Panique sur Instagram

Instagram va-t-il commercialiser les photos de ses membres sans leur accord? Hier, si l’on en croyait la rumeur sur les réseaux sociaux et son écho sur les sites de presse, c’était sûr et certain: Instagram vend vos photos au kilo. Les plus perspicaces évoquaient le « suicide d’Instagram« , les plus malins diffusaient sans attendre des conseils pour fermer son compte et récupérer ses photos. Et jusque sur le blog du très malpoli Frozen Piglet, chacun de répéter le mantra: « si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit ».

Un psychodrame désormais classique, suscité comme d’habitude par une modification des CGU (conditions générales d’utilisation), auxquelles personne ne fait d’habitude attention. Sauf Wired et quelques blogueurs technophiles spécialisés dans le lancement d’alerte qui fait boum et garantit une viralité maximale.

Comme lors des paniques précédentes, seuls les spécialistes habitués à la manipulation des outils juridiques comprennent de quoi il s’agit. Comme nous l’explique Lionel Maurel, la modification récente des statuts d’Instagram a pour but de les harmoniser avec l’environnement dont dépend désormais l’application: le réseau social Facebook. Rappelons aux plus inquiets qu’un contrat ne peut annuler la loi, et que toutes les CGU du monde ne peuvent nous retirer la propriété intellectuelle de nos productions publiques. Ce qui est en question relève comme l’explique Maurel du registre de la licence, notion familière du paysage de l’information virtualisée, mais un peu abstraite pour ceux qui limitent leur raisonnement à l’économie de la baguette.

Non, la marque Croustipattes ne vous volera pas la photo de votre chien pour illustrer ses boîtes de croquettes, comme l’imagine Ecrans dans un scénario qui fera sourire n’importe quel juriste. La pub de papa qui repose sur l’exposition au message, un système déjà en vigueur à Pompéi, n’est pas du tout ce qui intéresse ces machines ultra-sophistiquées que sont les réseaux sociaux. La publicité dont Facebook est le laboratoire repose sur l’économie de la recommandation. Lorsque, sur le site du Monde.fr, un encadré Facebook affiche la photo de quelques-un de vos friends également lecteurs de l’interface, vous apercevez déjà le type d’interaction rendue possible par l’interconnexion des données, la pub de demain qui n’a plus l’air d’une pub.

Ce que testent dès à présent les réseaux sociaux n’est pas l’affichage de bannières clignotantes, et encore moins la confection d’affiches papier, c’est au contraire la valorisation de l’environnement qu’ils ont créé, et qui repose sur la familiarité et la confiance, la libre circulation de l’information et la garantie de la recommandation personnalisée – tout le contraire de la publicité par définition intrusive de l’exposition au message, issue de l’ère des médias de masse, qui coutait très cher pour un très mauvais rendement.

La valeur actuellement conférée par l’économie et la finance aux réseaux sociaux, et tout particulièrement à Facebook, tient tout entière dans la foi en ce nouveau modèle d’une publicité douce, d’une publicité invisible dont ils sont la promesse.

Mais cet avenir radieux d’une économie réconciliée repose sur un ingrédient plus précieux que l’or et plus fragile que le verre: la confiance des usagers, dont on voit qu’elle est prête à s’évanouir au moindre souffle. C’est pourquoi Kevin Systrom n’a pas attendu 24 heures pour présenter publiquement ses excuses, assurant qu’il n’était pas dans les intentions du service de commercialiser les photos. Frozen Piglet, à qui on ne la fait pas, ricanera dans son coin en poussant quelques jurons. Et pourtant, l’humilité affichée du PDG d’Instagram est tout sauf factice. Son appli est bien dans la main des usagers, et ne vaudra plus un kopek si ceux-ci désertent la plate-forme.

Le retournement peut surprendre si l’on se souvient que ces outils sont mis à disposition gratuitement. Pas plus que Facebook n’appartient à Mark Zuckerberg, Instagram n’est plus la propriété de son fondateur. Si l’on comprend le modèle économique que visent leurs créateurs, dont la confiance est la condition, on comprend aussi pourquoi ces laboratoires sont le triomphe de l’appropriation. On ne fera pas faire aux usagers ce qu’ils ne veulent pas. Dès à présent, ce sont eux qui pilotent les destinées des plates-formes, ruent dans les brancards, imposent leurs conditions. Si c’est gratuit, c’est que c’est toi qui commande.

16 réflexions au sujet de « Panique sur Instagram »

  1. La publicité invisible existe déjà dans la recommandation sur les réseaux sociaux, ou lorsque des sites proposent l’agrégation de recommandations d’usagers (hotels, cinéma, musique…). On peut également apercevoir une illustration de ce programme dans la façon dont Google organise son affichage, qui vise à mobiliser une information pertinente pour un usager qui est le pilote de sa circulation informationnelle, au lieu d’une publicité intrusive qui agresse un utilisateur prisonnier du flux.

    Nul ne sait encore si les projets d’interconnexion de données tiendront leur promesses. Mais c’est bien sur cette base que se joue la bataille économique autour des réseaux sociaux, essentiellement projetée sur le paysage de demain.

  2. Holà. Je vous trouve bien optimiste, cher André. (Ce qui vous différencie, en l’espèce, de l’ami Piglet, qui pour ma part me fait souvent rire par son ton désabusé, enlevé, même s’il exagère un peu dans l’autre sens ; bref.)

    Je ne crois pas que ce soit des images dont il faut s’inquiéter. Le souci n’est pas là. Tout le monde sait désormais, ou presque tout le monde, qu’à partir du moment où vous mettez une photo en ligne, elle peut se retrouver où elle veut, où l’on décide de l’emmener promener, et même jusqu’en Papouasie. Une image sur le net peut TOUJOURS échapper à son propriétaire – qui aura toutes les peines du monde à faire respecter quoi que ce soit. Il faut le savoir, et ne pas mettre d’images trop « hautes def », d’images à contenu à « effet boomerang » (genre en slip kangourou sur ton balcon avec un air benêt), effet qui vous reviendra peut-être cinq u dix ans plus tard… Les images, c’est délicat. Toujours, et surtout « à retardement ».

    Mais s’il est un problème bien plus pernicieux, à mon avis, c’est celui du commerce des recommandations. Prenons un exemple : Un de vos amis facebook, un soir de blues, clique sur une pub FB présentant un site de rencontre un peu « olé olé ». Il apprécie la « meuf » qui illustre la mini campagne, emet un « like », jette un coup d’oeil fatigué sur le site qui finalement ne l’intéresse pas plus que ça, puis s’en va. Rien de grave. Ce dont il ne se rend pas compte, en revanche, c’est ce que Facebook va faire de son anodin « like »… Et ce que cela va produire dans votre esprit à vous, lorsque vous recevrez, avec la régularité d’une horloge atomique, l’information comme quoi votre ami « aime » le site « Meat-me ». Pour ma part je me gausse, sans le vouloir, d’apprendre qu’un tel semble aimer une fois par semaine un site qui vend des vibromasseurs ou des parapluies pour chien (alors qu’il a cliqué une seule fois sur « like » il y a peut-être des mois…). Vous voyez ce que je veux dire ? C’est là, où je trouve qu’il y a encore un sacré vide juridique. Parlons de jungle, plutôt. Dans le commerce et la récupération des actions des internautes, auxquels ses actions, quelle qu’elles soient, finissent par échapper tout à fait, outre qu’elles sont perçues différemment et de façon décalées par les personnes qui appréhendent ces informations. Ça peut, ça va, créer des problèmes.

  3. Il existe une différence entre le droit d’auteur français et le copyright américain. On peut effectivement céder le copyright, alors que le droit d’auteur est inaliénable, ce qu’on cède, c’est l’exploitation (sous condition, mais en fait, ça revient souvent au même). Mais le fait est que la conception anglo-saxonne du copyright est contraire au droit français, et nulle ici (mais pas ailleurs).

    Il est exact que la survie d’un site ou d’un service dépend de ses abonnés. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème et que « tout repose sur la confiance », autre mantra des gogos (sucker en anglais, Zuckerberg sur internet).

    Le pb est de trouver un modèle économique de l’internet. Actuellement, on en est plutôt au stade des stages non payés (piges gratuites), de quelques monopoles, et de l’étouffement par des médias, venus tard sur le net, qui essaient de surnager en captant le maximum d’audience pour tenter de devenir des monopoles (et qui serrent les fesses parce que ça va être l’hécatombe, qui a déjà commencé).

  4. Merci André.
    Ton analyse me conforte dans l’idée que nous sommes aux prémisses d’une économie digitale qui promet plus d’un rebondissement. Notre époque est formidable! Merci pour ton éclairage et ta clairvoyance. C’est tellement précieux! À bientôt

  5. « J’adore mon Julien. C’est mon chéri tu le sais. Mais depuis que j’ai vu sur Trip qu’il est descendu dans le même hôtel que cette « fameuse » Caroline, comme par hasard au même moment, et que depuis septembre il a liké le même Club de fitness qu’une de ses amies à elle (à laquelle elle est liée via FB et dont je vois tout), là je commence à avoir des doutes, tu vois. Alors quand en plus Bruno m’assure que son tchat est ouvert en permanence et que Sophia est connectée aux même heures (tu m’étonnes, quand je l’appelle à ces moments j’ai toujours son putain de répondeur !), il me reste plus qu’à vérifier que Sandra a son point GPS sur le restau où Greg bosse – quelle salope celle-là ! – pour que là, tu vois, ben Julien je me demande si c’est le bon choix !!! Et tu sais pas la meilleure : Annelise m’a envoyé un lien sur un site de porn amateur où j’ai vu qui ?? Où j’ai vu qui avec cette p*** d’Anne Sophie??? Une photo d’il y a au moins trois ans ! Je te le donne en mille ! Alors je te dis pas comment j’ai blêmi quand en plus j’ai reçu une sorte de pub comme quoi Julien « aime » (soi-disant) le court-métrage du frère de Sophia ! qui date d’un siècle lui ! pauv’ mec ! Menteur ! saloperie ! (etc.) »

    Stay offline. Be quiet 🙂

  6. Pensez-vous sérieusement avoir le contrôle lorsque vous publiez régulièrement des articles sur les nouveautés Facebook, Instagramm, lorsque vous intitulez un de vos articles « Pourquoi l’Iphone est le meilleur appareil photo » ou lorsque Thierry Deshedin écrit un article sur le Nikon D800, effectue un comparatif, suivi de 24 commentaires ?
    Et nous ne parlons pas ici de l’influence que peut avoir un discours universitaire sur ces objets et l’esthétique qu’ils font apparaître.

    Tapez « Apple » dans l’onglet de recherche de « Culture visuelle ».

    Si c’est gratuit c’est que c’est toi qui commande… Vraiment?
    C’est toi qui commande le petit monde que les réseaux sociaux et le marketing électronique ont permis de créer autour de TES centres d’intérêts, de TES images (au sens le plus large du terme), de TES objets, mais qui sont bien souvent LEURS produits. Ce ne sont pas les pratiques qui font la marque (quoi que, pour Internet ça se discute), elles forment en revanche le produit, qui reste… un produit inscrit dans une économie de marché.

  7. @ NLR: Je ne vois pas du tout en quoi je serais optimiste. Je ne fais que décrire une logique et un fonctionnement, cela ne signifie pas que j’en fais l’éloge (« avenir radieux » est, faut-il le préciser, une formule ironique…). Est-ce qu’il ne vaut pas mieux, lorsqu’on donne son avis en public, comprendre de quoi il retourne, plutôt que de répéter simplement des âneries? Se méfier des effets de ses recommandations est un réflexe malin, qui découle justement de mon analyse – et c’est bien différent que de penser qu’on va retrouver ses instagrams sur les panneaux Decaux…

    « Stay offline« , en revanche, est un conseil à peu près aussi utile que de recommander de se chauffer au jus d’orange. Peser par l’usage pour modifier son environnement numérique me paraît une option pratique plus efficace (voir ci-dessous).

    @Jacques Bolo: « cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème »: si vous me trouvez la phrase où je dis qu’il n’y a pas de problème, je vous paye une sucette. Je réponds à une série d’articles qui affirment en chœur que la modification des CGU d’Instagram a pour but de commercialiser sans autorisation les photos des usagers, ce qui est simplement idiot – copyright ou pas. Maintenant, on peut préférer une idée fausse parce qu’elle colle mieux à nos préjugés qu’une analyse juste qui les dérange.

    @Marie S.: Taper « Apple » dans l’onglet de recherche de Culture Visuelle renvoie 70 résultats (sur près de 3000 billets publiés, pas encore de quoi alerter le BVP…). Le premier de ces billets est celui de Beat Brusch qui critique l’écran Retina d’Apple. Le deuxième, de Ulrike Lune Riboni, alerte sur les risques d’un brevet qui inhibe les transmissions d’information. Je m’arrête là, voilà une méthode qui ne prouve pas grand chose, sinon une bonne dose de mauvaise foi. Sur mon blog, je parle aussi de Walt Disney, de Philip K. Dick, de Tarzan, de Tintin, de Playboy, de Sarkozy, de Ben Laden ou de Justin Bieber. Faut-il nécessairement en conclure que je suis un chaud partisan du terrorisme, du néolibéralisme, du sexisme ou de la musique d’ascenseur?

    L’opposition « TES centres d’intérêts/LEURS produits » n’est pas plus pertinente. Il faut être un piètre observateur de l’économie numérique pour ne pas constater que les applications en ligne se modifient constamment sous la pression des usages. Twitter a été proposé comme un service de publication d’états immédiats, une sorte d’extension ludique du SMS (la question qui s’inscrivait par défaut sur la case de statut était : « What are you doing?« ). Rien n’était prévu pour diffuser des signalements. Lorsqu’on s’est aperçu que la plate-forme était majoritairement utilisée pour partager des liens, des applications tierces ont été créées pour abréger la longueur des URL, avant que Twitter ne finisse par intégrer cette fonctionnalité – qui a donc bien été imposée par l’usage. De même, l’acquisition d’Instagram par Facebook apporte une démonstration éclatante du fait que la plate-forme tente de rattraper l’explosion imprévue de la conversation visuelle, et suit donc les usagers plutôt qu’elle ne les précède…

    Cela veut-il dire pour autant que les utilisateurs « contrôlent » les plates-formes? Bien sûr que non. Il s’agit évidemment d’un rapport de force. Mais un rapport de force qui n’a plus grand chose à voir avec l’équilibre qui était celui de l’industrie classique. Il suffit pour s’en rendre compte de s’imaginer Louis Renault ou Antoine Gallimard rédigeant une lettre semblable à celle de Systrom… Présenter les usagers comme des moutons bêlants qui attendent d’être égorgés, c’est véhiculer une vision qui n’a pas le moindre rapport avec la réalité. L’appropriation des réseaux sociaux est l’un des symptômes les plus évidents et les plus caractéristiques du paysage en ligne, il faut vraiment regarder ailleurs pour ne pas s’en apercevoir…

  8. @André G. Oui, en fait je n’avais pas lu votre commentaire N°2, rapport à la « recommandation » – au sujet de laquelle semble-t-il nous avons des vues semblables. Quant au « stay offline », j’ose espérer que vous y avez vu un peu d’humour (avec ce qui précède, surtout, qui n’est pas si loin de la réalité que ça…). Moi je goûte volontiers votre jus d’oranges 😉 J’espère aussi que vous avez conscience qu’avec ces réseaux pleins d’enchantements et de promesses suaves, nous allons vers une société d’auto-surveillance globalisée (on dira « transparence », ça fait moins peur), où Big Brother c’est aussi vous, c’est aussi moi… Et ce n’est plus qu’ « ils »…

  9. Petite histoire parallèle. Il y a quelques semaines, Dropbox proposait aux universitaires une augmentation de leur capacité de stockage. Pourquoi cette faveur ?
    L’explication tient peut être là aussi à la modification des CGU il y a plus d’un an : passée inaperçue, elle précise ‘simplement’ que tout contenu déposé devient la propriété de la compagnie. Il ne s’agit plus seulement d’image en effet, mais aussi de vos sauvegardes, et l’on peut deviner des travaux de recherche en cours, non publiés…
    Les moteurs pour moissonner toutes ces données ne sont sans doute pas prêts… Mais les CGU le sont… Et les utilisateurs toujours aussi présents….

  10. Décidément vous souffrez difficilement la contradiction.
    Taper « Apple » sur l’onglet recherche de culture visuelle ne prouve rien, si ce n’est qu’effectivement 2.33% des articles de « Culture Visuelle » mentionnent Apple je vous l’accorde, en revanche que vous en parliez en bien ou en mal… vous connaissez la suite, et surtout ce que cela implique pour Chris Anderson (pas pour Zitrone on s’entend).

    Qui parle d’une opposition entre TES intérêts et LEURS produits ? Il n’y pas d’opposition, bien au contraire c’est bien votre (notre) utilisation de ces produits qui présente un intérêt pour les marques telles que Facebook, Twitter et Instagram. D’ailleurs c’est vous qui parlez d’un « rapport de force », pensez-vous vraiment que Facebook s’imagine être dans un rapport de force avec ses utilisateurs ? Twitter a changé de forme, vous ne m’apprenez rien, c’est ce que je vous disais en écrivant « les pratiques forment le produit », passons, mais là encore vous parlez de « pression des usages ». Il faut être un piètre observateur de l’économie numérique (oui je sais c’est facile) pour penser que Twitter n’y a pas vu un intérêt, que Twitter comme Facebook, comme Google ne se sert pas de ces usages pour améliorer le produit, pour qu’ils correspondent mieux aux attentes des utilisateurs/consommateurs, que Twitter etc. n’a pas intégré cette données dans sa stratégie de développement.Ce n’est pas nouveau d’ailleurs, un utilisateur qui teste et améliore les fonctionnalités d’un produit, ça ne vient pas de l’économie numérique, vous le savez.

    Il s’agissait simplement pour moi de rappeler que laisser penser aux usagers qu’ils ont « les commandes » d’Instagram n’est pas innocent. Encore une fois, il n’y a pas de « rapport de force » pour Instagram, mais vous rentrez dans le jeu facilement « Il suffit pour s’en rendre compte de s’imaginer Louis Renault ou Antoine Gallimard rédigeant une lettre semblable à celle de Systrom… », vous auriez pu continuer par  » Ils ont bien compris chez Instagram, pis finalement le directeur il est ben ben sympa ! ». J’exagère mais votre ton m’y oblige.

     » L’appropriation des réseaux sociaux est l’un des symptômes les plus évidents et les plus caractéristiques du paysage en ligne ». « Une appropriation » vous en êtes sûrs? Vous voulez dire qu’il y a un transfert de propriété ? que Facebook appartient à ses utilisateurs, vraiment ?

    Il faut peut être simplement éviter la caricature – « les moutons bêlants qu’on égorge », voyons ! Le diable, des cornes et Hitler! Non vraiment quelle image avez vous des personnes qui vous lisent ? – non les usagers n’ont pas « les commandes », ils ne décident pas ce que va faire Instagram, ils peuvent influer, ils peuvent apporter un avis qui permettra à Instagram de ne pas perdre ses usagers, et de faire commerce de certaines données. Instagram s’est d’ailleurs ouvert un joli espace de réflexion sur la commercialisation de certains produits, un test géant: « Moi je veux pas qu’on utilise mes images à des fins commerciales! – Moi je veux bien, mais il faut que mon nom apparaisse – Moi je veux qu’on me pose la question et décider qui les utilisent etc. etc. etc. »

    Ce n’est pas le diable, mais ce n’est pas Oui-oui non plus, et pour revenir à un peu plus de sérieux: L’Histoire » des applications et services sur Internet c’est d’avoir été et d’être en grande partie améliorés, développés, transformés etc. par leurs utilisateurs, ça c’est la base du storytelling de l’économie numérique, c’est aussi le crédo marketing de tous les fournisseurs d’applications et services sur Internet!

  11. @ Gunthert – Bon, vous avez été vexé par le « mantra/sucker », mais il ne faut pas jouer sur les mots. “cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème” ne signifie pas que vous avez dit qu’il n’y en avait pas (et je n’aime pas les sucettes), cela signifie simplement qu’il y en a (d’autres que le schéma de « la confiance » qui correspond plutôt au « fait accompli »).

    Le point important est celui du modèle économique qui se met en place, avec le gratuit comme stratégie des monopoles. La résistance des utilisateurs est un élément de ce nouveau modèle. Mais elle porte sur les abus, pas sur l’économie de la rétribution des producteurs de contenu, qui est bien le fond du problème. On a un peu la même situation avec Wikileaks contre les Etats.

  12. @Marie S.: Soyons sérieux, en effet: ne pas mentionner Apple sur une plate-forme qui s’intéresse aux nouvelles pratiques visuelles serait inquiétant. Compte tenu du rôle qu’a joué cette entreprise dans les évolutions récentes, 2,33% me paraît une proportion qui suggère surtout le peu d’intérêt global, au niveau de la plate-forme, pour les aspects technologiques des usages ou des cultures visuelles. On chercherait en vain sur CV le billet présentant la rupture apportée par l’iPhone dans la manipulation des images, ou celui qui détaillerait l’essor conféré par l’iPad à la dimension visuelle des produits d’édition. Contrairement à vous, je regrette l’attention insuffisante des participants de CV pour les enjeux techniques – et me réjouis d’autant plus de découvrir une contribution sur ces sujets.

    «L’Histoire des applications et services sur Internet, dites-vous, c’est d’avoir été et d’être en grande partie améliorés, développés, transformés etc. par leurs utilisateurs, ça c’est la base du storytelling de l’économie numérique, c’est aussi le crédo marketing de tous les fournisseurs d’applications et services sur Internet!»

    « Storytelling« , « marketing« …: l’emploi de ces anglicismes, que je suppose disqualifiants, est-il censé contredire le constat général? Dans le cas contraire, mis à part le fait de se pincer le nez devant l’échange économique, je ne vois pas bien où se situe notre désaccord sur ce point.

    L’appropriation n’est par définition pas la propriété, qui est la détention légitime pleine et entière des droits d’usage d’un bien. J’ai proposé des éléments de réflexion plus élaborés sur la notion d’appropriation dans l’article « L’œuvre d’art à l’ère de son appropriabilité numérique » auquel je vous renvoie.

    Le billet ci-dessus a été bien compris par une grande majorité de lecteurs comme une réaction au « storytelling » quasi-unanime du mardi selon lequel Instagram se serait arrogé le droit de commercialiser ses contenus sans l’accord des usagers. Cet unanimisme explique que j’aie peut-être poussé le volant un peu trop fort de l’autre côté. Les deux formules: « si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit » ou « si c’est gratuit, c’est que c’est toi qui commande » sont évidemment l’une et l’autre des caricatures. La réalité serait plutôt dans la combinaison de ces deux injonctions. Nombreux ont été ceux qui ont su gré à mon billet de rétablir un meilleur équilibre du débat.

    Vous semblez très sensible au storytelling et au marketing des technologies de l’information. Pourtant, il n’y a rien de nouveau dans les principes que certains semblent découvrir avec ébahissement (« si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit »), qui ont présidé à l’essor de la diffusion radiophonique il y a un siècle. On n’a pas attendu internet pour faire du consommateur un produit: c’est Emile de Girardin, avec la création de La Presse en 1836, qui vend le premier sa clientèle à ses annonceurs (dont les publicités permettent d’abaisser le prix de vente du journal). Ce principe présente la même fragilité que les plates-formes électroniques d’aujourd’hui, puisqu’il repose sur la fidélité d’un lectorat étendu (l’intérêt pour l’annonceur étant qu’il touche un public important). Cette dépendance confère nécessairement à l’usager une force plus grande que d’autres configurations économiques.

  13. Ping : Besnob
  14. Ces anglicismes ne sont absolument pas disqualifiants et effectivement notre désaccord n’est pas aussi important que vous le pensiez.
    Mais il me semblait que votre article venait justement dénoncer le storytelling Instagram du 18 décembre, par un autre storytelling, celui de « l’appropriation » – justement confondu avec la propriété – des services et applications d’Internet, que je ne suis pas certain que la grande majorité des lecteurs a compris (« Pas plus que Facebook n’appartient à Mark Zuckerberg, Instagram n’est plus la propriété de son fondateur »).
    Vous faites d’ailleurs bien de rappeler l’historique de la vente d’espaces publicitaires, puisqu’il permet de retracer ici certaines origines de la formule « si c’est gratuit, c’est toi le produit » (à l’heure actuelle les journaux s’appellent Métro, 20 minutes etc.).

    Le modèle économique n’a pas beaucoup changé et les images du modèle de l’économie numérique – qui reste pour moi à définir – conservent bien des liens avec celui-ci.

    Mais je suis d’accord avec vous, Instagram n’est pas une entité toute puissante qui se sert de ses usagers comme de petits employés modèles non rémunérés et corvéables à merci. C’est bien plus complexe et sans doute bien moins tragique !

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