De l’article illustré en une à la brève rangée dans sa colonne: à côté du texte et de l’image, l’echelle forme un troisième composant, aussi méconnu que puissant, des dispositifs médiatiques. Toutes les informations n’ont pas la même valeur. Leur hiérarchisation est l’une des fonctions fondamentales des médias. A chaque contenu est associé une indication d’échelle, qui participe de son éditorialisation et permet d’en organiser la distribution.
L’importance d’une information se mesure d’abord de façon spatiale, à sa surface et à son emplacement (ou à ses équivalents temporels dans les médias de flux). Mais il existe de nombreux autres facteurs, comme la notoriété de l’auteur, l’envoi d’un correspondant, ou la relégation dans les pages débats. Globalement, les indications d’échelle sont perçues comme la traduction des choix éditoriaux, manifestés notamment en termes d’investissement économique. Lorsque la publication comporte cette possibilité, la présence ou non d’une illustration fait par exemple partie des instruments classiques de valorisation d’un contenu. On ne peut donc considérer le rôle médiatique de la photographie seulement du point de vue de son apport documentaire: l’image joue un rôle de premier plan dans la structuration éditoriale, de façon quasi architecturale (voir ci-dessus: double page de Libération, 16/06/2008).
Plus que les autres composants du dispositif médiatique, l’échelle est une indication de nature essentiellement contextuelle. Son interprétation repose sur l’assimilation dans la durée d’un ensemble évolutif de codes éditoriaux. L’identification de l’importance spatiale d’un contenu est ainsi effectuée en fonction de l’échelle relative appliquée au sein d’une publication – espace de la page ou de la double page au sein d’un quotidien, espace de la séquence voire du cahier au sein d’un magazine. Un journal qui publie une iconographie noir et blanc et couleur peut faire jouer à cette opposition un effet d’échelle qui ne sera pas accessible à un organe qui ne dispose que d’une impression monochrome.
Sur l’ensemble du paysage médiatique, le degré de répétition ou la rapidité de la reprise d’une information sur divers supports sont également perçus comme des indicateurs de son importance. La mise en scène de cette propagation est devenue une figure classique de la représentation des médias au cinéma (voir ci-dessous: extrait de Red Planet Mars, Harry Horner, 1952). Le terme « buzz » n’est autre que la dénomination, remise au goût du jour, de cette manifestation virale de la valorisation d’un contenu.
- Lire également sur ce blog: “Les icônes du photojournalisme, ou la narration visuelle inavouable“, 25/01/2013.
5 réflexions au sujet de « L'échelle de l'information »
Ce qui me fait penser à l’importance spatiale donnée à la pub dans la presse féminine. Pas seulement sur l’ensemble d’un numéro mais sur une page, aujourd’hui, la publicité occupe une pleine page ou rien ! Ce qui en effet hiérarchise la lecture…
Ce qui me frappe toujours est combien les effets de réception sont déterminants mais aussi difficiles à mesurer… D’autant qu’elles restent en définitive implicites (d’où le ressort de la suggestion dont tu parles souvent).
Pas simple à démontrer
La plupart des fonctionnements de la culture populaire reposent sur des règles implicites – ce qui ne veut pas dire illisibles, bien au contraire. Le bon usage de l’implicite reposant sur les compétences du destinataire (Kerbrat-Orecchioni), ces règles doivent être faciles à comprendre pour pouvoir fonctionner. L’indice d’occupation spatiale est un exemple de règle très simple et très intuitive, qui fournit un signal particulièrement efficace. Idem pour l’opposition NB/couleur, qui est facile à percevoir.
Et les journaux continuent de réfléchir à la structuration de l’information avec un carcan de pensée hérité du print : http://www.experientia.com/blog/how-print-dominates-newspaper-website-design/
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