Les portes des toilettes sont-elles sexistes?

Photo courtesy Martine Sonnet, gare Luxembourg ville, 21/08/2010.

Le site Sociological Images a mis récemment en ligne un intéressant billet détaillant les stéréotypes à l’œuvre dans la signalétique des toilettes publiques. Appuyée sur une illustration fournie, la thèse est celle de l’opposition du simple et du complexe: «Le patriarcat entretient l’idée que l’homme peut représenter toute l’humanité, tandis qu’une femme ne peut représenter que d’autres femmes. (…) Les panneaux des toilettes en fournissent l’illustration en dépeignant la masculinité de façon simple, et la féminité comme une variation plus élaborée de la figure mâle

L’identification des toilettes publiques étant une expérience largement partagée, on suit volontiers cette démonstration, que la galerie d’exemples déploie de manière amusante et pédagogique. A l’issue de cette promenade visuelle, la conclusion s’impose: les portes de toilettes contribuent largement à propager les clichés les plus éculés du sexisme.

C’est peut-être le déroulement un peu trop fluide de ce raisonnement qui finit par mettre la puce à l’oreille. Vu sous l’angle du genre, n’importe quelle forme d’opposition ne sera-t-elle pas décodée comme sexiste? S’il est exact que l’opposition du neutre et de la variation est un topos aussi vieux que la Genèse (où Eve n’est qu’un côté d’Adam), peut-on ramener toute signalétique binaire à ce modèle?

En grattant un peu, on découvre vite les limites du présupposé. Un café avec toilette unique (il en existe encore) est-il moins sexiste qu’un café qui offre des toilettes séparées? Des toilettes signalées par un énoncé textuel (« Homme/Femme », « Messieurs/Dames ») sont-elles moins sexistes que celles indiquées par des pictogrammes? L’introduction, désormais imposée par la législation, de toilettes adaptées pour handicapés doit-elle être interprétée comme la création d’un troisième genre dont l’identification visuelle, assimilant tout être humain au symbole de la chaise roulante, constitue une atteinte cruelle aux droits de la personne?

Photo: mahmut, toilettes des hommes, Oktoberfest, Munich, 2006, licence CC.

C’est ce dernier cas qui nous met sur la bonne piste. La prescription de dispositifs adaptés pour les handicapés n’a rien à voir avec la différence des sexes, mais représente un gain appréciable de confort par rapport à des contraintes pratiques spécifiques. Je ne connais rien à l’histoire des toilettes publiques en Occident (un spécialiste de passage pourra peut-être nous éclairer), mais il me semble qu’une des raisons principales de leur séparation architectonique tient à une différence d’appréciation culturelle de la pratique d’excrétion. Notre société tolère que les mâles urinent publiquement, et le cas échéant collectivement, à condition de dissimuler l’organe à la vue, alors qu’un comportement similaire sera considéré comme choquant venant des femmes. S’il paraît tout naturel d’associer la ségrégation homme/femme des toilettes publiques à la différence sexuelle, leur séparation se rapporte en réalité à une différence de pratiques, qui induit une différence de dispositifs: la présence ou non de pissoirs (différence qui créé d’ailleurs une douloureuse discrimination de la disponibilité, confirmée par le fait anthropologique bien connu que, sur les aires d’autoroutes, il y a toujours de l’attente aux toilettes pour femmes, alors qu’on pisse à loisir dans les toilettes pour hommes).

La majeure partie des exemples mobilisés par le billet de Sociological Images relève de la signalétique, autrement dit de cette iconographie particulière qui vise à transmettre des messages par l’intermédiaire d’un dessin très simplifié (voir ci-dessous). Sur Culture Visuelle, on se moque parfois du caractère impénétrable des divers logogryphes qui envahissent l’espace public. C’est assez dire que ce genre elliptique, «rêve d’un langage sans frontière qui serait immédiatement compréhensible de tous» (Sylvain Maresca), est un art difficile, parmi les plus exigeants du graphisme. Sa réalisation revient à des entreprises spécialisées, que la fringale de signalisation des cités modernes assure d’une belle prospérité.

Le secret de l’efficacité du pictogramme tient le plus souvent à une bonne analyse pragmatique de la situation dans laquelle il s’insère. Dans le cas des toilettes publiques, sachant que: 1) il existe habituellement une séparation hommes/femmes (avec désormais la variante handicapés); 2) ça presse, il s’agit de répondre le plus rapidement et le plus clairement possible à la question de l’identification du local idoine. Je suis un manche en théorie de l’information, mais je connais des lecteurs qui se feront un plaisir de détailler les ressorts de cette situation logique, source d’un immense potentiel graphique, puisqu’elle ouvre à un vaste éventail d’oppositions par paire. La limite de l’exercice est évidemment la prise en compte du public visé. Plus il est large, plus il faudra recourir à des binômes facilement identifiables, alors qu’un public plus spécifique – par exemple dans le cas d’un bar branché – permettra des variations plus audacieuses, plus ludiques ou plus hermétiques.

Un des points gênant du billet de Sociological Images est l’absence de prise en compte de toute forme de culture visuelle des acteurs. Il s’agit pourtant d’un élément essentiel de la composition du pictogramme (qui doit par définition employer des codes compréhensibles pour le destinataire) autant que de son interprétation. Plusieurs exemples cités ne relèvent pas à mon avis de l’opposition du simple et du complexe, mais plutôt de l’opposition paradigmatique de la droite et de la courbe (voir ci-dessus). Cette dichotomie est moins une opposition anatomique que l’application d’une longue tradition iconographique, qui stylise le masculin par une géométrie plus anguleuse alors qu’elle caractérise le féminin par l’arrondi (voir ci-dessous).

Un grand nombre de représentations de la culture populaire sont ouvertement sexistes. Les portes des toilettes participent de cette discrimination dans la mesure où la signalétique vise une efficace, qui encourage à recourir à la gamme des stéréotypes existants. Mais elles n’en sont certainement pas le vecteur le plus inquiétant. Dans bon nombre de cas, il est difficile d’interpréter séparément les pictogrammes. La distinction n’apparaît qu’en considérant globalement le système qu’ils composent ensemble. Identifier le bon côté s’effectue par comparaison des deux visuels, en essayant de reconnaître la logique d’opposition du binôme, qui repose la plupart du temps sur un seul caractère (voir ci-dessous).

Conformément au principe de réduction à l’essentiel de la signalétique, la règle la plus souvent appliquée pourrait se caractériser par le jeu de la moindre différence. Ce principe témoigne que la dimension ludique n’est pas absente de l’exercice interprétatif, mais désigne aussi un horizon sensiblement plus égalitaire. L’économie du système graphique « toilettes publiques » est la paire. Pour cette raison, dans la plupart des endroits de grande fréquentation, c’est désormais le symbole du couple homme-femme qui désigne à nos regards pressants la localisation des lieux d’aisance – un endroit où les deux sexes sont bel et bien égaux devant la nécessité biologique.

23 réflexions au sujet de « Les portes des toilettes sont-elles sexistes? »

  1. Vu sous l’angle des gender studies, tout est sexiste, c’est un peu le paradoxe de ce domaine qui entend à la fois dénoncer et établir un rapport au genre dans tous les faits de la vie.
    J’ai bien aimé la compilation en question, parce qu’elle est très complète. J’ai parcouru le texte plus distraitement, parce qu’il est à mon avis rare qu’on puisse chercher une signification incroyable aux pictogrammes de ce genre, au delà d’une information de base qui est la séparation entre hommes et femmes dans les toilettes – séparation qui avait déjà cours à Pompéï si je ne me trompe pas.
    Pour l’angle et l’arrondi, on peut invoquer la tradition iconographique, mais plus encore les différences morphologiques que nous pouvons vérifier en permanence.

    En tout cas, tout ça me rappelle une cruelle expérience de mon enfance que je raconte ici

  2. À Montréal, l’Université McGill est rentrée dans un débat digne de ceux de l’Amérique du Nord afin de créer des toilettes pour les transexuels à la demande de ceux-ci. L’enjeu étant que le reste de la communauté homme d’un côté ou femme de l’autre se trouve choqué par la présence du transexuel en question. Le doute de l’apparence sexuelle n’autorisant pas la présence dans un lieu ou l’autre. Ce débat de l’université McGill m’inciterait à penser qu’il ne faille plus du tout de distinction de genre dans les toilettes, les mêmes pour tous et la construction du respect.

  3. A Paris 8, les WC du personnel (en sociologie, au moins, les secrétaires aussi on la clé) sont faciles à identifier : ce sont les seuls dont la porte soit fermée en permanence, et qui ne se trouvent pas dans l’état décrit par Baptiste Coulmont : http://www.flickr.com/photos/coulmont/190054655/in/set-72157594324696804/

    (Et j’ai connu l’époque où, dans le bâtiment A, logiquement le premier construit à Saint Denis, les portes avaient été enlevées ce qui, évidemment, simplifie la question de la signalétique)

  4. @Jean-no: Je maintiens que l’opposition droite/courbe est une construction typique de l’iconographie pour signifier le masculin et le féminin – et donc bel et bien un trait culturel relevant du genre. Si tu examines, non pas des représentations, mais une population réelle, disons au supermarché ou dans la rue, tu verras que les corps sont étonnamment semblables. L’opération figurative fabrique une silhouette qui a pour caractéristiques d’associer le vêtement, signe social, à la morphologie, et surtout de mettre l’accent sur la posture. Comme le montrent les illustrations ci-dessus, l’homme est supposé se tenir d’aplomb, tandis que la femme est généralement représentée cambrée. Tous ces traits sont des formes de stylisation et d’accentuation de caractères nettement moins marqués dans la vie réelle.

    @F, Denys: Merci pour ces contributions iconographiques 😉

    @Karl: La liste des distinctions revendiquées ayant tendance à s’allonger (gay, bi, trans…), on se dit en effet que l’abandon de la ségrégation est la seule solution viable à moyen terme. Et quel soulagement pour les cafetiers!

  5. Il est fondé et vérifié que le temps passé dans les toilettes par les hommes est de moitié (sinon plus – les compteurs se perdent en d’oiseuses conjectures) inférieur au temps passé par les femmes dans ces lieux d’aisance (j’aime « lieu d’aisance », j’aime aussi « besoin(s) »). Il y avait un film avec monsieur Michael Lonsdale -« une sale histoire » de Jean Eustache 1977- qui racontait les tribulations et turpitudes d’un voyeur un peu vaines en ces lieux : en effet, on pourra adopter une attitude réflexive dans ces situations en faisant appel à cette sorte de réalité subjective (je ne suis qu’un homme, comme disait Alain Barrière) qui indique que , homme ou femme, les actes et produits sont d’un même tonneau. Comme quoi, le genre, en cette occurrence, ne fait rien à l’affaire (ceci dit en référence à la chanson de Georges Brassens : « quand on est con, on est con » qui dit bien ce qu’elle veut dire…:°)))) ‘(c’est un peu à côté du propos du post, certes, mais pas si loin cependant…)

  6. En Pologne les toilettes des femmes sont signalées par un rond et celles des hommes… par un triangle(la pointe en haut)!
    On est donc bien sûr pris d’un doute légitime…
    Dans ce cas particulier les logos sont, pour le voyageur, un peut ambigus.

  7. @André : mais la posture fait partie du corps et même du dimorphisme sexuel chez l’humain. Et quand au rapport angle/courbe, il est partout chez nous, jusque dans le squelette (on reconnaît en une seconde un crâne féminin, dont les cavités orbitales sont des ovales bien dessinés, d’un crâne masculin, dont les cavités orbitales sont des trapèzes). Je te rejoins sur le fait qu’accentuer, voire caricaturer les choses n’est pas sans signification ni sans effet (au passage les caractères sexuels tertiaires – vêtement, bijou, maquillage – servent aussi à ça), il est intéressant de voir sur quel détail telle ou telle époque (telle idéologie, tel mouvement social, telle religion bien sûr) a mis l’accent.
    C’est bête, je ne peux pas faire gribouiller dans les commentaires, parce que j’aurais plein d’exemples amusants/intéressants à dessiner à ce sujet.

    Ce que je trouve le plus amusant/étonnant c’est que les peintres ou les poètes ont remarqué un détail il y a des siècles tandis que les biologistes ne l’ont étudié et compris que très très récemment : la différence de la teinte de la peau entre les hommes (brun-rouges) et les femmes (blanches), différence qui se retrouve bien entendu quelle que soit la couleur de la peau de la personne (une ivoirienne aura la peau sensiblement plus claire et moins rouge que son frère, quoi), et varie selon les périodes de la vie : après la cinquantaine, les couleurs de peau des hommes et des femmes se rejoignent, chacun ayant perdu du trop plein d’hormones sexuelles qui en était la cause… C’est une chose tellement intégrée par nos cerveaux qu’on ne le voit pas, que souvent les gens ne le croient pas quand on le dit (mais ça ne choque personne de le voir, par ex., sur ton Cranach) et qu’aucun fabricant de signalétique de WC ne semble avoir pensé à opposer le rouge-brun pour les hommes au blanc pour les femmes.

  8. Pour mémoire, la séparation est aussi due à une coutume masculine : pisser à côté… Et cette pratique là fait que la séparation n’est pas prêt de disparaître. Désolé pour le pragmatisme, un homme qui râle souvent après ses congénères…

  9. @ B. C.: Merci pour le rappel! J’y ajoute ton compte rendu de « Petite sociologie de la signalétique« , qui tombe à pic! Sans oublier le relevé sur les bonshommes de feu rouge

    @Jean-no: Dis-moi si tu vois du dimorphisme dans l’image médiévale. Dans les fresques de Pompéi, hommes et femmes présentent les mêmes rondeurs potelées. Et dans mon supermarché, personne ne marche comme Mrs Smith ou la James Bond Girl de l’affiche. Pour marcher cambré, il faut se percher sur des talons, ce que tu auras du mal à me faire prendre pour une caractéristique anatomique. Inversement, j’aime beaucoup le tombé de la veste de Mr Smith ci-dessus, qui géométrise la silhouette, ou les angles nets du smoking de 007, qui contredisent la morphologie autant que le drapé. Non seulement l’iconographie occidentale a exagéré la différence des sexes, mais il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour me faire dire que c’est cette distorsion graphique qui a provoqué l’accentuation morphologique du dimorphisme qu’on observe aujourd’hui (remember Heidi Montag).

  10. C’est vrai, dans la statuaire médiévale, les différences sont inexistantes entre les sexes (ceci dit, la proportion de représentations féminines me semble faible, hors quelques figures religieuses), mais aussi entre les âges et même les individus, seuls comptent les attributs, les accessoires (et le format, dans le cas des enfants). J’ai toujours vu ça comme un choix idéologique, qui consisterait à dire que tous sont égaux sous le ciel, quoique dans la pratique personne n’ait eu de doutes sur la place qui était attribuée à chacun en fonction de distinctions sociales et sexuelles à mon avis.
    À Pompéi, je vois très bien le dimorphisme, à vrai dire, en tout cas dans la peinture.
    Bien sûr, la représentation de la distinction sexuelle est une construction et elle varie beaucoup selon les époques, et pas que la représentation d’ailleurs, le corps lui-même : vêtement, maquillage, activité physique,… Mais je doute qu’on trouve beaucoup de cultures ou d’époques qui représenteraient les femmes comme des rectangles et les hommes comme des cercles.
    Reste que dans beaucoup de cas, on accentue des traits afin d’appliquer une règle moyenne aux cas individuels. La veste de Brad Pitt est un bon exemple d’astuce dans le genre, et en fait les coupes masculines des vestes en sont un bon exemple. J’en ai un autre que personne n’a remarqué je pense : le soir du débat Royal/Sarkozy, le visuel qui présentait les deux candidats face à face prêtait à Nicolas Sarkozy quelques centimètres de plus qu’à Ségolène Royal, ce qui apparemment n’est pas le cas selon une toise honnête…

  11. L’intérêt du billet publié dans Sociological Images tient surtout à la très riche iconographie rassemblée. Devant une telle profusion de variations graphiques sur le thème homme/femme, je me demande surtout pourquoi tant d’institutions, d’entreprises, de lieux publics s’évertuent à imaginer de nouveaux graphismes au lieu de s’en remettre à une signalétique déjà éprouvée ailleurs. Un étudiant en sociologie de Nantes vient de réaliser une enquête sur deux commandes de signalétique très dissemblables (l’une pour un lieu culturel branché, l’autre pour un centre commercial) qui soulève clairement cette question et surtout fait apparaître que, dans le cheminement depuis la demande initiale jusqu’à la production finale de la gamme de pictogrammes validée par les commanditaires, l’impératif de la lisibilité, de l’efficacité communicationnelle tend à se diluer au profit d’un souci plus évident d’identité graphique, de stylisation de l’espace. Si bien qu’on peut arriver à remplacer une gamme de pictos peu compréhensible par le public par une nouvelle, tout aussi peu claire, sans que personne n’y trouve à redire. La communication, en particulier graphique, reste décidément un univers de méandres malaisé à élucider.

  12. Hmmm… J’ai tenté d’illustrer le rapport angle/courbe qui caractérise à mon avis le dimorphisme sexuel chez les humains, mais c’est pas très beau, youtube l’écrase dans la largeur et j’ai eu la flemme de trouver un logiciel pour ajouter un commentaire audio. Hmmm… Enfin en tout cas il me semble avoir prouvé que les mecs étaient super-moches comparés aux filles. (juste clique ici)

  13. Voir la similitude entre les pictos ascenseur et toilettes : il n’y a pas de séparation sexuelle pour renter dans l’ascenseur contrairement aux toilettes.
    Sinon j’ai vu cet été au Château d’Oiron trois portes : une femme, une homme et une troisième reservant le lieu aux artistes sans distinction de sexes.

    Merci pour vos analyses

  14. Le problème des gender studies est effectivement que leur raisonnement est foncièrement circulaire : ils présentent leur résultat dès les hypothèses. Pour prouver que le pictogramme « homme » représente l’humanité entière, il faudrait que quelque part, les toilettes ne soient indiqués que par le pictogramme homme, me semble-t-il. Il y a quelque chose de frappant : la femme est souvent dépeinte comme un homme auquel on a ajouté une robe (ou des cheveux, ou des seins). C’est étonnant pour deux raisons : la femme est celle qui a quelque chose « en plus » (alors que généralement, elle est celle qui a quelque chose en moins : pas de pénis, elle est tirée d’une côte d’Adam etc.) ; la robe n’est plus depuis longtemps un vêtement majoritaire chez les femmes (par contre, c’est un vêtement spécifique aux femmes en occident), les cheveux longs ne sont plus l’apanage exclusif des femmes etc. On travaille donc bien sur des représentations très stéréotypées.

    Il faut aussi replacer le débat dans le contexte de la langue anglaise qui identifie genre grammatical et sexe (à part quelques exceptions historiques, on ne peut appeler « she » qu’un représentant du sexe féminin). Ceci structure la recherche sur le genre de façon fondamentalement différente. Le genre est conçu comme ‘naturel’ (voire les théories du ‘natural gender’ ou celles selon lesquelles il n’y a pas de genre en anglais…). La compréhension de la notion de genre, donc les interprétations qui peuvent en être faites par un francophone sont donc très différentes.

    L’article fait aussi référence au fait d’uriner collectivement pour les hommes, à condition que le pénis soit caché. Les gender studies ont plutôt tendance à mettre l’accent sur l’homosocialité dans ce cas : uriner en public est une façon de montrer son pénis, d’en comparer la taille, de façon réelle (en jetant un coup d’oeil) ou métaphorique (différents jeux du « qui pisse le plus haut » ou « qui pisse le plus loin »)

    http://davidikus.blogspot.com/

  15. il y a eu un excellent documentaire sur l’histoire des toilettes sur ARTE facilement trouvable en ligne « la fabuleuse histoire des excrèments » qui montrait que la défécation en publique était assez répandue, chez les hommes comme les femmes, jusqu’à assez tard. Je me souviens d’une carte postale du XIXème montrant une femme en train d’uriner au milieu d’une rue. Ce que Goffman a montré, c’est que ce n’est pas l’iconographie des toilettes qui est sexiste, mais plus simplement la séparation des sexes (qui est elle aussi tardive), en ce qu’elle tend à réaffirmer la différence des sexes et à l’ancrer dans la nature (où à lui donner une explication corporelle), quand il ne s’agit que d’une organisation de l’espace.

  16. Qu’en termes élégants ces choses là sont dites !
    Merci pour le décryptage.
    D’accord avec vous, les auteurs de logotypes s’ils intègrent sans doute les présupposés sociaux visent surtout à l’efficacité dans la communication visuelle.

  17. @Syvain Maresca: Merci de rappeler la dimension de l’identité graphique, qui ajoute une autre couche contextuelle que je n’avais pas mentionné. Les pictogrammes doivent aussi se soumettre à la contrainte des choix de décoration du lieu dont ils sont partie prenante, ce qui explique leur diversité. Celle-ci suggère en outre que la valeur décorative est dans ce cas précis plus importante que la clarté sémiotique de l’indication.

    @Jean-no: C’est très joli! Mais tu es quand même un grand malade! 😉

    @clic: Merci pour le signalement. J’ai regardé ce docu, en effet pas sans intérêt, même s’il ne s’étend guère sur le sujet des toilettes (qui correspond à sa 2e partie, voir: http://www.dailymotion.com/video/x5s5ar_fabuleuse-histoire-des-excrements-i_tech), dont la séparation homme-femme n’est pas évoquée. A propos de ce film, on pourrait s’attarder sur son usage de tout un arsenal d' »images écrans » (imagerie 3D, image thermique, etc.), qui permettent de montrer l’immontrable, mais qui font penser que l’abstraction signalétique a ici encore un autre rôle, qui est de tenir à distance les actes scabreux dont les toilettes sont le théâtre… Amusant aussi de voir que les auteurs n’ont jamais entendu prononcer « fèces » en français, et l’énoncent scrupuleusement à l’anglaise 😉

    Merci aussi pour la référence à Goffmann, dont je n’avais pas conservé le souvenir. Je me suis du coup replongé dans La mise en scène de la vie quotidienne, dont j’extrais pour le plaisir cet autre passage: «Dans notre société, la défécation implique une activité individuelle qui est définie comme incompatible avec les normes de propreté et de pureté exprimées dans un grand nombre de nos représentations. Une telle activité oblige aussi l’individu à défaire ses vêtements et à « sortir du jeu », c’est-à-dire à laisser tomber le masque expressif qu’il utilise dans l’expression face à face. Il lui serait difficile, dans ces conditions, de rajuster sa façade personnelle au cas où la nécessité d’entrer en interaction se présenterait soudainement. Peut-être est-ce là une des raisons pour lesquelles, dans notre société, les portes des toilettes sont munies de verrous.» (vol. 1, p. 118).

Les commentaires sont fermés.