Toast prononcé à l’occasion de l’anniversaire des cinq ans du Lhivic et de l’inauguration de Culture Visuelle, le 19 mai 2010 à l’INHA.
«Forger le nom d’une nouvelle entité académique est un exercice qui n’est pas de tout repos. Je me souviens du jour où Louis Marin nous annonçait, dans les couloirs de la rue de la Tour, la création du nouveau groupe de recherche, qui ne s’appelait pas encore le CRAL mais (puisque c’était un groupe et non un centre) le GRAL – un nom aux connotations évocatrices bienvenues, qui le rendaient tout guilleret. Contrairement à ce nom, celui du Lhivic, comme celui du Kodak, ne signifie rien d’autre que lui-même. Le Lhivic a failli s’appeler le CRIC (Centre de recherche sur les images contemporaines). Il aurait pu s’appeler le LHVC. Mais au moment de nommer cette nouvelle entité, il m’a paru que les deux points sur les « i » de l’histoire visuelle allaient être les yeux dont nous avions besoin pour construire la nouvelle science des images. En cinq ans, ce nom propre est devenu un nom commun, un mot que vous vous êtes appropriés, vous qui l’avez fait exister.
Le Lhivic a été créé il y a cinq ans, la même année que YouTube – et ce point de référence indique à lui seul combien cette période si brève a été, sur le plan visuel, une petite éternité. Je pense que nous allons vivre encore de longues années sur le legs de cette période initiale, où l’essentiel a pour ainsi dire précipité. Nous pourrons dire: nous étions là, sur le pont, nous avons tout vu, tout enregistré. En même temps, rien n’est joué, tout commence, il va falloir maintenant parler fort et faire porter la voix, pour raconter toutes nos découvertes, pour expliquer ce que nous avons compris. Et c’est là qu’intervient Culture Visuelle, notre nouvel outil de travail, dont nous fêtons aujourd’hui le lancement.
Ca a quelque chose d’un tour de magie: on créé un mot, et des gens croient que quelque chose existe. Et plus ils y croient, et plus ça existe. La peinture de Culture Visuelle n’est pas encore sèche. C’est la deuxième publication collective que je créé, après Etudes photographiques, qui a été et qui est encore une aventure passionnante. Je suis très fier de pouvoir inaugurer ici avec vous ce soir ce nouveau média plein de promesses, qui n’a pas fini de nous surprendre. Etudes photographiques a installé une nouvelle façon d’envisager l’image photographique, comme un document plutôt que comme un monument, sous l’angle de l’usage plutôt que sous celui de l’œuvre. L’aventure qui commence, j’en suis sûr, n’aura rien à envier à cette première expérience. Culture Visuelle est un instrument d’une richesse inouïe, c’est une voiture de course, une vraie Ferrari. Depuis 25 ans que j’enseigne, je n’ai jamais eu un tel outil à ma disposition. Il n’appartient qu’à nous de faire cirer les pneus. Culture Visuelle est plus qu’une revue, c’est une revue de revues, c’est plus qu’une communauté, c’est une communauté de communautés. Chacun, sur Culture Visuelle, a la possibilité de recréer son propre organe collectif, doté de son propre réseau social. Dans cinq ans, j’en fais le pari, Culture Visuelle aura changé notre partie du paysage. Grâce à tous ses participants – grâce à vous.
Le seul problème d’internet, c’est que les échanges y sont un peu désincarnés. C’est pourquoi il est bon aussi de pouvoir se réunir d’une façon moins virtuelle. Je suis très heureux et très honoré de votre présence à tous. Je vous remercie de renoncer à vos droits à l’image pour les photos qui circuleront dès ce soir sur Flickr, et vous invite à partager notre buffet!»
Une réflexion au sujet de « Une petite éternité »
J’aurais apprécié d’être de vôtres car il est un peu frustrant, en effet, d’appartenir à une communauté sans en connaître les membres. J’entends « connaître » au sens traditionnel du terme, c’est-à-dire s’être déjà rencontré, avoir partagé des moments, des échanges, « mettre un visage sur un nom » comme on dit. Il y aura d’autres occasions, je l’espère.
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