L’autre week-end, mes deux enfants ont décidé de faire un film avec leur camarade Hugo. Une sombre histoire d’attaque de zombie (Louis avec un peu de ketchup), dont le scénario se résume à une course poursuite et une bagarre. Malgré tous mes efforts, il faut bien avouer que l’influence de Lars von Trier ne paraît pas encore déterminante. En revanche, j’ai beaucoup apprécié le découpage, pleinement cinématographique, c’est-à-dire complètement artificiel, basé sur le fait qu’ils n’étaient que trois, dont un pour tenir la caméra.
Le film une fois monté, se pose la question de la diffusion. YouTube s’impose. Ouverture de compte, téléchargement de l’œuvre. Premiers visionnages, exportation sur le blog, mention sur Facebook. Mais après quelques minutes tout à la joie des premières réactions des potes, nous avons la surprise de constater qu’on n’entend plus le son.
Problème technique? Pas vraiment. Un message automatique de la plate-forme explique: «Votre vidéo comporte peut-être du contenu sous licence ou appartenant aux propriétaires de contenu suivants: Propriétaire du contenu: WMG. Type: Contenu audio. Par conséquent, la piste audio de votre vidéo a été coupée.»
Un message guère compréhensible pour des gamins de douze ans. Qui n’ont pas la plus petite idée de ce qu’est la propriété intellectuelle, et des notions plutôt floues en matière de commerce des biens culturels. Leurs lieux de consommation habituels de ces produits, à la télé ou sur internet, les ont habitués à l’accès gratuit. Expliquer qu’il y a des règles, qu’il faut rémunérer les auteurs, est un exercice plus difficile qu’il y paraît.
Ce qui complique encore l’affaire, c’est que tous les contenus mobilisés pour la bande-son ont bel et bien été achetés, soit sous forme de CD, soit sous forme de singles en ligne. Nous n’en sommes donc pas les propriétaires? Pas exactement. Ce que nous avons acquis est une copie avec une licence qui nous permet d’écouter ces morceaux dans certaines conditions, mais pas de les rediffuser publiquement. Ah bon.
Depuis 2009, Warner Music Group impose à YouTube l’effacement systématique du son dès qu’un extrait copyrighté est détecté. A l’usage, le procédé est d’une rare brutalité, paraît juridiquement discutable (en l’occurrence, la présence d’un seul extrait d’une dizaine de secondes entraîne l’effacement intégral de toute la bande-son), et semble contredire l’essence même du « broadcast yourself ». Si un film familial n’a plus sa place sur YouTube, quelle est l’utilité de cette ressource? Diffuser les clips de Lady Gaga et les dernières productions Universal?
Consciente du problème, la plate-forme a inventé le système de l’audioswap pour y remédier. YouTube propose à l’usager de remplacer sa bande-son effacée par une autre, à choisir parmi une banque de chansons libres de droits. Mais outre que ce dispositif ne restitue rien du montage, il augmente encore la confusion en matière de protection du droit d’auteur. Il y a donc des extraits que l’on peut utiliser sans payer? Effectivement. Pourrait-on payer pour utiliser la chanson initialement retenue? Ce n’est pas prévu.
On aurait pu imaginer autre chose. Par exemple l’affichage d’un formulaire mentionnant explicitement les titres concernés, et proposant la commercialisation d’une licence pour leur diffusion en ligne, à un prix modique. Il y a fort à parier que les cinéastes en herbe choisiraient de préserver l’intégrité de leur montage, moyennant quelques euros. Un principe autrement plus pédagogique que l’interdiction, destiné à former des producteurs plutôt qu’à encourager des consommateurs.
Bilan? Mes enfants n’ont rien compris aux principes du copyright, dont il est difficile de prétendre que l’application est limpide. Contrairement aux harangues des pro-hadopistes, selon lesquels un sou est un sou et une chanson une baguette de pain, on voit bien qu’en pratique, le droit d’auteur a complètement explosé. Il y n’a plus qu’un labyrinthe de cas d’espèce, et aucun mode d’emploi pour ceux qui voudraient respecter les règles. En définitive, le film a été téléchargé sur Dailymotion, dont l’architecture moins complexe s’avère finalement plus accueillante. On comprend que dans ces conditions, le partage de vidéos sur Facebook a de beaux jours devant lui.
- Cauchemar 1, version originale (Dailymotion)
- Cauchemar 1, version muette (YouTube)
- Cauchemar 1, version audioswappée (YouTube)
19 réflexions au sujet de « Le copyright expliqué aux enfants »
Voici la copie d’une article qui raconte une histoire déjà ancienne mais très symptomatique des déviances du droit d’auteur… site d’origine : http://www.autrefutur.org/spip.php?article103
(j’espère que l’auteur ne me poursuivra pas.
Pendant sept secondes, dans son long métrage Insurrection résurrection, l’acteur et réalisateur Pierre Merejkowsky a siffloté L’Internationale. Comme ça, au débotté. Une improvisation. Une fantaisie qui pourrait coûter cher à son producteur, Les Films sauvages.
Jean-Christophe Soulageon, le directeur, a reçu une lettre sèche, en recommandé avec accusé de réception, de la Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs compositeurs et éditeurs (SDRM),qui gère les droits d’auteur sur les supports cinématographiques.
« Au cours d’un contrôle dans les salles de cinéma, nos inspecteurs musicaux ont constaté que l’oeuvre L’Internationale avait été reproduite dans le film » sans autorisation. La SDRM demande donc 1 000 euros pour avoir omis de déclarer ce sifflotement, qui constitue une exploitation illégale d’une musique éditée par la société Le Chant du monde.
M.Soulageon ignorait qu’un sifflotement valait chanson. Pis, il ne savait pas non plus que L’Internationale, dont la musique a été écrite par Pierre Degeyter (1848-1932) et les paroles par Eugène Pottier (1816-1887), n’était pas dans le domaine public. Membre du Parti ouvrier français, Pierre Degeyter a composé en 1888 ce qui est devenu par la suite l’hymne du mouvement ouvrier mondial. Le compositeur meurt en 1932 à Saint-Denis, « un peu dans la misère », malgré une petite pension de l’ambassade de l’URSS, précise Hervé Desarbre, le directeur du Chant du monde.
Selon la loi sur la propriété intellectuelle, cette oeuvre ne tombera dans le domaine public qu’en 2014, souligne Philippe Lemoine, responsable des autorisations audiovisuelles de la SDRM. Aux soixante-dix ans de protection post-mortem de l’artiste, s’ajoutent les années de guerre. Le producteur a tenté, en vain, de négocier, en proposant 150 euros au Chant du monde. La société d’édition musicale des « grands Russes » (Chostakovitch, Prokofiev…) aurait préféré une demande préalable. L’épisode est d’autant plus rude que Les Films sauvages ne se sont guère enrichis avec le film de Pierre Merejkowsky. Sorti le 10 novembre 2004 dans une seule salle d’art et d’essai parisienne, ce long métrage a réalisé 203 entrées.
Pourquoi Pierre Degeyter n’est-il pas mort riche ? Chaque fois que L’Internationale était chantée en public, il aurait dû toucher des droits. « L’Union soviétique violait la loi en ne redistribuant rien aux ayants droit », déplore M. Desarbre. A la SDRM, on va plus loin : dans les congrès ou les réunions politiques, les organisateurs devraient prévenir et verser des droits après avoir chanté cet hymne révolutionnaire. Alain Krivine (LCR) s’en amuse : « Je n’ai jamais donné un sou à la Sacem, d’ailleurs on décide toujours au dernier moment de chanter, ça s’est fait des milliers de fois. »
Cela peut nous paraître grotesque, mesquin, impossible,mais apparemment nous ne pouvons plus siffler l’Internationale sans banquer à la société « Le chant du monde » qui posséde les droits. Il va falloir faire attention dans nos manifs : les agents de la sacem veilleront aux droits sur nos éclats de voix. « Rien n’est à nous, tout est à eux… »
En est-il de même pour La Marseillaise ? Mais je suppose que dans ce cas la droite veillera à un petit arrangement entre amis.
Anne-CNT
(commentaire déjà posté une fois mais apparemment de travers)
Exactement, les choses sont bien plus confuses que ne se le font croire les avocats spécialisés dans le droit d’auteur.
Ma femme a animé un atelier vidéo dans un collège de Bagneux – j’ai participé à pas mal de séances aussi. Le conseil général, qui voulait réutiliser les films sur son site (dix collèges participaient) avait explicitement demandé qu’il n’y ait pas de musique sous copyright – mais aussi qu’on travaille avec leur matériel très amateur, histoire que tous les collèges soient à la même enseigne. Pour les gamins (4e et 3e), tout ça était également incompréhensible et nos explications sur le copyright n’ont pas réussi à passer, ou plutôt, on nous a regardé d’un oeil méfiant, comme chaque fois qu’un enfant s’aperçoit ou croit s’apercevoir qu’il y a des failles dans l’univers des adultes : qu’est-ce qu’ils nous racontent, ceux-là ? Ceci dit, nos collégiens ont composé et chanté pour le court-métrage, c’était assez drôle au fond, assez réussi.
La confusion a cependant augmenté d’un cran lors de la projection finale. En présence des huiles des Hauts-de-Seine (enfin théoriquement, car sur le carton c’est Patrick Devedjian qui organisait, mais on ne l’a pas vu), nos gamins de Bagneux (les seuls classés en Zep) ont connu l’humiliation : leurs concurrents avaient souvent travaillé avec du matériel extrêmement professionnel (notamment des caméras dont les objectifs ne se trouvent pas sur les caméscopes pour films de vacances), et surtout ils ont noyé leur bande son dans des tubes du moment à la manière des épisodes de super-nanny (quelques secondes de 100 morceaux différents) ou de Tarantino (musique bien choisie qui fait oublier une certaine vacuité du propos). Notre film n’a pas gagné (il était bien pourtant), ce qui a permis aux gamins de Bagneux de retenir une bonne leçon sur la confiance qu’on doit avoir envers les adultes, notamment.
Bonjour et bravo pour cet excellent article !
J’avais également fait un article sur l’absurdité du système de controle de youtube en emettant la mêm suggestion que vous : la possibilité d’acquérir une licence d’exploitation pour la diffusion. Je serais personnellement prêt à y recourir.
Mais ce n’est pas sans poser le problème que les droits d’auteurs ne peuvent être cédés qu’au cas par cas avec accord de l’artiste (pour protéger le droit moral…).
On est donc pas prêt de voir un tel système avant une vraie réforme du DA… 😉
cf : http://www.tetedequenelle.fr/2009/08/collecte-des-droits-dauteur-bienvenue-a-lage-de-pierre/
Vidéo salutaire pour petits et grands:
http://owni.fr/2010/04/16/copier-nest-pas-voler/
Les grands réviserons leurs classiques oubliés. «La propriété c’est le vol» (Proudhon : Le pauvre doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe… Que reste-t-il aujourd’hui de partagé ? Même pas la pensée !)
Petite explication à destination de vos enfants.
imaginons un instant que le film soit en téléchargement payant sur un site dont vos enfants serait propriétaire. Ils toucheraient 1 euro par téléchargement.
M. Georges Romero, grand producteur de films sanglants, ayant découvert votre course poursuite de zombies et payé l’euro requis pour visionner et télécharger votre film amateur, décide de le reprendre tel quel en y ajoutant un titre un peu accrocheur et un générique d’introduction. Le film sort en salle, devient rapidement un carton mondial. M. Romero s’enrichit à grand coups de produits dérivés et de cession de droits sur le film. Vos enfants auraient certainement le sentiment d’avoir été lésés. Pourtant M. Romero s’était bien acquitté de l’euro requis pour le télécharger.
Heureusement le droit d’auteur et le copyright, beaucoup plus simples qu’il n’y parait, protègent vos enfants : toute reprise de leur film en tant qu’œuvre, en tout ou partie, est un délit de contrefaçon puni par la Loi.
@Simple: Enfin un adepte de la baguette de pain! On désespère d’en trouver encore quelques-uns. Reprenons le sous-titrage pour les sourds et malentendants: le film de mes enfants n’est pas en téléchargement payant, il est disponible gratuitement sur Dailymotion. Georges Romero a heureusement mieux à faire qu’à pomper des productions familiales pour faire un « carton mondial ». Le scénario ci-dessus est donc aussi absurde que les allégories boulangères – mais il faut désormais des scénarios absurdes pour démontrer le bien-fondé du droit d’auteur.
Je propose un scénario un peu plus réaliste, dont l’affaire Garcia (condamné pour « contrefaçon ») vient de nous donner l’illustration: quel que soient le droit et les beaux principes, celui qui gagne est celui qui a la plus grosse bourse et le meilleur cabinet d’avocats. Chez La Fontaine, on appelle ça la loi du plus fort. Et ce n’est malheureusement pas du cinéma.
>> « En définitive, le film a été téléchargé sur Dailymotion, dont l’architecture moins complexe s’avère finalement plus accueillante. »
belle leçon : c’est interdit, alors maintenant qu’on s’est fait choper on va le transporter ailleurs 😉
Sinon juste une info : point de « copyright » en France, ça n’existe pas, il n’y a que le droit d’auteur. Quand à la « notice » explicative en question, elle existe, et elle est disponible librement (code de propriété intellectuelle). c’est comme n’importe quel autre loi : où est la notice qui dit à vos enfants qu’il est interdit de traverser au feu rouge, ou celle qui dit qu’il est interdit de racketter leurs camarades ?
Le billet lui même est très intéressant dans le sens où ça montre que les « digital natives » auront bien du mal avec tout ça, et que avec des processus automatisés, on supprime purement et simplement ce qui serait passé sans problèmes en camescope jadis. Mais il est impossible pour ces plateformes de gérer les vidéos au cas par cas, donc on supprime (toute la bande son d’un coup, ça fait mal)
Pour expliquer à vos enfants, la solution de « simple » ci dessus est assez bonne.
J’ajoute aussi que vous pourriez hébergé tout ça vous même, ce qui vous mettrai à l’abri de décisions arbitraires, au lieu de se replier vers un site comme youtube/dailymotion. Il faudrait qu’à l’avenir tout le monde auto héberge son contenu, pour ne pas dépendre de plateformes qui font des choix économiques arbitraires et qui ont droit de vie ou de mort sur des contenus que VOUS avez produits, et qui s’enrichissent dessus. Le tout ficelé avec des clauses souvent hallucinantes.
hélas on prends le chemin diamétralement opposé : création capté intégralement par des plateformes financières, et périphériques dédiés à la consommation et non plus à la création (ipad…)
@Julien: Je sais bien que « copyright » est une notion pas de chez nous, mais justement, quand on laisse nos enfants jouer avec des plates-formes situées hors de l’hexagone (Google, dont dépend YouTube, est, je le rappelle, implanté à Mountain View), il faut bien s’acclimater à un vocabulaire étranger. Cela posé, pour votre information, il existe même en France pas mal de pratiques qui n’ont aucun fondement légal, comme l’application d’un droit de reproduction pour les oeuvres du domaine public par les collections dépositaires, qui n’est autre qu’un copyright qui ne dit pas son nom.
Mes enfants ont reçu dès la maternelle des leçons de code de la route (dont certaines proposées par la police locale en personne), il est donc probable qu’il sachent se comporter face à un feu rouge. L’éducation civique est également une matière dispensée dès le cours moyen. En revanche, l’éducnat n’ayant pas jugé bon d’encombrer les chères têtes blondes, ils n’ont encore pas vu la queue d’un cours d’économie. Ceci contribue sans doute à expliquer cela.
Je suis en effet persuadé qu’après une phase de concentration sur les plate-formes de partage, la vidéo est à nouveau en train de s’éparpiller. En fragmentant les audiences sur la base du groupe d’amis, Facebook a apporté la seule solution juridiquement acceptable aux problèmes auxquels YouTube ne peut répondre que par l’interdiction. Mais il faut alors admettre que les productions des amateurs ne pourront plus avoir accès aux mêmes capacités de diffusion que celles que leur ouvraient les plates-formes généralistes, autrement dit la possibilité de faire jeu égal avec les médias de masse, qui était l’une des promesses les plus fortes du web 2.0.
@André Gunthert : Dans votre volonté de trouver des boulangers et d’enfoncer des portes ouvertes, vous avez manqué toute la pédagogie de mon propos. Je vais donc prendre un exemple plus réaliste car le droit d’auteur est un véritable atout pour les auteurs. Prétendre le contraire, c’est n’y avoir rien compris : j’achète une voiture de la marque Renault chez un concessionnaire. Celà me donne-t-il le droit de produire des répliques exact de la voiture que j’ai acheté et de les distribuer gratuitement ou contre rémunération ? Évidemment non. Ce que vous acheter quand vous achetez un CD de musique, c’est le droit de l’écouter dans un cadre privé, non de distribuer son contenu sur internet, même camouflé en bande-son dans un film amateur.
Que vous estimiez que l’Éducation Nationale est à la traine quand à l’enseignement qu’elle devrait prodiguer, c’est un jugement qui vous appartient. Pour ma part, j’estime qu’il s’agit surtout de bon sens et mes enfants n’ont pas besoin de cours d’économie ni de civisme pour savoir que même avec les meilleurs intentions du monde piller le travail d’autrui, se l’approprier, et l’essaimer au quatre vents n’est pas 1. correct 2. permis.
Mais il est vrai qu’à l’heure des parents démissionnaires qui attendent que les pouvoirs publics se chargent de l’éducation de leur progéniture à leur place, il n’est pas étonnant de les voir crucifier un des meilleurs systèmes de défense des artistes au monde parce que leur petit plaisir a été contrarié. Vous avez cependant trouvé la parade en commettant ce délit de contrefaçon sur un autre support. Bel exemple pour vos enfants, chapeau bas.
Salut !
C’ est amusant de voir que le domaine du graphisme a regle pas mal de cas dans ce genre la:
Il arrive souvent que nous cherchions des bouts d’image, ou des typographies particulieres que nous n’ avons pas la possibilite de faire avec nos propres moyens. ( si, par exemple, on me demande de faire une affiche pour la protection des lions d’ Afrique, je vais avoir bien du mal a aller faire la photo moi meme)
Et, en lisant votre article, je me rend compte que nous avons beaucoup de chance: en effet, sur beaucoup de sites, nous trouvons des typo, ou des images qui ne sont pas libres de droit, mais qui sont pourtant libres d’ utilisations lorsqu’ on promet d’ en faire un usage non lucratif> ( dans le cas contraire, on s’ arrange avec le createur )
ou des sites comme envato, qui proposent du contenu payant, mais qui cedent egalement les droits de reproduction
Donc, pour vos enfants, s’ ils acceptent de remanier un peu leur bande son, je vous proposerai bien freesound ( sons gratuits sous reserve d’ utilisation non commerciale ) ou audiojungle ( mais la, il faut payer un peu )
et pour embrouiller un peu le tout encore, je vais vous raconter une experience personnelle: j’ ai cree une animation il y a peu, dont on pouvait acheter le contenu. Sur la video de presentation de mon travail, sur le site qui heberge mes ventes ( et qui est quand meme pas mal connu ) j’ ai ajoute du son provenant de freesound, en precisant qu’ il n’ etait pas compris dans la vente, mais qu’ on pouvait le trouver sur le site approprie ( avec url menant directement aux sons ) . Je ne le vend pas, donc, mais c’ est presque comme si, non ? et pourtant, c’ est tout a fait legal
Bon, je ne sais pas non plus si j’ ai toutes les cartes en main, apres tout, l’ annee derniere a la meme date, j’ etais un petit etudiant qui s’ endormait pendant ses cours de gestion et de copyright, mais je trouve effectivement etrange qu’il n’ y ait pas de clauses pour l’ audiovisuel en general qui permette une utilisation de n’ importe quoi du moment qu’ on ne veut pas se remplir les poches aux dépends de quelqu’ un . Le but » non lucratif » c’ est quand meme un moyen gratuit de faire de la pub a un artiste, non ?
@Simple : vous dites vous avez manqué toute la pédagogie de mon propos… En tant que prof (quinze ans d’ancienneté), j’ai toujours dit qu’il n’y avait pas de mauvais étudiants mais seulement de mauvaises explications.
Votre propos est faussement évident et c’est justement et très précisément pour une question de pédagogie. Pourquoi est-ce que quelqu’un reçoit une amende de 20 000 dollars par morceau de musique téléchargé quand ce même morceau est martelé dans les supérettes, les autobus, les émissions de télé, contre le gré de ses auditeurs ? Pourquoi est-ce que quand Sony ou BMG mettent sans autorisation et sans payer un morceau de Chet Baker sur une compilation (qui leur rapporte de l’argent, contrairement au morceau piraté par des particuliers), le procès dure des années et se finira par un accord de trois sous ?
Rien n’est clair dans ces questions.
Il faut recommander à Simpl(iste) la lecture de l’article – très pédagogique – « Le droit d’auteur est-il une notion périmée? », publié sur Nonfiction, qui résume de façon magistrale la situation du point de vue juridique, et dont voici un extrait:
« Le droit d’auteur s’appuie sur un principe clé : il s’agit d’un droit incorporel, indépendant des supports matériels. Or il y a là un paradoxe. C’est le fait que les œuvres soient prises dans des objets matériels (livres, disques, tableaux…) qui permet de faire valoir ce droit incorporel. Aujourd’hui, grâce à la numérisation, les œuvres se libèrent des supports ; il n’est plus possible alors de protéger le droit d’auteur.
« Dit autrement, le démembrement de la propriété d’un objet – entre sa possession et le droit de propriété incorporelle qui y est attaché – fonctionnait tant qu’il était purement théorique et abstrait. Maintenant que ce démembrement peut se réaliser, la propriété incorporelle en devient impuissante. Le droit d’auteur était une construction intellectuelle pure, il devient une notion caduque.
« La numérisation fait apparaître la réalité du droit d’auteur. C’était la matérialité du support qui permettait de tenir l’œuvre et de l’affecter à un droit de propriété incorporelle. Avec l’informatique et la possibilité de copier à l’infini un fichier dans un temps infime, nul support n’est plus capable de contenir la diffusion des œuvres.
« Or plus un droit de propriété concerne quelque chose de matériel (un objet, un terrain), plus il est évident à tous et aisé à faire respecter ; a contrario, plus la chose devient intangible (comme une part sociale), plus il lui faut l’appui de la loi pour en maintenir la propriété, mais il doit toujours rester des éléments physiques pour la manifester (comme la participation à l’assemblée générale pour les détenteurs de parts sociales). Quand ces signes tangibles s’estompent, le droit qu’ils représentaient tend à perdre sa réalité aussi. C’est ce qui arrive au droit d’auteur avec la numérisation des œuvres.
« Aujourd’hui, les tribunaux sont la seule force pour faire respecter ce droit qu’aucune borne physique ne protège plus ; mais la démultiplication mondiale des copies par les réseaux rend impossible la traque des contrevenants. La propriété intellectuelle semble de plus en plus un abus de droit parce qu’elle était purement conventionnelle, que de moins en moins de personnes en acceptent la légitimité, et qu’elle tient désormais par la force contre les mœurs.
« Au résultat, dans son principe, le droit d’auteur tel qu’il a été défini depuis le 18e siècle est devenu inadéquat et peu opérant, en fait un concept périmé. »
http://www.nonfiction.fr/article-3332-p5-le_droit_dauteur_est_il_une_notion_perimee_.htm
Un autre extrait du remarquable “Le droit d’auteur est-il une notion périmée?”, publié sur Nonfiction:
« Pour les idées, la plupart étaient professeurs, précepteurs ou bien encore conseillers des grands, et tiraient leurs revenus de ces activités. Pour les hommes de lettres, comme pour les compositeurs, leur rémunération venait des représentations pour les dramaturges et les musiciens, ou alors de mécènes qui accolaient leur nom aux œuvres qu’ils parrainaient. La création en fut-elle de moindre qualité ? De toute évidence, non. »
La réponse à la question ne me semble pas si évidente. Comment parler des créations qui ne se sont pas faites ou qui auraient été différentes si les auteurs n’avaient pas dépendu du bon vouloir et des foucades de leurs mécènes ?
Il y avait un prix pour trouver un mécène. Mozart n’aurait-il pas vécu plus vieux et produit plus d’oeuvres s’il avait accepté de porter la livrée de domestique que supposait alors le mécénat musical par exemple?
http://mediatheque.cite-musique.fr/masc/?INSTANCE=CITEMUSIQUE&URL=/mediacomposite/CMDP/CMDP000000400/04.htm
Le droit d’auteur n’a pas été créé par Disney ou Universal. C’est le résultat de luttes menées par des auteurs qui ne se sentaient pas à l’aise dans le modèle ancien de production dont Guillaume De Lacoste Lareymondie semble se féliciter.
Alors je partage sa conclusion:
“Au résultat, dans son principe, le droit d’auteur tel qu’il a été défini depuis le 18e siècle est devenu inadéquat et peu opérant, en fait un concept périmé.”
mais je pense que l’on est en présence d’une régression tant du point de vue des auteurs que de la création.
@El Gato: « Le droit d’auteur n’a pas été créé par Disney ou Universal. » Voici une formule qui ne démontre guère votre connaissance de la question. Car si le droit d’auteur n’a pas été créé par Disney ou Universal, il a été depuis largement modifié par ces entreprises, à leur profit.
A sa naissance, le droit d’auteur protégeait l’oeuvre pendant une durée de 14 ans après sa création, en Angleterre, et de 5 ans après la mort de l’auteur, en France. En 1998, le congrès américain votait le Copyright Term Extension Act, plus connu sous son sobriquet de « Mickey Mouse Protection Act », ou « loi Disney », qui portait la protection légale à 70 ans après la mort d’un auteur, et dans le cas des oeuvres collectives, à 120 ans après la création.
On peut difficilement prétendre que la multiplication des durées de protection post-mortem profitent à des auteurs qui ne sont par définition plus là pour en bénéficier. Cet allongement a en revanche pour effet mécanique de grossir le porte-monnaie des sociétés de distribution, qui ne se sont jamais si bien portées.
Malgré toutes les « protections » du droit d’auteur, je ne suis pas certain que le sort d’un auteur travaillant pour Disney soit tellement plus enviable que la servitude qu’a refusé Mozart.
A vrai dire, c’est même pour cela que j’ai mentionné Disney et Universal:~)
C’est un clin d’oeil en référence aux débats sur la loi Hadopi. J’avais l’impression en lisant les interventions de l’époque que tous les auteurs étaient des multinationales qui entendaient confisquer la culture à leurs seul profit.
Le copyright et le droit d’auteur sont deux choses très différentes (comme tu ne l’ignores pas d’ailleurs :~) )
En résumé vite fait/mal fait:
Le droit d’auteur c’est:
d’une part un droit moral, immatériel, inaliénable, attaché à la personne de l’auteur, qui lui permet au nom du respect de l’oeuvre, de s’opposer à toute atteinte à son intégrité dans les rapports avec les tiers qui ne sont que les propriétaires du support matériel des oeuvres;
et d’autre part un droit patrimonial, qui lui permet de prétendre toucher une rémunération proportionnelle à l’importance de l’exploitation commerciale de son oeuvre.
Et c’est avant tout une vision philosophique. L’oeuvre est une composante de la personnalité de son auteur. Il peut en céder des reproductions, des représentations, mais l’essence même de l’oeuvre est inaliénable car c’est sa personnalité.
Le copyright, c’est l’idée que le droit d’auteur est une marchandise comme les autres, et que si on l’acquiert, on bénéficie des mêmes droits que son auteur. On se substitue à son auteur. C’est comme ça que Disney a pu déposséder les auteurs qu’il utilisait comme force de travail où dont il avait acheté les créations.
Mais est-ce parce que les américains, avec le copyright, ont transformé le droit d’auteur en une marchandise comme les autres, qu’il fallait jeter le bébé avec l’eau du bain? Il y a d’ailleurs une certaine hypocrisie à utiliser cet argument, car le phénomène que l’on constate actuellement n’a rien à voir avec les pratiques de Disney. C’est la conséquence de la révolution numérique.
Les auteurs se sont toujours battus (et même avant Internet, ça n’était pas un long fleuve tranquille) pour arriver à vivre de leur travail. Mais avec la nouvelle économie qui s’est développer autour d’Internet, il y a désormais un large consensus autour de l’idée que s’il est normal de payer ses ordinateurs et la connexion Internet, les contenus doivent être gratuits et doivent échapper à leurs auteurs tant en ce qui concerne leur exploitation commerciale que toutes les utilisations, modifications que les uns et les autres veulent leur faire subir.
Pour reprendre l’article publié sur Nonfiction que tu as cité, c’est comme si la dématérialisation de l’oeuvre (et ce même si cette dématérialisation est contraire à la volonté de l’auteur) le dépossédait définitivement de son oeuvre.
La prolongation du droit d’auteur après le décès de l’auteur est une autre affaire qui s’inscrit à l’origine dans l’histoire de l’art. C’est en particulier parce que les oeuvres des peintres maudits de la fin du XIXème dont les oeuvres se vendent aujourd’hui à des prix astronomiques sont morts de faim ou presque, qu’une partie de la société englobante a estimé qu’il y avait une réparation à leur donner au travers de leurs ayant-droits. Disney est un lobby très puissant qui a effectivement permis que la durée du copyright soit prolongé aux USA à chaque fois que les droits de Disney allaient tomber dans le domaine public, mais ça n’a rien à voir avec la négation tant du droit patrimonial que du droit moral dont Internet et ses exigences économiques sont la conséquence.
@ElGato: OK, je comprends mieux: le bon droit d’auteur (français) vs le méchant copyright (américain). Une thèse sympathique, qui fleure bon le terroir de l’exception hexagonale, et permet de maintenir, à côté du mythe de l’artiste, le pouvoir des multinationales. Une thèse que je ne partage pas, et pour expliquer pourquoi, je vais te raconter un peu ma vie.
J’ai publié mon premier bouquin à 22 ans, et j’ai vécu pendant de longues années des revenus issus de ma plume – piges, traductions, droits d’auteur… Pendant cette période, je n’ai jamais rencontré le droit moral, sauf dans les articles juridiques. Je comprends bien la notion, mais en pratique, je n’ai jamais eu l’occasion de l’appliquer. C’est dommage, puisque c’est un patrimoine national, à la différence du méchant copyright, qui comme chacun sait n’existe pas dans notre beau pays. Bon, appelle-le droit de repro si ça te fait moins mal à la glotte, perso, je n’ai jamais vu la différence, à part l’accent.
Et le droit de repro, donc, c’est bien ça qui m’a fait vivre – ou plutôt qui a fait vivre mes éditeurs. J’ai toujours été volé deux fois. La première, par le montant ridicule des droits alloués – ce qui m’a permis de comprendre, depuis bien longtemps, sur quelles bases effectives vit l’édition, qui n’est rien d’autre qu’un racket généralisé, qui s’effondrerait du jour au lendemain si on y pratiquait les coûts du travail normaux. La seconde, par l’application de l’exclusivité sans limite de temps, autrement dit la perte de mes droits de reproduire ailleurs l’oeuvre payée – quand bien même celle-ci serait épuisée. (Je sais bien que de bonnes âmes me diront: il suffit de faire un procès pour récupérer ses droits. Belle illustration du droit moral que d’avoir systématiquement à traîner son éditeur en justice pour obtenir l’application de la loi…)
Tu crois vraiment que l’allongement continu de la durée de protection est dû à la compassion pour les petits-enfants des « peintres maudits »? Moi pas. Je pense qu’il suffit de regarder l’histoire de cette courbe pour comprendre que le rôle des industriels dans cette évolution n’est pas un facteur accessoire mais au contraire sa dynamique principale. Tu peux dire ce que tu veux, lutter pour le droit d’auteur, c’est dans les faits lutter pour préserver les privilèges des éditeurs – qui, eux, ne l’ont jamais respecté. Quand les éditeurs commenceront à reverser à leurs auteurs, disons 30% du prix public plutôt que 6%, on pourra reparler sérieusement de copyright – pardon, de droit patrimonial 😉
En fait une des pistes en la matière serait de se passer de Youtube et consorts et héberger les choses chez soi. Voir à ce sujet une intéressante présentations de Eben Moglen, un des avocats du logiciel libre : http://www.softwarefreedom.org/news/2010/feb/10/highlights-eben-moglens-freedom-cloud-talk/
@Lou: Héberger en privé a toujours été possible (quoique cher), bien avant YouTube. Pour le créateur, diffuser sur YT, c’est bénéficier de l’exposition d’un carrefour d’audience; pour le lecteur, c’est la garantie de l’accès le plus large au plus grand nombre de sources, répertoriées par tags. Ce sont ces avantages que l’on perd lorsque les vidéos amateurs s’éparpillent (voir mon autre billet sur YT).
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