Le droit d'auteur en photographie, une protection en trompe l'oeil?

La défense du droit d’auteur est le fer de lance de la politique de la principale association professionnelle du paysage photographique, l’UPP. Deux affaires récentes révèlent pourtant la fragilité et les contradictions de l’application de ce monopole d’exploitation à l’industrie des images.

Michel Puech a résumé l’affaire qui oppose le photographe Stéphane Lemouton à Ségolène Royal. Après un accord verbal pour l’exploitation gracieuse de quelques photographies de la responsable socialiste dans un cadre associatif, Lemouton constate que ses images ont fait l’objet d’exploitations dérivées. Une tentative de négociation avec l’association échoue, et le photojournaliste porte plainte pour contrefaçon.

« Vous comprenez, c’est quand même ma bobine qui est sur ces autocollants! », s’exclame Ségolène Royal à l’audience, témoignant par là que, dans le cas de la photographie, la distinction entre le sujet et l’œuvre ne va pas de soi. Le journaliste Guillaume Champeau, directeur de Numérama, commente cette affaire en se demandant: «Est-il normal qu’un photographe exploite commercialement l’image d’un homme ou d’une femme politique, mais pas normal que cette personnalité politique exploite librement ces photographies dans quelques gadgets et sur les réseaux sociaux?»

Cette remarque est parfaitement invalide au regard du droit d’auteur. Mais pas du point de vue du bon sens. Dans une thèse récemment soutenue consacrée à la figure du paparazzi, Aurore Fossard a brillamment démontré l’interaction qui fait de la star et du photojournaliste deux partenaires indissociables des industries culturelles. Dans ce contexte, le photographe exploite commercialement une image à laquelle la notoriété de la personnalité photographiée confère sa valeur économique (l’image du sujet n’est protégée sur le plan juridique que par la jurisprudence du droit à l’image, mobilisable en cas d’usage abusif, mais qui ne confère aucun droit commercial).

T-shirt Les Restos du coeur d'après la photographie de Bergeret.

Révélée par Numérama, une autre assignation similaire oppose le photographe Gaston Bergeret aux Restos du coeur. Après avoir concédé gracieusement l’exploitation de son portrait de Coluche à l’association en 1985, celui-ci conteste les nombreuses exploitations dérivées effectuées sans son consentement, notamment celles qui altèrent l’œuvre. Là encore, c’est l’échec de la négociation qui conduit au procès.

Le droit d’auteur rend une telle démarche parfaitement légitime. Mais le débat qui accueille ces deux affaires montre un évident défaut de légitimité de cette protection théorique lorsqu’elle s’applique à la photographie. Malgré la reconnaissance culturelle du médium depuis les années 1980, il est frappant de voir ressurgir les notions les plus archaïques, celles qui voient dans la photo une simple copie du réel, ou celles qui la caractérisent comme une opération automatique. Ressortant une interview de Bergeret, Guillaume Champeau souligne: «La photo de Coluche, c’est 10 secondes». Il n’en faut pas plus pour que l’affiche des Restos se voie qualifiée sur Twitter de «Photomaton».

Bergeret est un excellent photographe, et le fait d’avoir réalisé la photo de Coluche dans un intervalle si bref est plutôt la preuve de son talent de portraitiste, confirmé par le succès d’une image devenue icône. Mais ce constat ne suffit nullement à clore le débat, car c’est en réalité jusque dans les rangs de l’UPP que l’application du droit d’auteur à la photographie fait problème.

Dans le « Manifeste pour les photographes » publié par l’association figure la proposition révélatrice d’une « présomption d’originalité des œuvres utilisées à des fins professionnelles ».  En droit français, l’originalité est le graal qui permet d’accorder le statut d’œuvre protégée à une production intellectuelle. Mais la loi a mis dans les mains du juge l’appréciation au cas par cas de ce critère. Comme le note l’UPP, «la protection des œuvres photographiques continue à faire l’objet de contestations par les juges». Réclamée par les professionnels, la réponse par la présomption d’originalité, autrement dit l’application forcée du critère d’originalité à toute production exploitée commercialement, montre que la photographie n’a pas réussi à établir sa légitimité créative par la seule qualité de ses productions.

Mises en rapport avec la défense bec et ongles du monopole d’exploitation par la profession, les démarches procédurales récentes des photographes pour faire respecter leurs droits les placent dans le débat public en position d’accusés plutôt que de victimes. Cette inversion paradoxale questionne le statut culturel de la photographie, mais aussi l’inadaptation d’un outil juridique à l’industrialisation galopante des images. Dans les deux cas évoqués, le droit d’auteur est utilisé pour maîtriser ou contester, non pas l’exploitation originellement concédée, mais la multiplication incontrôlée de produits dérivés.

Une image devenue icône se transforme en objet public, et n’appartient plus à son créateur. Il paraît vain de vouloir s’opposer à des usages citationnels constitutifs de son empreinte culturelle. En revanche, la rétribution de ces exploitations reste légitime. La forme de violence que manifeste un procès est le témoignage d’une inadaptation, qui est ici moins juridique que professionnelle: la kyrielle de ces exploitations secondes est par exemple parfaitement gérée dans le domaine du cinéma – au prix de lourds investissements dans leur accompagnement juridique.

Un tel encadrement fait encore visiblement défaut en photographie. L’autorité supposée du droit d’auteur est-elle pour quelque chose dans l’échec de négociations visiblement menées de manière trop hâtive? Aurait-on pu voir les choses différemment dans une économie du copyright? Il paraît en tout cas insuffisant de se retrancher derrière l’autorité d’un droit auquel même les professionnels ne croient qu’à moitié. Bien d’autres questions doivent être posées, à commencer par celle de l’absence d’une culture photographique et artistique du grand public. Le cinéma l’a compris depuis longtemps: un commerce profitable est d’abord une culture partagée.

65 réflexions au sujet de « Le droit d'auteur en photographie, une protection en trompe l'oeil? »

  1. Bonjour
    D’accord pour l’essentiel avec votre analyse.
    Vous concluez par « Bien d’autres questions doivent être posées, à commencer par celle de l’absence d’une culture photographique et artistique du grand public » : 1000 fois d’accord. Mais par quel bout prendre le problème ???
    Tant que l’Education Nationale, notamment, ne prendra pas à bras le corps la question de l’éducation à l’image des jeunes, dès leur plus jeune age, on n’avancera pas… Et on continuera à se retrouver avec des adultes – et pas seulement ceux classifiés « grand public » !!! – qui ne comprennent rien ou pas grand chose à la photo, alors qu’ils en sont submergés, et que pour la plupart ils l’utilisent quotidiennement…

  2. @ Lebioda Denis: « Mais par quel bout prendre le problème? » Votre réponse par le levier de l’éducation nationale est typique de notre culture jacobine. Ce n’est pourtant pas celui choisi par l’industrie hollywoodienne au début du XXe siècle pour rendre le cinéma désirable. Cet exemple montre que les problématiques d’éducation à l’image sont des questions qui peuvent être prises en charge par les professionnels, en particulier leurs organismes représentatifs. Cette préoccupation n’est malheureusement pas très présente dans les déclarations de l’UPP (« Aujourd’hui, la priorité est de redonner une valeur économique équitable et raisonnée à la photographie par une législation et par des pratiques contractuelles qui soient conformes aux besoins des auteurs photographes »).

  3. Pour ma part, je préfère voir confier à l’Education nationale « l’éducation » et la « formation » de nos jeunes (même si c’est loin d’être parfait, et même si ça ne doit pas être exclusif), plutôt qu’à Hollywood, TF1, Mac Do ou je ne sais quelle main sois-disant invisible du marché. Sur ce point je revendique haut et fort, et sans complexe aucun, le qualificatif de « Jacobin ».

    En ce qui concerne la comparaison avec le cinéma et Hollywood, je ne suis pas certain que l’éducation à l’image et au cinéma à la sauce anglo-saxonne soit ce que le monde du cinéma ait fait de mieux. Chacun ses goûts. Les miens en matière de cinéma seraient plus européens ! Notre « exception culturelle » si facilement vilipendée par les tenants du libéralisme me semble plus que jamais une précieuse exception à préserver sans hésitation.

    Quand à votre remarque sur les priorités actuelles de l’UPP, je la partage. Cela confirme ce que j’écris : il ne peut y avoir de valeur économique reconnue, et de droits d’auteurs respectés, sans une reconnaissance de la valeur de la photographie, ce qui passe forcément par une formation / éducation / sensibilisation des publics…

  4. Les auteurs ont toujours du se défendre, c’est d’ailleurs pour cela que les droits d’auteur ont été inventé à l’origine.

    Le « bon sens » est une notion qui a fait couleur beaucoup d’encre en sociologie et depuis son origine, le droit d’auteur va à l’encontre du « bon sens »…

    Ce qui me frappe dans ces deux affaires, c’est que l’on est dans une contestation du droit d’auteur à l’ancienne. 🙂

    L’industriel qui ne comprenait pas pourquoi il devrait demander son autorisation au peintre dont il avait acheté le tableau pour pouvoir reproduire l’image de ce tableau sur ses produits, était convaincu qu’il ne faisait qu’exprimer le bon sens. Et il comprenait encore moins qu’il aurait le cas échéant à payer de nouveau le peintre. Tout comme le patron de guinguette qui ne comprenait pas pourquoi il aurait du payer à un compositeur la musique dont il avait acheté la partition s’il la faisait jouer par son orchestre.

    La photo de Coluche, c’est 10 », c’est la même chose que « ce n’est qu’un croquis » ou « ce n’est que de la variété ». Du bon sens.

    Et même si je partage totalement la thèse d’Aurore Fossard sur l’interaction qui fait de la star et du photojournaliste deux partenaires indissociables des industries culturelles, ça ne règle pas le problème de la valeur économique du travail du photographe et de son mode de rémunération.
    La position de Ségolène Royale, assez étonnante vu ses études et que j’aurais tendance à soupçonner de mauvaise foi, me rappelle une discussion, il y a de nombreuses années, avec la PDG de Fuji qui se plaignait de ce que les photographes lui facturent des droits d’auteur. Elle nous a expliqué, en toute bonne foi, que Fuji et les photographes étaient des partenaires indissociables dans la création d’une image.

  5. @ Thierry Dehesdin: Tu peux ironiser comme tu veux sur le bon sens, mais si le DA marchait bien, l’UPP n’aurait pas besoin de réclamer une présomption d’originalité. J’explique ci-dessus que les « 10 secondes », c’est un retour à une conception archaïque du médium (accessoirement, je signale que l’argumentation courante des professionnels consistant à expliquer que la photo n’est pas à la portée du premier venu et nécessite un bagage de connaissances va strictement dans le même sens…). Ce qui m’intéresse en tant qu’historien, c’est de savoir comment on en arrive là, et pourquoi le DA ne fonctionne pas comme une protection à l’endroit de la photo.

    C’est encore le camarade Frozen Piglet qui l’explique le mieux: le DA marche 1) « Pour les photographes qui ont un nom (et un avocat ou même plusieurs) » 2) quand « Les diffuseurs ont bien trop peur de se faire assigner et prendre cher ». Traduction libre: le monopole ne peut être revendiqué que quand le producteur est en position de force. Dans les autres cas, quand pour une raison ou pour une autre celui qui serait supposé s’y soumettre peut penser qu’il ne sera pas mis en application, son autorité s’effondre.

    Le point intéressant des exemples ci-dessus, c’est le moment où les associations ne répondent pas aux demandes formulées par les auteurs. Cette réaction peut s’expliquer par la combinaison de deux facteurs: 1) une demande mal formulée parce qu’exprimée seulement sous la forme d’une mise en demeure, de la part du demandeur, 2) une présomption de non-application du droit dans le cas d’espèce, de la part du destinataire. Ce n’est pas un problème de grand principes, mais au contraire une vision très pragmatique de la contrainte juridique qui se manifeste ici.

    Je remarque également que ces actions en justice correspondent à des remords a posteriori sur des exploitations non initialement prévues. L’industrie du cinéma (et ses cabinets d’avocats) montre dans quelles conditions le DA fonctionne correctement: en prévoyant dès le départ l’ensemble des exploitations ultérieures, qui font l’objet d’une négociation et d’une contractualisation a priori (il y a aussi des procès au cinéma, bien sûr, mais globalement, la préparation juridique en amont et la puissance de feu des majors sont suffisants pour assurer l’autorité du monopole).

  6. Désolé pour l’ironie, mais c’était trop tentant… Je n’ai pu retenir El Gato.

    Le droit d’auteur fonctionnait très bien pour les images d’archives, parce qu’il était nécessaire au fonctionnement économique de ce secteur, beaucoup plus mal pour la commande, et c’est d’ailleurs pour cette raison que les auteurs ont voulu mettre en place une « SACEM de l’image ».

    Si le droit d’auteur a été inventé, c’est bien parce que les auteurs n’étaient pas en position de force. Les entreprises genre Disney ou les studios d’Hollywood sont un cas à part parce qu’elles ont la puissance économique qui leur permettrait d’être en position de force sans le doit d’auteur. Celui ci ne fait que renforcer leur position de domination.

    Pour les autres, le recours au procès ne me semble pas l’indice que le droit d’auteur ne fonctionne pas. Pas plus que le recours aux prud’hommes serait l’indice que le droit social ne fonctionne pas. Au contraire, on voit bien par exemple que le droit d’auteur ne fonctionne plus pour la musique par exemple, parce que celle ci est massivement copiée illégalement et qu’il n’y a pas de procès.
    Et dans ces deux exemples à l’origine de ton billet, on est en présence de situations tout à fait classique. On pourrait être en 1980. Ce sera intéressant de lire les attendus du jugement.

  7. Le cinéma… un commerce profitable, où « toutes » consommations se payent. Effectivement !
    Le cinéma l’a compris depuis longtemps: les contrats tellement complexes, nombreux et détaillés, se concluent avant production, entre avocats des diverses parties.
    Respects.

  8. Modeste galeriste, spécialisée en photographie, et ancienne professionnelle de l’édition, je me permets d’apporter quelques témoignages concernant la difficulté de travailler avec les adeptes des positions peu pragmatiques de l’UPP et avec des auteurs célèbres.
    Le DA est une notion récente. Aussi de nombreuses photographies, objets de commandes des années 50, 60 ou 70 n’ont-elles fait l’objet d’aucun contrat originel. Devenu célèbre des années après un reportage commandité oralement, un photographe internationalement connu m’a accordé un rendez-vous après 1 an de supplications, pour que nous négocions l’utilisation de ces photos qu’il avait oubliées. Premier geste : saisissant un 24×36 original, il l’a détruit devant mes yeux expliquant que c’était SON image. L’autorisation ou l’interdiction d’utiliser cette photo lui appartenait certes, mais le support physique ? En tout cas, cet homme s’arroge le droit des puissants. Ce même photographe vend des tirages de certaines de ses photos à plus de 6000 €, sans les numéroter car « à l’époque de la prise de vue, cela ne se faisait pas » (sic). Je pose donc la question : est-ce le droit d’auteur qui le protège et le nourrit ou sa seule notoriété ?
    Les tenants des positions de l’UPP qui souhaite défendre les auteurs dont les droits patrimoniaux ont si souvent été bafoués, ne se rendent pas compte pour leur part qu’ils se tirent une balle dans le pied. Dans la galerie que j’ai créée, les auteurs, professionnels et amateurs, signent un contrat préalable à toute exposition. Selon mes critères, une « bonne photo » n’est pas le seul apanage des professionnels. Craignant de ne pas être reconnus comme de « vrais » professionnels au sens de l’UPP et « par conséquent » que leurs droits soient mis à mal, il arrive que des photographes préfèrent ne pas exposer du tout plutôt que de signer un contrat. Il en est qui refusent catégoriquement que leurs photos puissent être envoyées à la presse à des fins de promotion d’une expo collective dont ils sont, craignant que leur nom ne soit pas cité par le journaliste ! Pourquoi l »UPP leur souffle-t-elle de telles idioties ? S’ils veulent être connus et reconnus, ils ne peuvent procéder autrement. Encore une fois, le pouvoir n’est pas forcément l’ami du droit, mais le pragmatisme est le copain de la notoriété…
    Enfin pour ce qui est de l’éducation à la lecture de l’image, faire appel à l’Education nationale (déjà bien surchargée de sujets diverses et variés) me semble peu efficient. Encore qu’en Histoire, les analyses de documents (notamment photographiques) sont une excellente introduction à la sémiologie de l’image. Pour ma part, mon métier m’offre le privilège et le plaisir de dialoguer avec le public à propos des photos exposées et d’organiser des conférences-débats sur des sujets de culture photographique, sans sacraliser cet art, par un langage abscons et pompeux. La passion est contagieuse : certaines personnes reviennent régulièrement, ne serait-ce que pour parler de photographie, sans crainte d’être jugés acculturés. Et si les galeristes arrêtaient de se croire seuls détenteurs du savoir, s’ils accueillaient le public, la « vie photographique » ne serait-elle pas plus agréable ?

  9. @Isabelle
    Le cirque que vous a fait le photographe qui a brûlé une dia sous vos yeux était puéril. Maintenant vu le nombre d’images que j’ai découpé, déchiré, jeté et plus récemment effacé, je devrais être le maître du monde si c’était « le droit des puissants ». Et oui dès lors que le support physique n’a pas été vendu en tant que tel, les auteurs ont le droit de le détruire. Dieu merci…

    Le droit d’auteur est ancien. Ce qui est récent c’est la définition de l »oeuvre originale en photographie. Le tirage, l’objet matériel que vous vendez dans votre galerie. Au maximum 30 exemplaires signés, numérotés, tous formats confondus réalisés par l’artiste, ou exécutés sous sa direction (de mémoire).

    Pourquoi numéroter les tirages? Pour leur donner de la valeur en créant de la rareté. Pourquoi 30 et pas 10, 20 ou 50? C’est un compromis entre le trop, qui n’aurait pas permis d’atteindre l’objectif initial, et le trop peu qui inquiétait des photographes qui signaient et numérotaient à tour de bras avant cette définition. Il faut ajouter que pour que cette définition puisse être dans la loi, il fallait également qu’elle rassure les services fiscaux (la TVA sur les œuvres originales a un taux réduit), ce qui n’aurait pas été le cas avec des centaines ou des milliers d’exemplaires.
    Cette définition est directement inspirée de ce qui se pratique dans les arts graphiques pour la litho ou la sculpture (bronzes). Mais à l’origine dans ces arts, il y avait des raisons techniques, un plâtre s’use par exemple. A l’époque j’étais assez réticent, parce que j’avais l’impression que l’on essayait de plaquer sur la photographie quelque chose qui lui était étranger.
    Ce n’est plus le cas aujourd’hui (je ne suis plus réticent :-)). Lorsque je voie toutes les entreprises qui vendent des tirages photographiques en édition dite limitée (YellowKorner, Photobay etc.), marché qui n’existait pas à l’époque, je pense que c’est plutôt une bonne chose.
    Est-ce que cela va donner par magie de la valeur à l’oeuvre d’un inconnu? Bien sur que non. Est-ce que cela en enlève aux tirages anciens, non numérotés, d’auteurs reconnus? Bien sur que non si l’on peut reconstituer l’histoire du tirage, si l’on a d’autres moyens que la signature ou le numéro d’établir son originalité.
    Est-ce que cela marche? C’est à vous de nous le dire. J’ai quand même le sentiment que sur un marché qui est en train de démarrer, ça introduit un peu d’ordre et devrait limiter les scandales à venir. C’est une protection du client final qui est nécessaire pour que le marché se développe.

    Je n’ai pas adhéré à l’UPP, ma dernière organisation professionnelle a été l’UPC. Mais bon un grand nombre des adhérents de l’UPP est venu de l’UPC. Je n’imagine pas que ce soit l’UPP qui souffle à vos photographes ces comportements et ces idées. L’UPP organise des expositions collectives, et toute l’histoire des organisations professionnelles participe de la volonté d’imposer des contrats aux clients qui soient plus favorables que ceux que les clients essaient de leur imposer ou que l’absence de contrat qui conduit souvent au procès. Les photographes ont souvent une forte personnalité. Mais un photographe, ce n’est pas les photographes. Si un auteur refuse de numéroter ses œuvres conformément à la définition de l’oeuvre originale en photographie, c’est son droit le plus strict. Son tirage n’est pas une oeuvre originale du point de vue de la législation française(tva à 19,60%) mais si c’est une façon de questionner le medium pour reprendre une discussion sur un autre fil…
    C’est de sa responsabilité et vous n’êtes pas obligé de le vendre dans votre galerie. D’ailleurs ce n’est pas mon affaire mais plus généralement, ne travaillez pas avec des auteurs dont la personnalité vous déplaît. 🙂

  10. @ Isabelle Raoul-Chassaing: Merci beaucoup pour votre témoignage!

    L’application d’un monopole d’exploitation, appelé droit d’auteur, aux œuvres littéraires, est un symptôme majeur de l’industrialisation du domaine de l’édition à la fin du XVIIIe siècle. Comme aujourd’hui avec l’exception culturelle, les producteurs culturels sont les mieux placés pour diffuser une légende aux allures de fable morale, dont l’efficacité peut être mesurée à l’enthousiasme du public non spécialisé à la défendre. Mais cette mythologie n’a que peu de rapport avec la mécanique des rapports commerciaux que ce droit a pour fonction de gérer.

    Tout monopole contredit le marché. Comme autrefois le privilège royal, son édiction est par définition le fait d’une puissance. Parce qu’il s’oppose aux logiques élémentaires du commerce, un monopole n’est économiquement acceptable que s’il est strictement encadré. Le brevet, autre manifestation de la propriété intellectuelle, est resté contraint par une durée d’extinction généralement de l’ordre de 20 ou 25 ans après publication. Dans les domaines industriels, il apparaît clairement qu’une durée plus longue serait préjudiciable aux intérêts de l’ensemble des acteurs économiques.

    Les régulations du droit d’auteur, en revanche, ont considérablement dévié depuis ses origines légales, sous la pression des lobbies éditoriaux, seuls acteurs économiques du champ culturel. Un droit qui s’étend en moyenne plus longtemps après le décès de son titulaire (70 ans après la mort, en attendant d’autres prorogations) qu’avant est un droit qui n’a manifestement plus grand chose à voir avec la protection de l’auteur, mais beaucoup avec celle des intérêts économiques de ses éditeurs (détenteurs en pratique de droits qui n’existent qu’à partir du moment où ils sont cédés).

    Je suis personnellement tout à fait opposé à l’idée même d’un monopole d’exploitation en matière culturelle, à plus forte raison maquillé en « propriété intellectuelle », qui encourage l’auteur à penser qu’il serait le « propriétaire » de son œuvre (comme votre photographe…). J’entends d’ici les cris de Thierry Dehesdin. Il est vrai que ma conception des dynamiques culturelles n’a rien à voir avec leur représentation communément admise.

    Le producteur culturel n’est pas un producteur marchand comme les autres. Il a besoin de l’espace public comme le poisson de l’eau. Dans cet espace, son œuvre ne peut exister en l’absence d’une dynamique d’appropriation, constitutive de sa réception et qui modifie sa signification. En d’autres termes, un producteur culturel est profondément dépendant de sa « clientèle », qui ne fait pas disparaître le bien en le consommant, mais participe au contraire à sa diffusion et à sa consécration par son appropriation. En confiant son œuvre à l’espace public, un producteur culturel en perd immédiatement la propriété exclusive, qu’il partage nécessairement avec son public.

    Par rapport à ce qui constitue la réalité des dynamiques culturelles, la vision de petit propriétaire que promeut le droit d’auteur est illusoire et délétère. Fondamentalement liée à la circulation non marchande des idées, qu’un heureux réflexe a préservé du joug de la propriété intellectuelle, la production scientifique (qui n’a rien à envier à celle des industries culturelles, avec des moyens pourtant bien inférieurs) apporte une preuve éclatante de l’inutilité du monopole d’exploitation comme incitation à la création. A l’inverse, il faut bien mesurer que le droit d’auteur, qui devrait plutôt être renommé « droit d’éditeur », est la principale cause historique de la mutation de notre univers culturel, devenu essentiellement marchand et industriel.

  11. @ André Gunthert : De ce qui précède, doit on déduire que vous êtes un tenant du libre de droit, des creatives commons ? Et si oui, ce qui peut évidemment se défendre et se comprendre, quel modèle économique proposez vous pour assurer une rémunération correcte des auteurs ? Les exemples que vous citez en regard de l’industrie ou de la recherche scientifique sont intéressants, mais ne fonctionnent que parce qu’ils sont adossés à un modèle économique viable (les services RD des grandes entreprises qui les financent via les bénéfices qu’elles retirent sur les produits qu’elles vendent, les laboratoires de recherche scientifique pour partie financés par l’argent du contribuable…) Qu’en est-il – ou que pourrait-il en être – en ce qui concerne le monde de la photographie ?

  12. @ Lebioda Denis: « vous êtes un tenant du libre de droit » C’est en effet la traduction que j’observe, dans certains milieux photographiques, de mes réflexions historiques… 😉 Je ne suis le tenant de rien du tout: il ne vous aura pas échappé que je n’ai aucun intérêt économique dans le domaine de la photo…

    Le problème qui se pose à mon avis aux acteurs de type Frozen Piglet (figure anonyme, et donc exemplaire, du photographe professionnel indépendant) n’a, comme il le reconnaît lui-même, rien à voir avec le droit d’auteur. La question est plutôt celle de la préservation d’un modèle artisanal dans le domaine photographique. Il m’a été donné de participer cette année au jury du concours d’entrée de l’école Louis Lumière, et j’ai pu constater par moi-même la force du statut d’indépendant, qui est à l’évidence ce que recherchent les jeunes qui se destinent à cette profession.

    Ce qui arrive au monde de la photographie est fondamentalement une accélération brutale de son industrialisation. Explosion des banques d’images, rationalisations et fusions d’agences, mais aussi changement des habitudes de consommation des images, par l’intermédiaire de bases de données, sont autant de symptômes de cette évolution où la numérisation a joué un rôle essentiel, en fluidifiant les circulations de la matière première – l’image – et en abaissant ses coûts de gestion.

    La photographie a maintenu une activité artisanale significative bien plus longtemps que d’autres domaines. Préserver le statut d’indépendant dans un contexte d’industrialisation galopante est évidemment une gageure. Il ne s’agit pas d’une problématique propre à la photographie. Ce qu’on peut constater, c’est que chaque fois que ce processus touche un domaine, le modèle artisanal ne réussit à se maintenir que dans la production de luxe (p. ex. la haute couture), ce qui est parfaitement logique d’un point de vue économique.

    Pas plus qu’un autre, je n’ai de solution pratique face à cette évolution (et si j’en avais, je la vendrais cher… ;). Mais je ne crois pas que les choix de l’UPP dans ce contexte soient les bons, et le combat pour le droit d’auteur me paraît un exemple-type du trompe l’oeil. Comme le montre l’exemple du cinéma, l’investissement de l’outil juridique est une charge lourde, guère adaptée au statut d’indépendant. Faire croire aux photographes indépendants qu’on les sauvera grâce au monopole est un leurre de même nature que la tentative de préserver les revenus de l’industrie du disque par la mise hors-la-loi de la copie privée.

  13. @André
    Ton propos appelle une réponse argumentée que je n’ai pas le temps de faire pour l’instant…
    Vite fait:

    Le droit d’auteur à son origine s’inscrit dans deux idées me semble-t-il.
    La propriété immatérielle des œuvres de l’esprit suppose un régime différent de la propriété des objets matériels. On peut céder séparément la propriété matériel de l’objet, peinture ou tirage photo par exemple et celle des reproductions qui sont susceptibles d’en être faites. Et alors qu’une maison ou un tableau peut être transféré à l’infini de successions en succession, le droit patrimonial tombe dans le domaine public au bout d’un certain nombre d’années.

    L’auteur a besoin d’une protection spécifique. Le législateur a décidé d’encadrer le marché par des règles, parce que dans la relation auteur/acquéreur des droits intellectuels, l’auteur est généralement en position de faiblesse. (C’est la lecture que je fais du billet de Frozen Piglet :-)). Les associations professionnelles des auteurs se battent pour faire appliquer des lois destinés à protéger les auteurs dans cette relation économique dans cette relation généralement en défaveur des auteurs « artisans ». Et parfois leurs intérêts coïncident avec ceux des industries culturelles (Disney et la prolongation de la durée avant extinction de la propriété intelectuelle), et parfois non.
    Pendant longtemps ces idées étaient plutôt bien acceptées par la société englobante (dont les législateurs sont un reflet).

    Avec la dématérialisation et la circulation des œuvres, l’idéologie dominante a changé. Sans doute parce que avant la diffusion d’une image se faisait quasi exclusivement au travers d’un nombre réduit d’acteurs, tous professionnels, même si le destinataire final c’était le grand public.
    Aujourd’hui au travers des phénomènes d’appropriation et surtout l’apparition d’un nouveau système où il n’y a plus à proprement parler besoin de diffuseurs au sens économique du terme, mais ou tout le monde est devenu diffuseur de ses œuvres et de celles des autres, l’idée que des œuvres immatérielles puissent avoir un coût est devenue insupportable à un grand nombre d’acteurs économiques ou non. Et il n’y a plus que la propriété matérielle qui se voit reconnaître une valeur économique.

  14. André, merci pour le lien, c’est une lecture passionnante.

    La conclusion sur la dénonciation des monopoles me semble tomber comme un cheveu sur la soupe, mais m’a permis je crois de mieux comprendre ta dénonciation du monopole.

    Mais c’est justement la différence entre le copyright anglo-saxon qui fait des droits liés aux œuvres immatérielles une marchandise qui s’échange et qui se vend et permet la constitution de quelques monopoles culturels, alors que le droit d’auteur laisse in fine cette propriété tant morale que patrimoniale aux auteurs.

    Et si ça fonctionne mal, il me semble qu’il faudrait au contraire renforcer juridiquement la position des auteurs individuels vis à vis des diffuseurs et des grandes entreprises de l’industrie culturelle, pour que la création reste la plus éclatée possible, et les créateurs les plus libres possible.

  15. @ Thierry: « renforcer juridiquement la position des auteurs individuels », c’est peu probable, car le droit d’auteur existe depuis deux siècles, et on a bien vu que ceux qui pèsent, en particulier dans la période récente, dans la révision des régulations sont les éditeurs/distributeurs (l’allongement de la durée de protection étant un thermomètre précis de cette pression). Je rappelle que le droit d’auteur concerne, selon les cas et les domaines, un montant situé entre 6 à 12% du prix de vente public – une proportion qui varie plutôt à la baisse, et qui donne une idée de l’importance réelle accordée à l’auteur dans ce système…

    Hesse montre bien que la conception d’une propriété immatérielle reste bancale et contradictoire. Elle l’est tout particulièrement si l’on considère que les idées proprement dites en sont exclues, paradoxe supplémentaire qui signifie que la protection ne porte effectivement que sur leur expression formelle. De l’immatériel, mais pas trop… En réalité, ces jeux intellectuels ne sont que des façons habiles de délimiter des parts de gâteau. Un exemple particulièrement éclairant à mes yeux sur la nature de ces définitions a été la manipulation produite par la BNF à l’occasion du programme de numérisation des œuvres orphelines, qui balançait tout simplement la propriété intellectuelle à la rivière, preuve évidente que ces outils théoriques ne sont que des moyens mobilisés dans le sens que l’on souhaite ( http://scinfolex.wordpress.com/2013/03/24/de-la-loi-sur-les-indisponibles-a-la-base-relire-la-blessure-linsulte-et-la-reaction-en-marche/ )…

    Concernant les monopoles, il faut ajouter un peu d’histoire économique. Je te recommande une lecture essentielle: Karl Polanyi, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, 1983. Idéal pour la plage… 😉

  16. Sur la question du droit d’auteur, un article paru samedi dans le Monde est intéressant :

    Plagiaire ou visionnaire ? (édition du 06.07.13)
    L’art de l’appropriation détourne surtout des images de la presse ou de la publicité. Au dam des photographes, qui portent parfois l’affaire en justice. Comment distinguer la violation du droit d’auteur de l’emprunt inspiré qui crée une nouvelle oeuvre?

  17. @ André Gunthert : Vous écrivez : « Ce qui arrive au monde de la photographie est fondamentalement une accélération brutale de son industrialisation »… Ce que vous développez à partir de cette analyse m’intéresse beaucoup. Cela me semble très pertinent sur un plan global, macro-économique, et ce serait irresponsable de la part des acteurs du monde de la photo de ne pas le prendre en compte et en tirer les conséquences.

    Par contre, et vous le constatez vous-même, le photographe reste avant tout un individuel (farouche, forcené, irréductible ?). Je pense que si le marché se globalise, s’industrialise, se mondialise, il reste encore et toujours à la base des producteurs d’images qui sont des individus agissant individuellement. Et même si dans un certain nombre de cas les machines à photographier remplacent l’homme qui photographie, on en a encore besoin de cet acte humain et individuel.

    De même que l’émergence des mastodontes du BTP (Bouygues, Vinci and family), n’a pas tué les artisans maçons, peintres, plâtriers, plombiers… cette industrialisation de la photographie ne va certainement pas tué les photographes… à condition que ceux-ci s’adaptent, et (re)deviennent d’authentique créateur d’images, faisant ce que les machines ne savent pas faire : sensibilité, création, innovation, originalité, personnalisation, etc…

  18. @Denis l’un n’empêche pas l’autre. 🙂

    La difficulté ici, c’est le droit moral. Et l’appropriation et le détournement qui sont très présents dans l’évolution actuelle de l’expression artistique ne font pas bon ménage avec le droit moral. La loi a prévu l’oeuvre de collaboration, propriété commune de différents auteurs, mais cette définition suppose l’accord des auteurs.

  19. @ Lebodia Denis: Il est curieux de voir que ceux qui réclament à l’occasion des affaires citées ci-dessus une meilleure culture photographique du grand public, fassent aussitôt preuve de si peu de culture artistique… Cet article du Monde est un marronnier périodiquement secoué par la presse depuis 1977 à propos du travail de Richard Prince, artiste aussi connu et incontestable dans le monde de l’art contemporain que Bergeret est reconnu dans celui de la photo… (voir http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2007/12/13/586-tristesse-du-readymade ) Pour un amateur d’art, les jugements à l’emporte pièce sur les rephotographies de Prince sont aussi amusants que ceux affirmant que le portrait photographique de Coluche n’est qu’une simple copie de son visage… 😉

    Concernant l’industrialisation de la photo, je ne suis pas Madame Soleil, mais on peut faire des comparaisons. Le domaine du cinéma, qui comprend bel et bien des producteurs d’images, des artistes, des auteurs, s’est industrialisé beaucoup plus vite que le monde de la photo, en raison des coûts beaucoup plus importants de production. Il n’y a donc pas de « nature » spécifique qui protègerait la création visuelle et la ferait tendre vers l’artisanat. Si la photographie est restée un univers d’indépendants, c’est principalement en raison de coûts d’investissement peu élevés. A la différence des maçons, plombiers et autres petits artisans, la photo a également pour caractéristique que le marché en direction des particuliers est très étroit (photo de mariage principalement). Travaillant surtout en business to business, le photographe dépend donc fortement de la santé des entreprises qui l’emploient. C’est cette relation qu’il faudrait analyser d’un peu plus près si l’on voulait améliorer l’économie de la profession.

  20. Coût qui c’est considérablement réduit avec le passage au numérique.
    Et l’apparition d’un nouveau marché économique qui est devenu beaucoup plus important que le BTB, mais qui suppose la quasi-gratuité des contenus.

  21. « Coût qui c’est considérablement réduit avec le passage au numérique » Pas d’accord si tu tiens compte de l’obsolescence rapide et du rythme de renouvellement des équipements, qui s’étend désormais aux ordinateurs, logiciels de post-traitement, etc…

    « Quasi-gratuité des contenus… » Si l’on parle des banques d’images, ce n’est pas une nouveauté. Celles-ci sont une idée aussi vieille que la photo, puisque c’est Talbot, l’inventeur du procédé négatif-positif, qui en propose le modèle. Dès le départ, un fonctionnement de stockphoto n’est rentable qu’en abaissant le coût unitaire de l’image, et suppose une rationalisation de la gestion. On lira avec profit la thèse d’Estelle Blaschke, qui montre comment l’ancêtre de la collection Corbis, l’archive Bettmann, est créé dans les années 1930 grâce au 24 x 36, qui permet d’accélérer la copie, …et au piratage des droits de reproduction! L’essor de la stockphoto était donc parfaitement prévisible, dès lors qu’on voyait venir la numérisation. De manière générale, ceux qui pleurnichent aujourd’hui sur Fotolia ont fait preuve d’une absence totale d’anticipation, ou pire: d’un réflexe de l’autruche pour refuser ou reculer le plus longtemps possible toute forme d’adaptation, en se berçant d’illusions et d’odeur de révélateur… Cette attitude a fait plus de mal à la photographie indépendante que tous ses nouveaux concurrents…

  22. André tu ne considères que le coût du matériel de prises de vue. Ni celui du labo, ni celui du matériel d’éclairage qui n’est plus nécessaire aujourd’hui que pour le travail en studio, alors que lorsque la couleur s’est généralisée il était quasi indispensable pour toutes les prises de vue en intérieur.

  23. Dans les années 80, les banques d’images fonctionnaient très bien avec le droit d’auteur. En fait c’était même nécessaire à tout l’écosystème des photos d’archive.

    Leur commercialisation passait essentiellement par des photothèques qui avaient des frais fixes élevés pour stocker, reproduire, commercialiser les images. Et plus elles avaient d’images, plus leurs frais fixes étaient élevés, mais plus elles étaient susceptibles de répondre aux demandes de leurs clients.
    Proportionner le coût de l’image à l’importance de sa diffusion semblait à tous les acteurs concernés économiquement « juste ». Les photothèques se plaignaient de leurs frais fixes, les photographes du pourcentage prélevé par les photothèques sur les ventes, mais on était là dans une relation économique normale. Lorsque exceptionnellement des « amateurs » contribuaient à ces photothèques, ils entraient dans le système. Pour que leurs photos soient intégrées à une photothèque, il fallait qu’ils aient une réelle expertise photographique parce qu’aucune photothèque n’allait ouvrir un compte pour un photographe qui n’aurait que quelques images intéressantes commercialement pour des raisons de coûts de gestion. Pour les clients, le système était transparent parce qu’il permettait de donner une valeur économique au coût de reproduction d’une photo existante. Et que ce coût soit proportionnel à son utilisation s’inscrivait dans une logique économique à la fois compréhensible et perçue comme « juste ». Payer plus cher une photo destinée à une campagne d’affichage en 4×3 m qu’une photo destinée à illustrer un rapport annuel, relevait du « bon sens » pour le client, ne serait ce que parce que son coût était proportionnel au coût global de son investissement.
    Avec les photos d’archives, on était dans un système économique vertueux (du point de vue du photographe) parce que l’économie du droit d’auteur était conforme à ce dont tous les acteurs de ce marché avait besoin.

  24. Ce que tu décris, c’est le système des photothèques en général. Dans ce contexte, le droit d’auteur est un principe intéressant pour fidéliser le producteur, ce qui abaisse les coûts de gestion. Ta description montre justement que cet équilibre va forcément se modifier à partir du moment où la numérisation réduit les coûts de gestion…

  25. Il y a en fait deux facteurs:
    Le droit d’auteur comme mode de financement de la propriété immatérielle.
    La rémunération des différents intervenants de la chaîne.

    Pour pouvoir vendre une propriété immatérielle à différents acteurs économiques pour différents usages, le droit d’auteur est à ce jour le plus fonctionnel.

    Dans un marché BTB, tous les acteurs ont des coûts incompressibles. Et il y a une production de plus-value sur les différents coûts tout au long de la chaîne. Le créateur a besoin de renouveler sa force de travail et de financer ses coûts de production et les différents acteurs de la chaîne sont dans la même logique économique. Il y a une relative proportionnalité entre les coûts de chacun des acteurs. C’est un écosystème relativement équilibré.

    Cet équilibre c’est aujourd’hui rompu au moins sur deux points:
    Le créateur n’est plus nécessairement un professionnel. Il peut chercher à tirer une plus-value symbolique et non plus économique de ses œuvre.
    Le diffuseur a vu ses coûts de gestion réduits dans de telles proportions qu’il peut commercialiser les œuvres a des coûts sans rapports avec les coûts de production du créateur.

  26. La concurrence par les non-professionnels, je n’y crois pas, qu’on me la montre! Facebook ne concurrence pas le service photo de l’AFP. Ou bien l’amateur s’arrange avec le symbolique, et il n’y a pas concurrence, ou bien il est rémunéré, et ce n’est plus un amateur (à la limite un précaire). Je regarde toute la journée des supports édités, et je ne vois pas de modification des sources, qui restent pour l’essentiel professionnelles. Ce ne sont pas 3 photos par-ci par là qui changent l’économie du système. Si Mediapart se débrouille pour bricoler ses images, c’est qu’ils n’ont tout simplement pas les moyens de le réaliser dans des conditions professionnelles. C’est un problème de santé économique, pas de « concurrence des amateurs » (les journalistes de Mediapart sont bien des salariés de Mediapart, pas des journalistes amateurs). Je comprends que c’est énervant pour des photographes pro de voir que leur compétence fait partie des variables d’ajustement, mais on pourrait parler de la même façon des iconographes, du secrétariat, des envoyés spéciaux, etc.: il est clair qu’il ne s’agit pas d’un problème propre à la photo. La réduction des personnels administratifs à l’université et le report de ces tâches sur le personnel enseignant n’a jamais été assimilé à une « concurrence des amateurs »…

  27. Quid des chaînes d’infos en continu recourent (et même encouragent en diffusant des appels réguliers) à l’envoi d’images amateurs ?

    Témoins BFMTV, pour ne citer que cet exemple, a été carrément érigé en marque par la chaîne alors qu’il s’agissait au départ surtout de contenus destinés au « deuxième écran ».

  28. Une véritable étude manque, mais serait probablement quasiment impossible à réaliser.
    Tu regardes la presse je suppose. Pas les catalogues de voyage, rapports annuels, presse professionnelle etc. De mon petit poste d’observation, en volume, il y a beaucoup moins de commande qu’auparavant.

    J’aime bien ces témoignages:
    http://www.blog-gagnant.com/comment-gagner-de-largent-sur-internet-en-prenant-des-photos
    http://jbavril.blog.lemonde.fr/2008/06/15/fotolia/

    Ce dernier témoignage est intéressant aussi parce qu’il montre que les autres acteurs de la chaîne professionnelle seront, selon la nature de la commande, les bénéficiaires ou les victimes du nouvel ordre.

    De façon purement intuitive, je pense que Fotolia est un bon exemple d’industrialisation de la photographie. Ils ont des photos qui supposent un processus de production très professionnel, réalisées je suppose dans des pays à bas coûts. La différence avec le textile, c’est qu’ici les producteurs des pays en voie de développement sont concurrencés par les amateurs des pays industrialisés qui permettent de constituer des stocks énormes et de faire pression sur les prix des pays en voie de développement (et bien entendu qu’en raison de la dématérialisation des échanges, il n’y a ni frais ni délais de transports).

  29. « Pas les catalogues de voyage, rapports annuels, presse professionnelle etc. » Si bien sûr! Et bien sûr que ces publications s’illustrent en stockphoto: c’est donc une source professionnelle, pas une source amateur, et la question est bien celle de l’option industrielle vs l’option artisanale…

    Ta petite histoire, je l’avais déjà lue aussi (source ici). L’inconnu contacté pour un plan média « énorme » par une agence de pub parisienne… (Fallait vraiment qu’elle soit bonne, sa photo!) Le client qui, comme par hasard, inspecte Fotolia… Et patatras, la morale: si tu publies sur Fotolia, tu fais s’évanouir un plan de près de 10.000 euros, bien fait pour toi! Franchement, elle est un peu trop belle pour être vraie… En tout cas, moi je n’ai jamais vu la tof en question… 😉 Le mythe marche comme ça, à coup d’histoires-épouvantails, ça a l’air de convenir à tout le monde… Il est certain qu’avec ce niveau d’analyse, la photo pro est bien partie pour s’en sortir…

  30. Je l’aime bien cette histoire, parce que l’on est dans le même fantasme qu’avec le lien précédent (devenez riche en prenant des photos). Je viens de la trouver en faisant une recherche suite à ton intervention, mais je suppose que j’aurais pu en trouver beaucoup d’autres.
    Même dans les années 80, des pros qui vendaient des droits pour une campagne nationale d’affichage en 4×3, ça n’arrivait pas souvent. L’ordinaire, c’était des photos qui devraient être payées entre 350 et 1000 euros selon les utilisations si le marché n’avait pas été transformé, et dont une partie est payée aujourd’hui entre 1 et 3 euros sur Fotolia. (Mais il est vrai qu’il nous manque une étude pour savoir ce que cela représente en terme de marché.)

    P.S. Je suis également convaincu que la photo pro est mal partie pour s’en sortir, mais j’ajouterai, quelque soit le niveau d’analyse. La photographie professionnelle étant définie comme une activité économique permettant à ceux qui s’y livrent d’en dégager un revenu leur permettant d’en vivre.

  31. Franchement, tu peux m’indiquer une image d’amateur qui a été publiée en 4×3, cul de bus & co? Pas une histoire colportée sur des blogs, mais une vraie photo? Juste une?

  32. La question ce n’est pas amateur/pro mais achetée sur une photothèque en ligne style Fotolia pour une poignée d’euros en ce qui me concerne.
    Et non j’en n’en suis pas capable, mais je suis également incapable de te citer le nom d’un photographe qui a été exposé sur un cul de bus ces dix dernières années. On va voir si quelqu’un réagit à ta question.

    Mais ce que j’ai essayé d’expliquer, maladroitement, c’est que le cul de bus c’est la légende, hier comme aujourd’hui.

    La réalité c’est un effondrement de la valeur marchande d’une photo pour toutes sortes de raisons dont nous avons déjà débattu et dont les photothèques à coût symbolique (un euro, un dollar) ne sont qu’un des éléments, mais pas le moindre. Sur un marché économique qui n’est pas régulé par la rentabilité de l’activité, les symboles sont très importants.

  33. Thierry, crois-moi que si une telle image existait, on serait au courant… Nos petits camarades n’auraient pas manqué de la pointer du doigt! Donc si on ne connait pas cette image fantôme, c’est que la concurrence des amateurs est un mythe! Le problème, c’est que si on analyse d’emblée si mal la situation, on a très peu de chances de pouvoir y remédier…

    Une image achetée sur une photothèque, c’est un problème industriel, autrement dit le contraire d’un problème d’amateurisme. « L’effondrement de la valeur marchande », c’est un problème d’industrialisation, c’est la même chose que l’irruption du prêt à porter dans la confection, pas la peine de raconter des histoires à dormir debout! Que l’industrie pose un problème de concurrence à l’artisanat, ça n’est pas nouveau, ça peut s’analyser, et surtout, ça aurait pu s’anticiper. Maintenant, évidemment, c’est un peu tard…

    @ Yannick Pourpour: L’appel à la contribution des amateurs, Le Miroir le faisait déjà en 1914! Vous en voyez beaucoup des images d’amateurs dans la presse? Vous pensez vraiment que ça menace économiquement le reportage? J’ai déjà démonté ce mythe dans « Tous journalistes? Les attentats de Londres ou l’intrusion des amateurs« …

  34. Je viens de réaliser des images pour une grande campagne d’affichage abribus nationale.
    J’avais fait un devis de DA de la moitié de ce que j’avais demandé il y a 10 ans.
    Pas passé, réduit encore au tiers, « on prefère un forfait tout compris », qui correspond peu ou prou au quart du tarif moyen UPC de 1992.
    Le cout de l’achat d’espace est-il atomisé dans les mêmes proportions?

    Alors oui, d’accord avec Thierry Deshesdin,la photographie ne vaut plus rien, faute de support rémunérateur, et aussi parce que l’échange, le partage, la diffusion jetable ont inondé et noyé le travail de ceux qui en vivaient. Saturation visuelle, réalité « augmentée », le montage et la retouche ont fini de dévaluer, pour preuve la tentative désespérée des rencontres d’Arles pour redonner un vernis artistique et aristocratique avec le N&B, qui dans la réalité n’est plus une densité d’halogénure d’argent savamment travaillée, mais un preset lightroom/effet vignette ou instagram…
    Et donc moi aussi je réduis mes couts, je n’envisage plus de payer pour quelque chose ce que je peux avoir gratos en fouillant sur la toile.

    Une autre?: j’ai organisé un évènement pour des sociétés privées richissimes à l’occasion d’un congrès, j’ai proposé un devis pour le transport (en province), la location de matériel, les consommables, les hotels, les restos, le seul poste qui m’a été refusé était celui des droits des photos utilisées sur l’évènement, dérisoire au vu du reste, mais demande catégorique: du libre de droits, après échec pour trouver les bonnes images, ils ont consenti à payer quelques centimes à fotolia.

  35. Quelqu’un pourrait-il nous décrire les pratiques en mode, où je n’ai pas l’impression que les prix se sont cassés la figure? Pourtant, on n’y pratique pas couramment le DA…

  36. Que de babillages ! Le droit d’auteur s’est développé dans l’élan de la Révolution française et de la Révolution américaine, à la fin du XVIIIème siècle. Il figure en toute lettre dans l’article 1 de la constitution américaine. Les Américains ont le sens pratique : la créativité s’épanouit mieux sur un ventre plein que sur un ventre vide. Le principe du droit d’auteur est simple : un créateur a droit à rémunération à proportion du succès de son œuvre. Changer la règle du jeu ? Pourquoi pas ! Commençons par redistribuer aux créateurs l’intégralité des profits prélevés sur l’exploitation de leurs créations. Après tout, l’avenir c’est peut-être un nouveau socialisme culturel !

  37. Je ne comprends pas le sens de votre intervention Jean. Si tout va bien, alors les différents intervenants de ce forum sont des grognons et pourquoi changer la loi? Si tout ne va pas bien c’est
    1) que la loi ne fait pas tout;
    2) que sa renégociation risque de ne pas être une partie de plaisir. L’élan de ces deux révolutions est loin et la situation économique et politique a beaucoup changé depuis.

  38. Zut, j’ai raté de nombreux échanges. Je prépare une contribution au débat et vous la poste demain. Pas mal de choses à dire.

  39. Le droit d’auteur a été développé pour protéger la création (littéraire). Il n’était pas prévu de l’étendre aux arts appliqués et aux arts industriels. Cette extension, acquise en France au début du XXe siècle, soit bien après la Révolution (et qui explique la construction de l’argument d’originalité), soulève de nombreux et intéressants problèmes théoriques dont on trouvera ici un bon résumé: http://m2bde.u-paris10.fr/content/le-concept-des-arts-appliqu%C3%A9s-au-travers-de-sa-protection-en-droit-fran%C3%A7ais-et-allemand-par-

    Dans la majorité des exemples mobilisés dans la conversation ci-dessus, les photographies concernées relèvent d’usages publicitaires ou illustratifs, donc utilitaires. Pour compliquer le tout, rappelons que c’est le Ministère des Finances qui a décidé qu’une photographie serait originale si ses tirages étaient limités à 30 exemplaires, exécutés par leur auteur ou sous son contrôle. On est donc un peu surpris de constater que les gens de l’UPP ont une conception si sommaire du droit d’auteur en matière photographique. Est-ce par incompétence ou pour mieux glisser sous le tapis les problèmes que soulève la présomption d’originalité, qui accorderait a priori aux illustrations industrielles façon Fotolia la protection et le statut de l’œuvre d’art?

  40. J’ai participé aux négociations sur la définition de l’oeuvre originale en photographie. Il n’existait à l’époque ni l’UPP (mais son ancêtre l’UPC), ni surtout Fotolia. 🙂

    Le fisc aurait été ravi si la définition de l’oeuvre originale en photographie s’était limitée à un exemplaire, dans la mesure où son problème c’était le taux réduit de TVA dont bénéficient les œuvres originales.

    Parmi les représentants des auteurs, il y avait en gros 3 positions.
    Ceux qui considéraient que c’était le marché qui décidait de ce qui était ou non une oeuvre d’art et qui ne voyaient pas l’objet de cette définition qui leur semblait aller à l’encontre de la nature même de la photographie. Le principe de la numérotation s’inscrit dans l’histoire d’autres modes d’expression artistiques tels que la sculpture avec les fontes ou la litho par exemple. Ces modes d’expression utilisent (utilisaient?) des techniques de reproduction qui supposaient que la matrice originale s’use à chaque utilisation et que la qualité de la reproduction se dégrade au fil du tirage. Il est fréquent par exemple que certains sculpteurs imposent une limite inférieure au tirage de certaines œuvres particulièrement complexes en considérant qu’au delà de 3 ou 6 exemplaires le moule original sera trop dégradé pour assurer une qualité de reproduction satisfaisante. Ce n’était pas le cas de la photographie argentique de l’époque (encore que si les 30 exemplaires ont supposé que l’on sorte 30 fois le négatif de sa pochette, et qu’on le glisse 30 fois dans l’agrandisseur, il y aura bien une détérioration non négligeable du négatif, mais en numérique en tout cas la question ne se pose plus.)
    Ceux qui auraient voulu que ce soit 30 exemplaires par format et par support. Certains photographes qui pratiquaient déjà numérotation et signature de leurs œuvres trouvaient la définition trop restrictive.
    Et enfin, les plus nombreux, ceux qui voulaient une définition restrictive mais pas trop pour créer de la valeur et mettre un peu d’ordre dans un marché naissant. Plus que Fotolia, cette approche me semble avoir été prophétique vis à vis des sociétés telles que Yellow Corner.

  41. « Le principe du droit d’auteur est simple: un créateur a droit à rémunération à proportion du succès de son œuvre ». Pas du tout: le droit d’auteur ne peut être cédé qu’à titre exclusif, ce qui limite au contraire les exploitations possibles de l’œuvre. Cette limitation protège en pratique l’éditeur, titulaire du droit cédé, contre des exploitations concurrentes. En tant qu’auteur, face à l’explosion des opportunités éditoriales, j’ai plutôt intérêt à conserver mes droits à des exploitations multiples. On peut continuer à fonctionner à l’ancienne, dans un cadre de monoexploitation, mais je le répète, le DA, qui ôte à l’auteur tout contrôle sur son œuvre une fois celui-ci cédé, n’est pas du tout adapté au nouveau paysage éditorial.

    MàJ: Lire chez Numérama: Le domaine public est bien une chance pour l’oeuvre http://www.numerama.com/magazine/26557-le-domaine-public-est-bien-une-chance-pour-l-oeuvre.html

  42. Pour ce qui est de la conception allemande du droit d’auteur, j’ai participé à d’autres négociations, cette fois-ci entre photographes européens pour présenter un front commun à Bruxelles.
    De ce que j’ai retenu des discussions de l’époque (c’est un témoignage, pas un travail savant comme le travail d’Hermine-Charlotte FOUCHER), les allemands distinguaient à l’époque la photo dite technique de la photo artistique. La photo technique était protégée par un droit beaucoup plus restrictif en particulier, pour autant que je m’en souvienne, en matière de durée de protection, hérité je crois du système qui protégeait les dessins techniques. Toutes les associations ne voulaient plus faire de distinction entre les photos sur des critères tels que technique/documentaire/artistique. Ils étaient représentés à la fois par un juriste et par des auteurs. Ce juriste était très réticent à faire adopter par les photographes allemands une position qui leur ferait renoncer à ce régime particulier de la photo « technique », car au tribunal une procédure avec des photos qui se prévalaient de cette protection, était gagnante à tous les coups ou presque.
    Mais il a été vite désavoué par ses mandants, et a adopté la position majoritaire, à la fois parce que du coup toutes les photos devenaient « technique » selon la logique d’un bon tien vaut mieux que deux tu l’auras et sans doute aussi parce que la revendication économique du droit d’auteur recouvre une dimension sociale. la reconnaissance par la société englobante de leur qualité d’auteur aux photographes.

  43. André je ne saisis pas trop le sens de ta remarque sur Fotolia. Indépendamment de la dimension chronologique. Fotolia a réussi à détourner la lettre et l’esprit du droit d’auteur, mais a basé tout son business dessus.

  44. @ Thierry: En proposant une application automatique du critère d’orginalité, l’UPP étend par principe le statut d’œuvre protégée à toute photographie commercialisée – donc aussi à celles de Fotolia…

    En pratique, cette proposition est inapplicable pour plusieurs raisons: parce qu’elle substitue au critère d’originalité le critère d’exploitation commerciale, ce qui est redondant et paradoxal; parce que le DA est une disposition générique applicable à toutes les formes de création, et qu’on ne peut pas créer un droit spécifique pour la photo; mais surtout parce qu’elle contredit l’idée même d’un critère distinctif, qui a été forgé pour pallier à la disparition de la césure beaux-arts/arts appliqués. S’il n’y a plus aucun critère limitant le statut d’auteur (alors que même le brevet n’est pas attribué automatiquement, mais après examen du critère de nouveauté), alors toute production industrielle peut être placée sous la protection de la propriété intellectuelle – jusque et y compris la contrefaçon!

  45. Je ne pense pas que le but de l’UPP soit de retirer le statut d’oeuvre protégée aux photos de Fotolia, mais de leur imposer d’autres pratiques commerciales. Je ne vois d’ailleurs pas très bien sur quels critères tu te bases pour décider de ce qu’aucune des photos de Fotolia ne devrait être protégée. Ou alors ce serait effectivement décider que ce serait le processus de commercialisation qui permettrait de distinguer une oeuvre présentant un caractère d’originalité d’une oeuvre non protégée. Pas évident à légitimer au regard du droit d’auteur.

    Pour le paragraphe suivant, on est d’accord. Malheureusement…
    Même si je ne suis pas certain qu’au regard de l’idéologie dominante la césure beaux-arts/arts appliqués soit encore pertinente aujourd’hui.
    Mais ça ne change rien au reste de ta réflexion.

  46. Je n’ai pas dit que c’était leur but, mais c’est la conséquence logique de leur proposition. La moindre des choses, lorsqu’on envisage une modification de la loi, c’est d’essayer de réfléchir à ses conséquences. Mais la réflexion n’a pas l’air d’être la tasse de thé de l’UPP…

    « Je ne vois d’ailleurs pas très bien sur quels critères tu te bases pour décider de ce qu’aucune des photos de Fotolia ne devrait être protégée. » J’ai dit ça? Ce n’est pas moi qui décrète l’originalité, c’est le juge… Ou plutôt, comme tu le dis toi-même: c’est la « société englobante »… Et le billet qui est à l’origine de cette discussion fait le constat que cette reconnaissance est justement loin d’être acquise d’emblée… Si on a du mal à discerner l’originalité du portrait de Coluche, tu ne crois pas qu’il serait encore plus difficile de la reconnaître dans les clichés de la stockphoto?

    Bien sûr, dans le cas de la stockphoto, c’est parce que la logique d’exploitation est inverse que les critères du DA ne sont pas appropriés. Chez Fotolia, la stéréotypie et l’interchangeabilité des images ne sont pas un défaut, mais la condition même d’une exploitation multiple qui est le but du système. Il serait paradoxal de défendre cet art du stéréotype avec les armes de l’originalité.

  47. « “Vous comprenez, c’est quand même ma bobine qui est sur ces autocollants!”, s’exclame Ségolène Royal à l’audience, témoignant par là que, dans le cas de la photographie, la distinction entre le sujet et l’œuvre ne va pas de soi. »
    « Ressortant une interview de Bergeret, Guillaume Champeau souligne: «La photo de Coluche, c’est 10 secondes».  »
    Le stéréotype ici me semble être plus dans les commentaires que dans les photos.

    Et c’est d’ailleurs je pense tout le problème lorsque le juge va se prononcer sur le caractère d’originalité. Il va partager une partie des stéréotypes dominants et les jurisprudences contradictoires nous en disent probablement plus sur les juges qui les ont produites que sur les photos elles-mêmes.
    « Le refus de la pratique vulgaire exprime l’exigence de différentiation selon la logique de l’ethos de classe ». (Bourdieu – un art moyen)
    En matière de droit d’auteur (ou de droit à l’image d’ailleurs), un bon avocat sera celui qui saura utiliser les arguments susceptibles de toucher l’ethos du juge.

    Est-ce qu’il y a réellement contradiction entre ce qui est reconnu comme une oeuvre originale et l’expressivité du stéréotype?
    Je pense par exemple à l’utilisation de la figure de la Madone dans la photo de presse (sujet étudié à de nombreuses reprises sur Culture Visuelle 🙂 ), la société englobante comme le milieu photographique identifient immédiatement la photographie comme une oeuvre. C’est l’identification (consciente ou non) du stéréotype qui donne à la photo son statut. C’est une oeuvre parce qu’elle porte les signes de l’oeuvre d’art.
    Je n’ai jamais abordé la question sous cet angle, mais je me demande si finalement tout discours sur le caractère d’originalité d’une photo n’est pas un écran de fumée visant à légitimer ses propres stéréotypes sur ce qu’est ou non une oeuvre artistique. Le sujet, le format, le lieu où elle est exposée, la notoriété de l’auteur, les références esthétiques, bref tout ce qui est totalement contraire à l’esprit et à la lettre de la définition d’une oeuvre originale.

  48. « Je me demande si finalement tout discours sur le caractère d’originalité d’une photo n’est pas un écran de fumée visant à légitimer ses propres stéréotypes sur ce qu’est ou non une oeuvre artistique » Moi je suis d’accord, mais parles-en à Alain Bublex, tu me raconteras ensuite… 😉

  49. A vrai dire ce ne serait pas forcément plus facile avec nombre de mes collègues qu’ils soient amateurs ou professionnels.

    Mais ça n’en fait que plus ressortir l’élégance de la définition du tirage original en photographie. En reprenant un stéréotype plus ancien, à la légitimité bien ancrée, et avec en plus l’oint des services fiscaux, on a évacué le problème.

  50. Droits d’auteur, l’idée est sans aucun doute très belle, mais pas forcement applicable par des artisans, les photographes étant souvent des artisans et non des artistes incompris.
    Il y a droit, c’est donc une affaire juridique,
    Auteur, c’est une affaire de création,
    Pour les photographes cela devient difficile de savoir où se placer,
    Comme un créateur qui dispose d’un service juridique pour expliquer à ses clients son bon droit,
    Ou comme un modeste fabriquant d’image, qui vit de son savoir faire.
    Si quand on garantie le droit de son travail d’auteur, donc son originalité,
    Il faut aussi garantir les droits associés, des images sans passif, droits à l’image, droits des propriétaires, droits des ayants droits, droits des affectataires, j’en oublie surement, mais dans le principe cela me paraît évident.
    Ensuite vient le temps des petits calculs, garantir et certifier les droits d’une image coûte plus cher que les droits d’auteur du photographe pour cette image, alors on fait quoi ?
    La gestion des droits d’auteur, comme le préconisent certains gourous du métier, consiste à faire des images, à les publier, et à facturer les droits associés à l’usage qui en est fait. Pourquoi pas, mais entre la PdV et l’encaissement des revenus, il peut se passer des mois, des années. Cela soulève deux problèmes, comment financer ses projets et vivre de ce métier, et l’autre problème est quasi religieux.
    Le quasi religieux, le fait de travailler pour un espoir de publication, et pour un espoir de droit d’auteur ressemble à la quête du paradis, la quête du graal, à la croyance en toute sorte de promesses, ce qui n’est pas sans ressembler à des schémas religieux bien connus. Les photographes professionnels sont souvent très intégristes dans cette croyance au jack pot futur, le journalisme a porté sa pierre à l’édifice en ajoutant le scoop. Aujourd’hui cette croyance est mise à mal, l’économie moderne a bousculé la tranquillité de ce petit marché, le futur n’existe plus, mais au lieu de fabriquer des athées, ce changement a fabriqué des intégristes qui s’ arqueboutent sur leurs droits, ce que personne ne contestent vraiment, c’est juste que c’est inadapté et inapplicable.

    Difficulté supplémentaire, pour les juristes, car c’est une affaire de juriste, c’est de qualifier le mot auteur, de savoir à quoi donc cela correspond il ?

    Un très grand nombre de photographes intégristes, photographient des boites de petits pois sous l’éclairage d’un boite à lumière, ou font des reproduction de tableaux, ou des photographies d’identité, ou des reportages sur les activités culturelles locales, tout en s’identifiant aux grands noms de la photographie, ceux qui ont leurs noms gravés sur le fronton du temple de la photographie. Quel exemple d’auteur, et de droits d’auteur vont-il nous donner ? D’autant qu’ils n’ont même plus les moyens de s’offrir un avocat, alors que faire, à part leur offrir des mouchoirs.

    Pour l’affaire des Resto, n’étant pas avocat, je ne placerais pas du côté du droit, mais de l’amitié, domaine que je connais mieux. Quand on fait un cadeau à des amis, on ne met pas 27 ans à revenir sur sa générosité, même si l’on a raison sur le plan du droit, et même si le cadeau paraît un trop beau cadeau.

    Pour finir je propose à André Gunthert un sujet d’étude, « Aigreur du photographe professionnel », mais dans un contexte précis. De l’influence de la rémunération par la promesse de droits d’auteur sur la bonne humeur du professionnel. D’un côté promesse d’un paradis, tu seras payé demain, le côté église, et de l’autre pour te faire patienter on te nomme artiste, côté Napoléon, on distribue des médailles. Je reste persuadé que l’aigreur bien connue des professionnel vient de leur mode de rémunération, un chercheur saura faire le tri, on a la même problématique chez le paysan, qui n’a jamais la bonne récolte, habitude qui viendrait de l’ancien régime où les fermiers généraux basaient le montant de l’impôt sur le quand-dira-t-on.

  51. Nestor Burma je vois deux choses dans votre intervention:

    L’opportunité économique du forfait sur des travaux de commande.
    C’est un débat aussi ancien que la commande et le droit d’auteur et que l’on ne peut réduire à une réflexion sur le droit d’auteur, ou plus exactement sur qui serait ou non un auteur et aurait à ce titre une légitimité dans un modèle économique ou dans un autre. J’ai été en Suède à un congrès de photographes de ce pays avec Marc Garanger lors des premières négociations entre photographes européens. L’invité d’honneur de ce congrès était Arnold Newman dont, pas plus à l’époque qu’aujourd’hui, les photographes et la société englobante ne contestaient la qualité d’auteur. Sa réponse à Marc qui l’entreprenait sur le droit d’auteur a été « Take the money and run ».

    Une réflexion sur le droit d’auteur qui porte en creux votre vision de ce que serait une oeuvre photographique:
    « Un très grand nombre de photographes intégristes, photographient des boites de petits pois sous l’éclairage d’un boite à lumière, ou font des reproduction de tableaux, ou des photographies d’identité, ou des reportages sur les activités culturelles locales, tout en s’identifiant aux grands noms de la photographie, »

    Je la rapprocherais de ce qu’écrivait Bourdieu dans les années 60:
    « Tout se passe comme si, à travers la photographie, le statut social de l’objet photographié affectait directement celui du photographe. Mais l’objet lui-même ne tient son « aura » que de sa participation symbolique à des milieux » prestigieux. »
    Problématique dépassée depuis longtemps dans les autres arts visuels.
    Pourtant, depuis de l’eau a coulé sous les ponts. On pourrait émettre raisonnablement l’hypothèse que le statut social de la photographie dans la société englobante a changé et que la photographie n’est plus l’art des seules classes moyennes.

    Mais curieusement, au sein des professionnels et de nombreux amateurs praticiens les analyses de Bourdieu me semblent toujours aussi pertinentes.
    Est-ce parce que : » On pourrait dire de la photographie ce que Hegel disait de la philosophie: Aucun autre art, aucune autre science, n’est exposée à ce suprême degré de mépris que chacun croie qu’il les possède d’un coup »? (Un art moyen)

  52. <<Problématique dépassée depuis longtemps dans les autres arts visuels.

    j'aurais du dire :

    Un très grand nombre de photographes intégristes, photographient des boites de petits pois sous l’éclairage d’un boite à lumière, pour des fabricants de boites de petits pois, qui ne veulent que des photographies de boites de petits pois.

    <<“Take the money and run”.

    Comme le boulanger fait et vend son pain, c'est ce que j'explique à mes stagiaires, mais si l'un d'entre eux souhaite jouer à l'artiste maudit, donc pauvre, je peux lui donner des modèles de conduite.

    En France, le syndrome du scoop a fait en mal considérable dans cette profession, il faut revenir au boulanger qui fait son pain.

    RLZ

  53. @ Thierry: « Problématique dépassée depuis longtemps dans les autres arts visuels »… Enseignant à l’INHA, je peux te dire que tu as une perception très euphémisée des « autres arts visuels ». La Distinction a la vie dure, on le vérifie tous les jours quand on travaille sur les cultures populaires… 😉

    Mais par ailleurs, on est d’accord, c’est une vision qui persiste également de manière sensible en photographie, où elle est peut-être moins absurde qu’ailleurs, puisque la valeur économique d’une image est bel et bien corrélée à la valeur médiatique de son sujet (portrait de star ou vue des quais de la gare de Bretigny…).

    @ Nestor Burma: C’est un bon résumé du problème. Il y a une contradiction à vouloir appliquer à un travail artisanal un outil juridique qui impose des contraintes issues d’un univers de référence hétérogène. Ça ne peut marcher que si on n’y regarde pas de trop près, et si on admet de considérer le droit d’auteur comme une simple technique de rémunération, ce qui est me semble-t-il la position de Thierry. Ce faisant, on voit bien qu’on détricote toute la logique de la propriété intellectuelle, qui est quoiqu’on en dise une exception économique, en réalité guère adaptée au commerce. Il serait alors préférable de parler de droits d’exploitation exclusifs, principe légalisable indépendamment d’un jugement de valeur sur la production, si on voulait à tout prix en faire une option de protection commerciale.

    Mais mon sentiment, c’est que la photo est une réalité beaucoup trop versatile pour convenir à un principe d’exploitation monopolistique. Le DA qualifie des œuvres qui n’ont qu’une seule vie, qu’une seule fonction. Mais une photo n’est fondamentalement pas un objet, c’est un vecteur d’usages constamment modifiables, comme la pratique nous le montre tous les jours – la même image pouvant servir à des fins documentaires dans un contexte, esthétiques dans un autre, commerciales dans un troisième… Le libre de droit est une formule qui fournit une réponse au constat de la versatilité des usages. Pourrait-on imaginer un droit des usages et des destinations multiples, automatiquement adaptable? C’est en réalité ce que proposent les licences Creative Commons, qui permettent de ne pas perdre le fil de l’origine, tout en restant ouvertes aux réemplois. C’est peut-être de ce côté qu’il faut chercher l’embryon d’un droit plus adapté au nouveau paysage médiatique: il suffirait par exemple de prélever un pourcentage en cas d’exploitation commerciale…

  54. @André « C’est peut-être de ce côté qu’il faut chercher l’embryon d’un droit plus adapté au nouveau paysage médiatique: il suffirait par exemple de prélever un pourcentage en cas d’exploitation commerciale… »
    Tu es très proche des positions de l’UPP…

  55. << Nestor Burma opposant les photographes artisans aux photographes

    Vous ne savez pas lire, il ne s'agit pas d'une opposition, juste d'une lecture de terrain, les photographes sont des artisans.

    RLZ

  56. Voici le fruit de mon expérience de l’arrivée du numérique et des réseaux sociaux en 20 ans de travail dans le domaine de la Communication. Selon moi, choisir d’embrasser la carrière de photographe indépendant aujourd’hui, c’est jouer les Sisyphe. Les jeux sont faits.
    > BtoB/corporate : la diffusion rapide des images, accompagnée d’un accès très aisé aux banques d’images, a définitivement convaincu les entreprises qu’il n’était plus nécessaire d’acheter des images d’illustration/packshot ailleurs que sur Fotolia, soit à 1 €. Et pour un mini packshot, mieux vaut, pour le Dir. Com. investir dans un assez bon compact + une formation photoshop pour 1 de ses collaborateurs. Donc exit les photographes. Pour les reportages ou autres portraits de dirigeants : on en revient toujours à la même problématique : ou le photographe est connu et il peut demander « ce qu’il veut » (ex. Arthus Bertrand avec qui j’ai travaillé) ; soit il est inconnu et le tarif est d’environ 800€/jour (y compris jours de déplacements) [1/2 j. à 500/600€]. Droits cédés pour toutes utilisations hors pub. et presse (sujet d’ailleurs très épineux) pour la durée légale des droits d’auteur.
    > Pub : pour la pub, la signature d’un photographe célèbre peut justifier un prix de production ou même d’achat ponctuel de droits (je parle d’affiches en 4×3) extrêmement élevés. Pour peu que l’on se trouve dans un environnement urbain où figurent quelques œuvres architecturales (elles aussi soumises au droit d’auteur), la facture est si énorme, que seuls les groupes pour lesquels la pub est vitale peuvent se permettre une telle démarche. A propos des droits d’auteur des architectes, je cite cette expérience à mon sens scandaleuse : pour une entreprise, sous-traitant des constructeurs, le prix de la vignette appliqué par les architectes, il y a 20 ans de cela s’élevait à la bagatelle 1700€.
    > PLV et autres produits dérivés : tout est affaire de cote encore une fois : 2 ans d’exploitation pour le résultat d’une journée de shooting, peut s’étendre d’environ 5000 à 1000€, d’après des informations glanées auprès d’une personne en charge de cette seule responsabilité dans une grande société.
    > Mode : d’après ce que je sais (mais je ne suis pas spécialiste), l’auteur plutôt connu [je ne par le évidemment pas d’Avedon !] est bien payé… mais c’est le retoucheur qui trinque : à la prise de vue, il peut-être assistant [métier de chien] et après se voir confier la post-production. Celle-ci peut représenter un travail énorme, et pour lui, le travail est toujours au forfait : compter 600€ /retouche de 50 images multiplié par… le nombre d’allers et retours avec le client et le photographe. Un de mes amis, très doué en retouche, a ainsi totalement changé la lumière et des éléments visuels d’une série de mode shootée par une photographe renommée. Le même photographe, pour un shooting d’une journée d’une grande marque mais passant par une société de production touche 350€.
    > Presse d’actualité : exit Rapho et autres banques images. Place éventuellement aux paparazzi, plus sûrement aux Smartphones des anonymes vivant et diffusant l’événement en direct. Ceci concerne aussi bien l’image fixe qu’animée. Ex. : l’attentat en GB contre un militaire. Pour les médias c’est « tout bénéf » : pas de droits d’auteur à payer, et rapidité assurée.
    Demain j’aborderai la question de la Photographie d’art, où le New Deal en est à ses débuts, je crois.

  57. <<Les jeux sont faits.

    En fait ce n'est pas un jeu, juste un métier. Ce métier n'ayant rien d'indispensable pour l'équilibre de notre survie, il faut savoir le vendre, comme un truc futile indispensable, un peu comme les suisses vendent des montres à complications.

    Pas de quoi s'affoler, faut juste corriger un peu les façon de faire et de vendre, mais c'est vrai aussi pour beaucoup d'autres métiers.

    RLZ

  58. Je crains malheureusement de partager l’opinion d’Isabelle Raoul-Chassaing.
    Les jeux sont faits en ce sens que c’est de moins en moins un métier au sens d’une activité professionnelle autonome et rémunératrice qui demande une qualification spécifique, mais de plus en plus une compétence demandée dans toutes sortes de profession, au même titre que l’orthographe par exemple, et tout aussi bien (ou mal) maîtrisée grâce à toutes sortes d’aides technologiques comparables à la correction automatique.

    Si cette vision pessimiste s’avère réaliste, alors il est plus que jamais nécessaire pour les photographes qui veulent vivre de leur seule pratique, que ce soit sur le marché de l’art ou sur celui de la publicité, de prendre la posture de l’artiste. Mais il y aura peu d’élus, tout comme il y a peu de peintres ou de sculpteurs qui vivent de leur art.

    Les suisses ne vendent pas des montres à complication, mais des valeurs familiales. Les pubs pour les modèles destinés aux hommes me fascinent parce qu’elles font généralement le grand écart entre des objets présentés comme le sommet de la technologie d’aujourd’hui, et le respect de la tradition.
    J’ai l’impression de lire du Pincon-Charlot. http://www.alternatives-economiques.fr/sociologie-de-la-bourgeoisie-michel-pincon-et-monique-pincon-charlot_fr_art_140_14573.html 🙂
    Le fabricant est toujours horloger depuis plusieurs générations, ce qui lui a permis d’acquérir des valeurs et un savoir-faire unique, et le consommateur n’est pas le propriétaire de sa montre, mais son dépositaire dans l’attente du jour où il pourra la transmettre à son fils.

    Bon, je ne vois pas trop sur quelle idéologie nous pourrions fonder un discours qui rendrait l’activité du photographe suffisamment désirable pour que la pression économique ne soit plus qu’un mauvais souvenir.

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