La sélection 2012 de 10 formes visuelles relevées sur ce blog:
Le ridicule, clé de la culture karaoké
Quel est le point commun entre le Rocky Horror Picture Show, Star Wars et “Gangnam Style”? Ces œuvres comptent parmi les formes les plus appropriées, imitées, détournées, fandomisées de la culture récente. Elles comportent aussi à haute dose l’ingrédient du ridicule, qui apparaît comme un facteur décisif de l’appropriabilité. La culture verticale, référentielle, identitaire, est une affaire sérieuse. Pas question de rigoler avec la culture savante…
La photo de la victoire est sur Twitter
Grégory Divoux se faisait fort de prévoir à l’avance les choix illustratifs découlant de l’élection du nouveau président américain. C’était sans compter avec les réseaux sociaux, qui ont délivré tôt ce matin une autre image symbole: un baiser de Barack et Michelle Obama, se découpant seuls sur fond de ciel nuageux. Son accession au rang de symbole découle logiquement de son choix par les services du candidat pour illustrer le “tweet de la victoire”, qui est une première, et de sa reprise par les internautes, qui bat tous les records…
Sponsorisée par une marque de boisson énergisante, la mise en scène du saut stratosphérique de Felix Baumgartner a été soigneusement préparée. En dépit de toute vraisemblance, le consensus médiatique s’est accordé pour présenter ce saut en parachute comme un exploit s’inscrivant dans la lignée de l’aventure spatiale. Caillou ou oiseau: il faut beaucoup de métier et le soutien du récit pour faire passer d’une image à l’autre…
Boulet et la culture distinguée
La note du 29 mai de Bouletcorp évoque l’intégrisme du connoisseur. Plusieurs traits intéressants de l’opération culturelle y sont décrits. Loin d’être liée à l’art ou à une pratique particulière, la distinction (ici observée à partir des domaines musical et culinaire) peut s’exercer a priori sur un spectre d’activités étendu. Ce qui anime les amateurs hétéroclites de Boulet est un attachement personnel sincère. La culture est aussi affaire d’amour, ce qui contribue à expliquer la démesure ridicule dans laquelle sombrent les thuriféraires de l’endive cuite. Alors que l’opération de distinction culturelle est généralement valorisée, Boulet choisit d’en montrer le caractère désuet, ridicule et aliénant. Se situant délibérément à l’opposé du sectarisme de l’amateur, il occupe la position d’un usager neutre conduit par l’utilité, et souligne par la déformation physique l’outrance de l’amour cultivé. La culture est-elle has been?
Cannes, ou la visibilité au carré
Extériorisé en 1983 par le nouveau Palais, l’escalier du festival de Cannes est devenu la principale scène d’une mise en spectacle réglée, qui est moins celle du défilé des stars que celle de la visibilité elle-même, élevée au carré, sorte de célébration au second degré de l’exposition médiatique. Etre visible pour la caméra, c’est préserver ou augmenter son capital de notoriété…
Hollande/Depardon, le baptême du mème
La photo du portrait officiel a fait entrer François Hollande dans la satire par la grande porte. Comme pour la réception de l’affiche “La France forte”, on ne peut qu’être frappé de la vivacité de l’accueil public, qui a jugé sans concession la proposition de Depardon. Il y a des portraits qui appellent irrésistiblement le coup de crayon, la moustache vengeresse. A trop vouloir signer l’image, Depardon est passé à côté de l’exercice. La réception du web est sans appel. Soulignée par des soucoupes volantes ou des éléphants, sa bizarrerie excite la verve des commentateurs…
Instagram, photo d’hier ou de demain?
Le rachat pour 1 milliard de dollars d’Instagram par Facebook réveille toutes les acrimonies. Celles des photographes, qui n’aiment pas l’idée qu’un filtre peut rendre automatiquement une photo intéressante. Le glissement vers une image plus décorative et plus graphique est une tendance lourde de la production visuelle, qui gagne du terrain jusque dans les bastions les plus reculés du photojournalisme. Instagram ne désigne pas la photo d’hier, mais bien la photographie de demain…
Millenium, la photographie comme preuve à l’ère numérique
S’il fallait un point d’étape pour mesurer la remarquable stabilité du motif de l’authenticité de la photographie à l’ère numérique, Millenium pourrait fournir un document éloquent. Visiblement inspirée de Blow-Up, l’enquête policière menée par le journaliste Mikael Blomkvist (Daniel Craig) et son assistante Lisbeth Salander (Rooney Mara) repose largement sur un chassé-croisé de photos, dont on attend qu’elles livrent la clé de l’énigme. Si l’on peut tromper l’objectif, si certains détails défient la lecture, aucune image n’est manipulée: la photo ne ment pas. Certains plans attestent mieux qu’un long discours de la robuste continuité de l’image comme preuve. Pixel ou pas, l’authenticité coule d’un support à l’autre comme l’eau de la source…
La candidature Sarkozy? Un mème qui fait plouf
Ça n’a pas raté. Avec une réactivité significative, les premiers détournements mettent en scène Sarkozy en capitaine naufrageur, suivis de près par le baigneur naturiste du catalogue La Redoute. La rage mordante de la caricature s’adresse bien au président sortant, dont le moindre discours paraît définitivement inaudible, menacé par l’inversion et la raillerie. Révélateur de l’exaspération qu’il suscite, le sarcasme le plus cruel a consisté à mimer l’effacement du candidat sur sa propre affiche, jusqu’à la disparition…
Blue Marble. La terre vue de l’espace
La Nasa a diffusé le 25 janvier dernier la nouvelle version haute définition de l’image de la Terre vue de l’espace, dite Blue Marble. Une vision de plus en plus augmentée, de moins en moins photographique, qui reste depuis près d’un demi-siècle le quasi-monopole de l’administration américaine. Débarrassée de ses informations de contexte, elle redevient la forme idéale des origines, le spectacle de Dieu et des anges. C’est l’occasion de revisiter la galerie des images de la terre vue de l’espace…
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3 réflexions au sujet de « 10 images pour 2012 »
C’est un vrai marronnier cette histoire de « X images de l’annee ». Chaque support y va de sa petite sélection. D’où vient cette manie de sélectionner des images « cultes » parmi le flux annuel? Ce sont souvent les mêmes d’ailleurs. La société a tant besoin d’icônes pour trouver du sens à sa vie ?
Ah oui, une sélection annuelle, c’est effectivement un marronnier! 😉 Ce blog est spécialisé dans les images, donc sa sélection porte sur des images… Sinon, le principe appliqué ici est simple: les éléments consignés sur ce blog le sont d’abord pour mon propre intérêt. Si ça peut être utile à d’autres, welcome!
Faire le relevé des principaux visual facts de l’année est un exercice qui sert d’abord à tester rétrospectivement ma vigilance. Je ne suis pas trop mécontent quand, au jour le jour, j’ai été capable d’y réagir. Mais cette short-list montre aussi que les « affaires d’images » ne sont pas très nombreuses dans l’espace médiatique. On a beau répéter sur tous les tons que nous vivons une civilisation de l’image, celle-ci ne fait généralement pas l’objet d’une attention soutenue. Les rares phénomènes montés en épingle sont des exceptions qui se produisent de loin en loin. La société a-t-elle besoin d’icônes pour donner du sens? Sans doute. Mais l’image est l’arbre qui cache la forêt. La société fabrique beaucoup d’autres cadres qui donnent du sens, mais qui sont beaucoup moins visibles…
dans leur premier entretien depuis les élections Barack et Michelle Obama expliquent à Barbara Walters le contexte de la photo la plus partagée dans l’histoire de Twitter: http://www.huffingtonpost.com/2012/12/26/barack-michelle-obama-hug_n_2365485.html?ncid=edlinkusaolp00000009
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