célèbre tableau dans l’un des ouvrages les plus éclairants sur les problèmes de la ressemblance et de la représentation.

    @Olivier: C’est intéressant que tu rappelles le cas de la Vénus, je me suis aussi posé la question, et je pense à y bien regarder qu’il y a une vraie différence. On retrouve souvent dans les bios des illustrateurs de pin-up et autres photographes spécialisés dans la chair fraîche une expression du genre: « C’est sexy (glamour, érotique, sensuel…), mais jamais vulgaire ». Or je crois que c’est ça: si, justement, c’est vulgaire. C’est ce que le Salon reproche à certains tableaux de Gérôme, quand il franchit la ligne jaune qui sépare le bon goût du goût barbare. Non que je croie à l’innocence de la Vénus. La Vénus, c’est aussi du cul – mais conforme aux conventions bourgeoises. Le sexy made in USA s’invente avec la girl next door, qui est l’antithèse de la Vénus (une déesse dont on tolère l’indécence parce qu’elle est inatteignable). Et je crois que tout le problème de la représentation sexuelle des années 1930-1940 est d’avoir créé ce croisement paradoxal du vulgaire et de l’idéal, illustré par la proximité de la pin-up, fille de pub et du ciné, qui nous fait croire qu’on peut la toucher du doigt. Ajoutons que ce sont bien des peintres qui fabriquent ce monstre désirable. Elvgren est une sorte de descendant de Gérôme, qui commence sa carrière où l’autre la finit, et montre la destinée du réalisme tombé dans la pub. Accessoirement, on comprend que l’art n’avait pas d’autre choix que d’abandonner la ressemblance pour conserver la transcendance…

    @David Falco: Je n’avais pas pensé au bodybuilding, mais il me semble en effet rentrer dans cette catégorie bien particulière de folie à base graphique, déclenchée par la vision des justaucorps moulants des superhéros de Marvel Inc. (Encore un sujet de thèse que personne n’écrira… 😉

  6. « L’arrivé de capteurs numériques à la précision chirurgicale (80 millions de pixel aujourd’hui, 20, 30, 40 millions il y à quatre ans) n’a pas simplifier les choses, là où quelques fois la gélatine de la pélicule “gommait” certaines imperfections ou des différences de teintes, ect… le capteur numérique enregistre tout dans les moindres détails. Le travail des retoucheurs est donc bien plus important qu’avec le film. »
    En argentique, on travaillait souvent en 6×6, ce qui « arrachait » déjà le moindre détail. On en plaisantait d’ailleurs sur le thème « on achète des objectifs qui « piquent » toujours plus », mais c’est pour utiliser à la prise de vue un filtre de flou. Il était également inconcevable de réaliser une photo de « beauté » avec un mannequin qui ne soit, le cas échéant, maquillé des pieds à la tête.
    Techniquement, quelque soit la dimension du capteur numérique, rien ne s’oppose à l’utilisation d’un flou dans Photoshop qui simulerait (avec beaucoup plus de subtilité) le filtre que l’on utilisait en argentique.
    Sur la seule base de mon intuition :), je dirais qu’il y a eu plus ou moins 3 époques dans la retouche corps/visage. Jusqu’au années 50 une retouche en noir & blanc héritée des portraitistes du XIXème siècle, qui s’opère sur le négatif et sur le positif réalisée par le photographe ou son apprenti qui développent et tirent eux-mêmes les photos. Avec les années 60 et la généralisation de la couleur, la retouche échappe au photographe qui sous-traite le développement du film. La retouche couleur est plus complexe, plus spécialisée et le savoir-faire des photographes sur le noir et blanc se perd. La retouche se fait plus rare, parce que plus chère et est réservée aux gros budgets. On floute beaucoup à la prise de vue. La période numérique où la retouche lourde reste l’apanage des gros budgets parce qu’elle est sous traitée à des spécialistes, mais où tous les photographes retouchent plus ou moins.

    « Lorsque les retoucheurs pratiquent l’a retouche en suivant les annotations d’un éditeur, il est quelques fois difficile de savoir s’arrêter »
    Je crois que c’est Picasso qui disait qu’un tableau n’était jamais fini. Quand on retouche au pinceau, ciseau colle revenir en arrière, c’est souvent repartir à zéro. Inversement en numérique, il n’y a pas de limite. On peut faire des essais non destructifs. Et même avec un cahier des charges très précis défini avant la photo, la variation dans l’effet est infinie. Il est donc très difficile de s’arrêter. Par ailleurs, il y a un effet de dynamique de groupe. Je n’ai jamais assisté à une séance de retouche beauté chez un pro de la retouche, mais sur une prise de vue en studio de modèle ou d’une boite de ravioli, plus il y a de personnes (agence, clients etc.) dans le studio, et plus c’est le bordel. Chacun veut mettre sa marque sur le résultat final. Je suppose donc que c’est pareil lorsqu’il s’agit de redessiner « the girl next door » pour faire une double page.

  7. Merci pour ce très beau billet !
    Je trouve très intéressante la discussion sur la Vénus et la pin-up, car en effet on ne peut, dans un premier temps, éviter ce rapprochement.
    Mais je pense qu’André pointe une différence importante:
    Bien qu’il soit tout à fait tentant de faire un lien direct, la Vénus incarne clairement l’idéal mais aussi l’intouchable, tandis que la pin-up semble plus familière. Peut-être d’ailleurs que le décor y est pour quelque chose en installant la pin-up sur un bateau plutôt que sur le mont Olympe mais probablement aussi le support de diffusion de ces images.
    La Vénus c’est l’œuvre, la sculpture, le tableau; la pin-up c’est le calendrier, le poster, le bloc-notes, la publicité, le magazine: des supports pour consultation individuelle, ce qui rend l’approche toute différente.

  8. Le concept de « la girl next door » n’a rien à voir avec son physique. L’idée c’est que c’est la petite étudiante ou la femme du voisin qui habite à l’étage au-dessous et qui cache des trésors sous son jean. Par opposition au mannequin glacial sur papier glacé qui vous regarde avec mépris et est le fantasme inaccessible dont Newton s’est fait le thurifère. Une femme trop « chic » est perçue comme inaccessible. (Trop chère peut-être?)
    Ensuite, c’est une question de culture. Il y a 30 ans j’avais une copine qui bossait l’été dans un kiosque, ce qui nous avait permis de faire à peu de frais une étude des revues masculines. Les hommes anglo-saxons préféraient de toute évidence les femmes avec de fortes poitrines, (très fortes même dans le cas des anglais). Les français ayant en ce domaine des goûts beaucoup plus modestes. Je ne sais pas si c’est toujours vrai avec la mondialisation des images et le boum de la chirurgie esthétique.

  9. @Thierry: Qui a dit que la GND était une question de physique? C’est au contraire une question de style visuel et de signes narratifs: la proximité se marque par l’anecdote, le costume, la pose, le regard, le sourire… Le modèle dont la GND va se démarquer à partir des années 1930 est notamment incarné par la « Gibson Girl » et ses déclinaisons art nouveau dans les premières années du XXe siècle. La pin-up (qui est un produit éditorial, pas une jeune fille en chair et en os) est un bon marqueur de la GND, qui est encore une fois une construction de la publicité et du cinéma, et accompagne ni plus ni moins l’essor de la consommation de masse. (Toujours relire les évolutions visuelles en louchant d’un oeil sur une histoire de l’économie… 😉

  10. Est-ce qu’elle accompagne la consommation de masse? Elle en est un produit qui se consomme au travers des supports qu’elle popularise: revues pour hommes, calendriers, presse quotidienne (La page 3 du Sun). Mais elle ne sert pas de support à la vente de produit. On a en gros 4 types de physique qui sont utilisé dans les images commandées: Les mannequins déjà étudiés dans « Culture visuelle » dont le physique est approprié à la fonction de porte-manteaux. Grandes et plates pour mettre en valeur les robes des couturiers à moindre frais dans les défilés comme dans la pub. Par association d’idée, leur image est souvent associée à des produits de luxe par la pub. Les filles dites « française moyenne », beaucoup utilisées pour vendre tous les accessoires de la vie courante et dans les catalogues de VPC et qui sont supposées permettre l’identification de la lectrice au modèle. Leur carrière est généralement beaucoup moins prestigieuse, mais beaucoup plus longue que celle des précédentes. Les filles utilisées pour leur plastique, généralement plus petites (en tout cas la taille n’est pas un handicap) et rondes. Elles sont souvent comédiennes et posent nues pour vivre. D’où d’ailleurs parfois leurs problèmes lorsqu’elles percent dans le cinéma. Et enfin celles qui se vendent par petits bouts (modèle main, sein, fesse), car nul n’est parfait, mais certaines peuvent avoir des mains superbes associées à un corps moins enthousiasment selon les critères du moment.
    De ces 4 types, la GND est la seule qui n’accompagne pas me semble-t-il à proprement parler la consommation de masse. A moins de considérer que la chirurgie esthétique est devenue de la consommation de masse. (Et le phénomène est encore relativement récent).

  11. Mais quand même, il y a toujours une petite particularité avec la photographie, qui est sa réputation d’être une image objective de la réalité, chose en laquelle les gens ont longtemps cru – mais en laquelle ils croient moins à présent.

  12. @Jean-No Je ne sais pas trop si cette notion d’image objective de la réalité a du sens en matière de nu ou même de portrait photographique. Ou alors, c’est qu’ils ne se sont jamais fait photographier. Tout le monde espère que la photo va le rendre plus jeune, plus beau, plus intelligent (rayer la ou les mentions inutiles). Ne serait-ce que parce que les gens ne se voient jamais tels qu’ils sont. De ce point de vue, Facebook crée une nouvelle esthétique photographique. Pas nécessairement plus réaliste, mais plus trash. Mais souvent les photos choisies par les copains pour vous mettre en ligne sur leur blog sont je suppose plus subies que choisies.

  13. Il est assez remarquable que l’armée américaine elle-même a abondamment représenté les pin-up girls durant la Seconde Guerre mondiale, notamment dans son magazine hebdomadaire « Yank, The Army Weekly »:
    http://cbi-theater-2.home.comcast.net/~cbi-theater-2/yankcbi/yank_pinups.html
    D’autres magazines militaires américains moins connus avaient aussi leurs girls comme « Brief ». Une bonne source, ici:
    http://www.skylighters.org/photos/pinups.html
    Il s’agit pratiquement toujours de célébrités du cinéma ou de la scène:
    http://en.wikipedia.org/wiki/Yank,_the_Army_Weekly
    J’ai l’impression que c’est dans ce creuset quasi-institutionnel que se forme ce « croisement paradoxal du vulgaire et de l’idéal » dont parle André, l’image d’une femme toujours intouchable que l’on s’approprie et punaise sur le mur de la chambrée.

  14. @Jean-no, Thierry: Vous avez raison tous les deux. Non, la photo n’est pas objective – mais elle passe pour l’être. Et ce n’est visiblement pas une question secondaire pour les éditeurs et les publicitaires, visiblement pressés de passer à la photo (couleur), pour bénéficier de cette précieuse plus-value vériste. Ce qui est important est de comprendre que cette évolution technique se produit dans une continuité de la culture graphique: les acteurs continuent d’appliquer les mêmes recettes éditoriales, même si c’est avec d’autres procédés.

    Patrick: Tout à fait bien vu! Merci pour les liens!

  15. Lecteur attentif depuis près d’un an, j’ai enfin quelque chose à dire !

    L’Internet et ses couts de productions très bas me semblent changer la donne.
    Quand Play Boy ne nous proposait que des jeunes filles blanches à forte poitrine (plus petit commun dénominateur supposé du lectorat de masse), internet nous offre bien plus de variété : des vieilles, des grosses, des « amateurs » (càd sans retouches), des sales et dans toutes les couleurs !

    Les faibles couts de production/diffusion semblent permettre de trouver une rentabilité pour ses photos (ou videos) avec des publics moins nombreux ce qui permet la recherche de nouveaux « plus petits commun dénominateurs ».

    Cela pourrait changer notre culture visuelle et donc notre rapport au corps, qu’en pensez vous ?

  16. @Fourminus: Félicitations! Cela dit, je ne sais pas si je vous suivrai sur ce terrain glissant, où il n’est pas certain que j’aie l’érudition nécessaire 😉 A tout le moins, il conviendrait de distinguer entre production pornographique (avec acte sexuel visible, aussi ancienne que l’iconographie) et l’érotique plus suggestive de la girl next door, pin-up ou playmate, dont les descendants numériques se déclinent en fonds d’écran, avatars Second Life ou personnages de jeux vidéo. Ce que j’entends derrière votre question, c’est: est-ce que la facilité d’accès nouvelle aux images pornographiques peut influer sur notre perception des corps? Beaucoup pensent que oui, en s’appuyant sur l’évolution des pratiques ou des sensibilités (comme la sensibilité à la pilosité). Je n’en sais rien, mais je constate en tout cas la belle résistance des figures plus traditionnelles qui font l’ordinaire des magazines féminins ou de la pub, dont le caractère stéréotypé ne me paraît pas avoir beaucoup varié, au contraire…

  17. Merci de cette réponse attentionnée.
    Oui, j’ai l’impression que la facilité d’accès à de nouvelles catégories de représentation du corps change notre rapport au corps.

    Il me semble constater que la segmentation des publics, rendue possible par la baisse des couts de production et de diffusion, permet l’émergence de nouvelles catégories de représentation des corps (De nouveaux termes apparaissent pour les désigner tel que « MILF » (Mother I’ll Like to Fuck) ou « BBW » Big Black Woman)

    Les magazines féminin papier et la pub traditionnelle (affichage, TV, etc.) n’ont pas (ou peu) bénéficié de cette baisse des couts. Ces médias n’évoluant pas dans leur modèle marketing (leur cible reste très large et diverse) il semble assez logique que leur « message » reste constant : toujours les mêmes catégories de corps qui fédèrent le public le plus large.

    Mais faisons un pari : dans quelques temps, pour m’inciter à acheter des yaourts, au lieu de me proposer l’image d’une femme jeune blonde et imberbe (vous aurez compris que ça n’est pas ma catégorie favorite) je parie que l’on me proposera une image plus en rapport avec mes gouts. (Ce qui demeure du pur marketing, évidemment).

    Mais puisque c’est le marketing est largement responsable de la cristallisation des gouts occidentaux autour de l’image de la playmate, alors pourquoi cet élargissement des catégories de représentation du corps ne changerait il pas notre rapport au corps ?

    Connaissez vous les bears ? (les homos poilus et bien en chair). Les pubs ciblées pour le marché gay les mettent de plus en plus souvent en valeur. Et je constate que mes amis homos poilus vivent leur image de mieux en mieux… Mais je m’égare… Pardon et merci encore pour vos excellentes publications.

  18. En associant la Pin-up à la Vénus, je m’appuyais sans m’en rendre compte sur le début d’un très bel article « La femme dans le coffre » que Daniel Arasse consacre à la Vénus d’Urbino dans « On n’y voit rien »… ça commence par une histoire de pin-up…
    Et celle-ci de la main d’un très grand maître n’est pas intouchable, comme nous le suggère sa propre main…
    Toutes les Vénus ne sont pas idéales, on peut voir osciller les représentations entre la figure virginale de Marie, comme chez Botticelli qui utilise le même visage pour sa Vénus Pudica dans sa coquille et pour sa Madonne à la grenade, et celle de Marie-Madeleine ; comme les Vénus anadyomènes du XIX ème siècle, aux cheveux blonds longs et mouillés, qui sont souvent plus érotisées que celles qui semblent être habillées de la seule vérité de leur nudité.
    Dans « Ouvrir Vénus » Georges Didi-Huberman montre bien comment le pulsionnel affleure sous les représentations de la Vénus, et comment il est impossible de séparer totalement le nu de la nudité, rappelant qu’il y a pour les peintres humanistes comme Botticelli, deux Vénus, la coelistis (céleste) et la naturalis (vulgaire)…
    Concernant la manière dont l’histoire de l’art distingue le NU de la nudité, il se pose d’ailleurs cette belle question : « Comment l' »histoire de l’art en tant que discipline humaniste s’y prend elle donc pour désexualiser et pour déculpabiliser la figure de Vénus, pour la reclore et la pétrifier tout en la projetant dans l’éther pacifiant des idées? »
    Bon je ne vais pas tout reprendre, mais je pense que le type de nu des playmates, qui est plutôt du côté (avec une dégradation stylistique, certes) de la Vénus d’Urbino et de l’Olympia de Manet que de la Vénus de Botticelli, appartient à la lignée des Vénus vulgaires, celles qui penchent vers Marie-Madeleine…

    Sur la question du fond… le fond est important et secondaire à la fois, parce qu’il sert ici à faire ressortir le corps nu, regardons encore la Vénus d’Urbino, elle flotte entre le support (fond noir) et l’espace devant le tableau, ce qui lui donne une dimension sculpturale et sollicite aussi la main imaginaire qui hante le regard… la Vénus de Cabanel repose sur l’eau de manière totalement irréelle, le fond na pas de consistance, il doit jurer avec le corps pour en faire l’objet essentiel de l’image, c’est ainsi les contours du corps qui font les contours de l’image, dit autrement le corps féminin nu est ici toute l’image… l’image en tant que corps… la vénus céleste est une sorte de Noli me tangere… la vulgaire une playmate en herbe…
    Dans le cas de la playmate, le décor semble être très banal et très proche de l’environnement du spectateur (atelier, bureau, cuisine…) il est le prolongement de l’espace qui enveloppe l’image et crée ainsi un vide autour du corps nu qui apparaît ainsi sculptural, comme présent dans le lieu où se tient le spectateur… sollicitant sa main… Dans les deux cas, il se résorbe vite et projette en avant le corps nu, le place entre le support et l’espace réel…
    Ce qui change le plus, à mon avis, c’est justement le rôle de la main ; on ne touche pas une peinture, fût-elle très érotique, elle ne fait que solliciter la dimension haptique du regard, en revanche, un calendrier s’effeuille au jour le jour et une pin-up, comme son nom l’indique, la main l’accroche au mur…
    Alors la playmate, ne serait-elle pas une vénus à portée de main ?

  19. Un beau sujet. Je n’ai pas envie de monter sur des chevaux féministes, mais permettez-moi de relever: les photographes et les éditeurs de Playboy sont des hommes au service d’autres hommes utilisant le corps des femmes pour leur fantasme (ou rêve, comme vous voulez), il y a eu 18 réponses d’hommes (pardon si fourminus est féminin), et même si les commentateurs relèvent une évolution vers d’autres canons de représentation du corps féminin, il s’agit toujours de montrer le même sexe. Une étude plus attentive montrerait qu’il n’y a pas que des photos de dames nues sur la toile, mais mon propos porte sur l’asymétrie de représentation et non pas sur la découverte d’un paradigme intangible.
    Donc les hommes (se) représentent des corps de femmes en les modifiant. Et ça permet de vendre.
    Des objections ?

  20. @Olivier: Apprendre à regarder les images de la culture populaire demande de porter une grande attention aux dispositifs, et pas seulement à ce qui passe à l’intérieur du cadre. La fin de ton dernier commentaire montre que tu as bien perçu cette dimension. Comme le soulignait Alexie, les pin-up sont vulgaires aussi par leurs supports. Il y a une limite aux jeux formels du rapprochement transhistorique, qui ne fonctionne que tant qu’on applique un même regard à des objets différents. Or ces images sont bel et bien industrielles. Quand on observe dans le détail de quelle façon elles sont produites et déclinées, on comprend de façon très claire qu’elles ne s’adressent pas au même regard que les Vénus botticelliennes. Il y a encore tant de facteurs qu’un bref aperçu comme la note ci-dessus ne peut malheureusement faire qu’entrevoir. Je compte sur ta patience et ton indulgence.

    @Ksenija: Des analyses archéologiques poussées des traces fossiles de Playboy ont effectivement abouti à l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’un magazine pour hommes 😉

  21. « Donc les hommes (se) représentent des corps de femmes en les modifiant. Et ça permet de vendre.
    Des objections ? »
    Pas d’objections. Mais faut-il distinguer les corps de femmes, les boites de cassoulet et éventuellement les corps d’hommes lorsqu’il s’agir de vendre? En ce qui concerne la publicité, je ne pense pas qu’il faille les distinguer. Dans tous les cas on utilise comme objets des êtres vivants ou des produits industriels que l’on va modifier pour susciter l’envie de consommer des biens et des produits. Mais c’est l’essence même de la publicité. Et dans tous les cas, ces images ne sont pas un aboutissement, mais un outil.
    En ce qui concerne les pin-up, la vénus idéalisée ou Marie-Madeleine, l’image est le produit. Et d’ailleurs lorsqu’elle a été peinte, la vénus de Boticelli n’était-elle pas une version acceptable socialement de la femme nue qui suscitait le même enthousiasme masturbatoire que la pin-up de play-boy?
    Maintenant pour revenir aux chevaux féministes, il est vrai qu’intuitivement j’aurais tendance à qualifier la représentation d’hommes dénudés, très présente dans la peinture classique, d’imagerie destinée aux hommes homosexuels plutôt qu’aux femmes. Mais ça ne serait que la conséquence d’une société dans laquelle l’accès des femmes aux arts graphiques et plastiques était impossible.

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  24. @Ksenija: on note aussi que pour les magazines féminins on représente « des corps de femmes en les modifiant. Et ça permet de vendre. » 😉
    si ça c’est pas compliqué…
    le schéma social est-il si fort que les femmes aussi se soumettent au désir masculin dans leur propre représentation ?
    belle discussion en tout cas !

  25. J’ai lu l’article et tous (!) les commentaires, aucun ne mentionne que ces images sont plaisante à regarder… C’est hors sujet ? ou il y a quelque chose que j’ai pas comprite ?

    Concernant des images qui feraient vendre, c’est vrai, mais je crois que le sujet dépasse largement ce cadre : comme le dit l’article, l’un des vecteurs important de la diffusion des pinups est l’armée américaine, et l’armée américaine n’a rien a vendre que je sache.

    La remarque sur les magazines féminins me parait aussi importante ; en tant qu’homme, souhaitant comprendre la psychologie féminine (mais oui ! ), j’ai toujours été étonné que il n’y ait pas un équivalent playboy pour les femmes (ou si peu), et plus encore que les magazines féminins proposaient une image de la femme finalement très proche des magazines style playboy. (d’ailleurs les mecs s’en servent en cas de manque de playboy).

    Je pense que ces images se comprennent dans le cadre des rapports homme-femme, ou de leur absence.

    Ça n’est pas uniquement une histoire de politique ou de commerce, même si politique et commerce instrumentalisent ce rapport (surtout son absence, pour le coup). Mais il me semble que si on ne parle que de l’instrumentalisation, on reste à coté de la plaque, et même l’instrumentalisation, si on se focalise dessus, on ne la comprend qu’à la marge.

    Donnez au hommes et aux femmes les moyens de vivre et de se plaire ensemble, et les images des uns et des autres seront nettement moins instrumentalisées. Mais si l’on ne fait que dénoncer l’instrumentalisation, on ne formera que des hypocrites.

    Cordialement.

  26. @ André :
    espérant ne pas être hors de propos, j’essaie de regarder du côté de ceux qui fabriquent ces courbes, ces textures et ces teintes qui procurent des sensations ! Je regarde ceux qui exécute les demandes des annotations. Les outils à notre disposition ne décident en rien de la forme d’une courbe et de la couleur d’une chaire mais il fixent un cadre de travail, de pensée et d’imagination pour les ceux qui les utilise.

    Est-ce que l’on pourrait imaginer une sorte de diagramme des différents moments de fabrication, modification, observation, ect, de l’image de la « Playmate ».
    J’ai l’impression que l’on est capable de comprendre et de lire les grandes strates, les grands changements et notre constance à « l’idéalisation » à la « croyance de la beauté parfaite (…) preuve de la confiance en l’image des modernes » mais qu’il est incroyablement difficile de préciser où et comment se joue le va et vient entre le spectateur et celui qui fabrique l’image. Si il vivent dans le même monde ils se côtoient rarement.

    @ Thierry :

    Oui effectivement en argentique les photographes travaillaient souvent en 6×6 et d’ailleurs nombre d’entre eux (photographe de mode / publicité) continuent à le faire mais avec un dos numérique à la place du dos film et en général ils utilisent les même optiques que celle qu’ils utilisaient avec le film.
    Si les optiques restent inchangées, le support et la texture de l’image numérique sont très différents des support et de la texture du film argentique. Les fabricants de matériel numérique se sont rapprocher avec plus ou moins de succès de certains rendus du film argentique.
    Si ces différences sont en général invisibles dans une reproduction magasine, en revanche à l’écran et sur un tirage, la texture de l’image est sensiblement différente. C’est par la copie, par l’application d’effets (grain, ect) que la photographie numérique ressemble à la photographie argentique. Elle trompe l’oeil toute les deux mais c’est leur seul « ressemblance ».

    Evidement la définition d’un film 6×6 était et reste très bonne, celle d’un film 6×7, celle d’une chambre 4″ × 5″ inch et 8″ × 10″ inch le sont également. Je ne remet pas cela en cause.
    La définition et le « piqué » des optiques moyens formats ou grands formats peut effectivement être réduite par l’ajout d’un filtre à la prise de vue en argentique (et numérique). Aujourd’hui, très peu de photographes prennent de telles décisions irrémédiables à la prise de vue (argentique) et lors du traitement dit « développement » du fichiers RAW.
    Si il est exacte que quelques fois l’on rajoute dès cette phase de traitement un effet de netteté, en général cet un traitement qui intervient à la fin de la retouche, juste avant le tirage.

    Effectivement « il était impossible de réaliser une photo de « beauté » avec un mannequin qui ne soit , le cas échéant, maquillé des pieds à la tête » mais cela n’est en rien différent aujourd’hui avec une prise de vue numérique et le travail d’un retoucheur.
    Tous les bons maquilleurs vous dirons qu’ils ont changés leur(s) manière(s) de maquiller avec le numérique. Je parle de ceux qui s’intéressent vraiment à leur métier et qui souhaite être très pointus. Et si les retoucheurs sont des « maquilleurs » d’une « deuxième mi-temps » ils savent reconnaitre à l’écran le travail d’un bon ou d’un mauvais maquilleur, d’un bon ou d’un mauvais photographe, ect…

    Les tarifs de retouche semblent excessifs aujourd’hui, mais au taux horaires pratiqué on est loin des tarifs d’il y à 10 ou 15 ans. D’ailleurs ces tarifs exorbitant étaient peut-être un garde-fou quand aux prises de décisions effectuée à la prise de vue. Ce qui est possible aujourd’hui l’était dans une moindre mesure il y à dix mais à des tarifs prohibitif qui imposaient des prises de décisions à la prise de vue. Je ne dis pas qu’il n’y à plus de prises de décisions à la prise de vue aujourd’hui et à cause du numérique, les problématiques et les décisions se sont déplacées. Autre temps, autre lieux.

    J’aimerais bien que vous m’expliquiez ce qu’est la  » retouche lourde qui reste l’apanage des gros budgets sous-traitée par des spécialistes ».
    Que se soit pour une campagne publicitaire (gros et moyen budget) ou une série de mode produite par un magazine (peu de budget), dans tous les cas le photographes reste très attentif à la retouche effectuée sur « ces » images. Je dois même dire qu’il l’est quelques fois d’autant plus ou au moins autant avec une série de mode pour un magazine que pour une publicité car c’est en grande partie grâce à ces séries qu’il est visible et qu’il peut-être choisi par une agence ou un client pour une campagne publicitaire.
    Si Il existe de grandes différences entre les tarifs de retouche de publicité et ceux dune série de mode en revanche le travail du retoucheur n’est pas différent, seul le tarif change. En principe un retoucheur pro ne retouche pas moins bien parce que c’est une série mode et qu’il est payé moins chers que pour une publicité. Dans les faits, c’est vrais les gestes sont plus rapide et moins précis mais le photographe n’est jamais loin. D’ailleurs comme vous le précisé si bien, ces mêmes photographes pratiquent la retouche (très bien pour certains d’entre eux), il est donc difficile pour un retoucheur de pratiquer une retouche « moins bonne ».

    « Inversement en numérique, il n’y à pas de limite »,tout de même premièrement une limite budgétaire.

    Deuxièmement pour rendre un corps désirable, il existe bien des « règles » de proportion et des limites à l’étirement d’une pair de jambe.

    Ensuite, techniquement même avec un très bon photographe (fichier numérique bien exposé, ect ) et un très bon retoucheur, le fichier est modifiable mais avez vous poussé les curseurs, effets, filtres de Photoshop à leurs extrémités positives et négatives (-100 à 0 à +100 ect.) ? Il me semble qu’il existe bien des limites techniques au traitement de l’image qui induise des limites esthétiques et un certain rendu.

    Si il est vrais qu’en principe un retoucheur est un simple exécutant, je regarde du côté de l’écart entre les annotations, ce que créer ces annotations et ceux qui les pratiques.

    Je pourrais vous racontez mes expérience en tant qu’assistant numérique / opérateur des prises de vues de mode (campagne publicitaire, série pour magasine) mais se serait bien trop long ici. Et puis je m’éparpille trop au risque de devenir incompréhensible !

    @ Olivier Beuvelet :

    « Sur la question du fond… le fond est important et secondaire à la fois, parce qu’il sert ici à faire ressortir le corps nu » Oui mais je reste persuadé que le fond (aujourd’hui) si il est consistant et non  » irréel participe à l’érotisation du sujet, de la scène, (Playmate dans la cuisine, dans la salle de bain, allongé sur le sol où sur le lit, dans la piscine ?). Ces territoires sont autant de territoires qui délimitent la scène et la rende à « portée de main » autant que le support de l’image (calendrier, ect).

    Je serais curieux d’avoir votre analyse quand aux différences entre une campagne de publicité de la marque Aubade, fond blanc, absence total de décors et les photographies des Playmates. Les deux sont érotique mais la lecture n’est pas tout a fait la même il me semble.

    @ Ksenija Skacan

    effectivement, il n’y à pas que les femmes qui font « l’objet » de désir érotique ou autre. Il n’y a certes pas que des « photos de dames nues sur la toile » mais je crois que pour étudier un tel sujet il faut de la « matière première » en quantité suffisante et étalé sur une durée importante l’étude me semble pus intéressante. Si il existe bel et bien d’autres photos que « des photos de dames nues sur la toiles », les exemples montré ici appartiennent à d’autres support plus anciens.
    Si je devais étudier les variations de forme du Jean, je ne prendrais pas que les Jeans hommes évidement, mais les Jeans femme seraient plus à même de représenter le paradigme d’un vêtement qui dessine un corps. Les changement sont plus visible dans le temps et dans « l’espace » (taille basse, slim, ect..).
    Les changements de coupe de jeans femmes sont plus radicaux que ceux des hommes il me semble. Votre corps subit depuis l’extérieur, pars les vêtements (= annotations sur les photos des playmats) des transformations conséquentes. Savez-vous si se sont des hommes ou de femmes qui dessinent vos Jeans ?
    Il y a là aussi je crois « asymétrie » entre les changement de formes opérés sur les Jeans Femmes et les Jeans Hommes. Un designer vous soutiendrais certainement que non et serait en mesure de vous prouver par A + B que les coupes hommes changent régulièrement et complètement. Moi, je ne l’observe pas vraiment, sauf peut-être avec les slim, mais avant ?

    Pour faire court, je vois dans les Jeans le même pouvoir de dessiner / décider les forme s que celui des annotations de retouche (illustrations de playmates proposée par André Gunthert).

  27. @David Falco La retouche « légère », c’est celle qui est faite par le photographe et/ou par le studio de création. En simplifiant, des gens qui utilisent Photoshop, mais qui ne sont pas des spécialistes de la retouche beauté. La retouche lourde, c’est celle qui est faite par des gens qui ne font que ça ou presque. Tout le monde n’a pas le budget l’Oréal. 🙂

  28. @ Thierry :

    Oui je comprends mieux maintenant la distinction que vous faites. Par « retouche légère », j’avais compris peu de retouche et non une retouche effectuée par une personne dont ce n’est pas le métier.
    Effectivement tout le monde n’a pas le budget Loréal, mais il me semble que la retouche des campagnes publicitaire est le modèle suivit par les professionnels ET les non professionnels de la retouche.
    Tout photographe qui fait de la beauté souhaite que ces images soient retouchées autant et aussi bien qu’une campagne Loréal, non ?

  29. Je laisse de coté le « autant » qui me semble trop subjectif à moins d’associer le « autant » à un coût pour ne garder que le « aussi bien » encore plus subjectif mais recevable dans la mesure où quoique l’on pense de ces retouches, c’est la référence dans la profession. En tant que « photographe » j’aurais tendance à répondre non. Maintenant en tant que « photographe » à qui on aurait passé une commande et qui devrait réaliser une photo pour un concurrent de l’Oréal, c’est certain que cela me rassurerait.

  30. @ Thierry :

    alors pour être plus précis et moins subjectif à défaut de ne plus l’être du tout, il faudrait définir en dehors de toutes critiques positives ou négatives du type « aussi bien », en quoi, pourquoi et comment la retouche Loréal est la « référence dans la profession » ?
    Comme vous semblez en tant que photographe vous démarquer de cette référence, quelle est la votre ?
    D’autre parts, les campagnes Loréal ne sont pas toutes retouchées par un seul et même retoucheur. Avec un minimum d’attention il est possible de distinguer une bonne retouche (en principe et en Europe, celle qui conserve le grain de peau et qui trouverait sa marque de fabrique chez Ingres) d’une mauvaise retouche celle qui efface le grain de peau (assez répandue aux Etats-Unis). Peut-on s’accorder sur ce regard que l’on m’a transmit et que je partage ?

    Or ces deux pratiques sont nommées retouche mais produisent des textures de peau très différentes.
    “ôter les poils”, “adoucir les veines”, “enlever les rides” pour de la beauté me semble être la condition minimum pour être publié. Mon « autant », aussi subjectif qu’il puisse paraître renvoyait bien à un dénominateur commun, un seuil minimum de retouche en deçà duquel il me paraît difficile de prétendre à une publication et décrocher une campagne publicitaire pour Loréal ou un de ses concurrents.

    Mon « aussi bien » renvoyait à la manière dont on “ôte les poils”, “adoucis les veines”, “enlève les rides”, c’est à dire en gardant le grain de la peau ou en transformant cela en une bouillie sans texture « humaine », mais texture poupée plastique et lisse.

  31. @David Ne vous souciez surtout pas de mes goûts en matière de retouche si vous souhaitez décrocher une campagne publicitaire pour l’Oréal. Ce qui est « bien » sur une commande, c’est ce que souhaite le client.

  32. @ David,

    Question très intéressante… C’est peut-être le fond qui, en dehors du dispositif lui-même, distingue les Vénus des playmates.
    La publicité dont vous parlez n’offre à voir que le corps nu de la femme, alors que la playmate s’insère toujours dans un décor qui pourrait bien être le prolongement de l’espace où se tient le spectateur… Disons pour faire court que la Vénus est une image qui présente un corps féminin nu en tant qu’image, la nudité y est l’événement central et le décor est toujours secondaire, c’est un fond, une origine (l’écume si l’on s’en tient au mythe) d’où émerge le corps qui, devenant forme depuis l’informe, se présente comme une figure. La Vénus est une méta-image, l’image de ce qu’est l’image… Le rapport entre le cadre et les lignes du corps est intéressant parce qu’il n’y a rien entre les lignes rigides du cadre et les lignes courbes de Vénus. (je ne parle pas des Vénus avec Mars ni des Vénus avec Cupidon qui sont marquées par le récit mythologique, je parle des naissances de Vénus ou des présentations de nus féminins apparentés qui n’ont d’autre objet que de présenter un corps féminin nu aux regards souvent masculins)
    Vénus émerge du support, de la matière même de l’image en tant que corps ressemblant sollicitant la main du spectateur tout en lui indiquant par l’impossibilité qu’il a de la toucher et parce qu’elle n’a de volume que dans l’illusion, que la rencontre est impossible. La Vénus céleste est un apprentissage apolinien pour l’oeil, elle entraîne le regard masculin à contempler de manière platonique le corps nu de la femme en le mettant en dehors de toute réalité comme une simple apparition, une idée de corps sous laquelle la chair est en souffrance (en attente).
    Le calendrier Aubade, d’une manière différente, joue sur le même registre sur le plan formel, celui de l’image en tant qu’apparition d’une figure, ici le cynisme mercantile est poussé jusqu’à la découpe des parties « utiles » du corps féminin, celles où on met l’objet à vendre (sous-vêtement), l’identité des femmes n’a aucune importance, ce sont des corps anonymes ; on ne voit pas les visages des femmes mais leurs courbes et les sous-vêtements qui les parent, il joue davantage sur le registre du fantasme et et du réalisme paradoxal du rêve… l’absence de fond, le cadrage, le noir et blanc et les plans serrés coupent ces corps de leur contexte pour en faire de pures formes oniriques, ce qui me semble en contradiction avec la notion de calendrier qu’on feuillette… et en effet il s’agit d’une pub littérale où on voit le produit, une affiche en somme… (alors que le calendrier Pirelli ne montre pas des pneus, c’est un vrai calendrier ! )
    On est loin de la girl next door… Si les images peuvent être appréciées pour leur « beauté », le fait qu’il s’agisse d’une pub oriente tout le dispositif vers une mise en valeur de l’objet, le corps y est un instrument, un support pour le produit, sublimé par le produit, et finalement, on ne peut pas parler de playmate ni de Pin-Up, encore moins de Vénus… D’ailleurs il n’y a pas de nudité…
    La playmate s’inscrit dans un cadre réaliste, le décor correspond au support et au nouveau rapport qu’il propose, notamment la possibilité de s’approprier l’image, de la toucher… La playmate partage avec la Vénus le fait que sa nudité est le seul événement de l’image, sa raison d’être, simplement, elle n’est plus une méta-image mais une sorte de « passage à l’acte » de l’image…
    Le fait que l’image tende vers la photographie (ou qu’elle en soit une) et le fait que la femme soit en relation avec le décor et pas simplement posée sur un fond, tendent à effacer sa nature d’image de l’image pour en faire une présence, une empreinte, un objet capable d’entrer en relation avec le corps du spectateur… C’est un apprentissage dionysiaque et moins apolinien…

  33. Sainte ou pouliche, vierge ou putain, la représentation de la femme n’a-t-elle pas toujours balancée entre ces deux extrêmes de la vision masculine des femmes. Dans ce cas la GND est à la fois, par la magie de la retouche, la femme inaccessible parce que irréelle, la vénus, et la putain de par le décors et le discours.
    Dans le cas de Botticelli, si j’en crois ma petite visite sur Internet, la perversité de Botticelli n’avait rien à envier à celle des producteurs de la GND. Son maître Fra Filippo Lippi utilisait des prostituées pour peindre ses vierges, et la vénus de Botticelli aurait été inspirée par sa filleule, fille de Lippi, dont il aurait eu un enfant.

  34. Je viens de remettre la main sur le passage de Hoggart qui introduit son concept d' »attention oblique », et qui, comme par hasard, s’appuie sur le cas de la pin-up:

    «Une grand mère à cheveux blancs feuilletant un magazine à sensation ou à scandale offre certes un spectacle surprenant, quoique assez courant. Mais elle n’y voit aucune malice: elle ne lit que ce qui l’intéresse; quant aux pin-up, elle les tolère: « Ça ne la gêne pas » – « Ils les mettent pour les garçons, vous savez ». De la même façon, les recherches les plus raffinées des agents de publicité n’affectent pas toujours les membres des classes populaires qui ne lisent la publicité que d’un oeil, ne lui prêtant qu’une attention oblique
    Richard Hoggart, La Culture du pauvre, Minuit, 1970, p. 296.

  35. Travaillant sur la Vénus d’Urbino je suis tombé sur votre article et les commentaires. Passionnant. On touche ou ne touche pas. On se touche ou pas. Là est la question.

  36. @André Je ne saisis pas l’application de ce concept « d’attention oblique » aux « classes populaires » et à la publicité.
    « De la même façon, les recherches les plus raffinées des agents de publicité n’affectent pas toujours les membres des classes populaires qui ne lisent la publicité que d’un oeil, ne lui prêtant qu’une attention oblique. »
    Lorsque la cible de la publicité, ce sont les classes populaires, les recherches les plus raffinées des agences de publicité affectent les classes populaires. Ou alors c’est que la publicité est ratée et que la recherche n’était pas assez sophistiquée. 🙂 Et lorsque la cible de la publicité ce sont les classes populaires, ce sont les CSP+++++ qui ne lisent que d’un oeil, ces publicités qui ne leurs sont pas destinées.

    Et d’ailleurs en ce qui concerne les mamies sont-elles si dénuées de malice que cela: “Ils les mettent pour les garçons, vous savez” manifeste me semble-t-il une bonne compréhension de l’utilité des pin-ups. Hoggart me semble poser sur les mamies un regard stéréotypé qui voudrait que les mamies aux cheveux blancs soient toutes horrifiées par toutes les manifestations visuelles de la sexualité. Leur regard n’a rien d’oblique, c’est juste qu’il ne correspond pas à l’idée qu’Hoggart se fait du regard d’une personne âgée.

  37. @Thierry: « Hoggart me semble poser sur les mamies un regard stéréotypé qui voudrait que les mamies aux cheveux blancs soient toutes horrifiées par toutes les manifestations visuelles de la sexualité » Appréciation tout à fait valable dans ce cas précis 😉 Il n’en reste pas moins que le concept d' »attention oblique », même s’il est discutable (on peut supposer que l’antithèse implicite est celle d’une attention concentrée, telle que produite par l’oeuvre d’art, ce qui est évidemment un présupposé), est une observation intéressante. Benjamin parlait d' »attention distraite », pour qualifier de façon similaire la consommation de la culture populaire. La prise en compte des nuances de la réception me paraît un bon réflexe, même s’il faut visiblement pousser l’élaboration des notions. Je précise qu’en bon anti-kantien, l’attention oblique me paraît un concept tout aussi applicable à l’oeuvre d’art… 😉

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