L’autre jour, après un cours consacré à la conquête de l’espace, une étudiante me prête un numéro spécial de Pif-Gadget (n° 2000), qui thématise l’iconographie spatiale. Je me promets d’examiner de près ce volume, d’autant plus que je sais avoir conservé un autre numéro spécial du journal.
Rentré chez moi, je retrouve mon exemplaire soigneusement entreposé. Il s’agit du n° 1000, acheté en 1988, par un réflexe de collectionneur, à un moment où j’avais depuis longtemps cessé de lire l’hebdomadaire. La comparaison des deux numéros spéciaux promet d’être intéressante. Pourtant, un doute m’assaille: il me semble me souvenir que la publication de Pif s’est interrompue peu de temps après la parution de mon exemplaire (vérification faite: en 1993 [1] Une 2e série de 53 numéros paraîtra brièvement de 2004 à 2008.).
Les indications explicites de datation étant absentes, il me faut un petit moment pour me rendre compte que l’ordre des numéros est apparemment inversé: le numéro 2000 n’est pas postérieur au n° 1000, comme on pourrait s’y attendre, mais antérieur – il a été publié en 1983.
Erreur de comptage? Retour vers le futur? L’explication est plus simple: le choix du chiffre 2000 en 1983 se réfère au nombre de numéros parus depuis l’origine du magazine, en 1945, quand celui-ci s’appelait encore Vaillant, alors que le n° 1000, qui paraîtra 5 ans plus tard, fait débuter son décompte avec le 1er numéro de Pif-Gadget, paru en 1969 [2] Un autre n° 1000 de Vaillant avait déjà été publié en 1964 – il s’agissait en fait du n° 997, paru avec 3 semaines d’avance.
Anecdote? Sans doute. Mais le constat qu’il n’a pas paru absurde à la rédaction de proposer un n° 1000 cinq ans après un n° 2000 est indicatif de la valeur de ces éditions, autocélébrations particulièrement prisées par l’univers médiatique.
Pour ces numéros spéciaux, toutes les occasions sont bonnes: anniversaires décennaux, jubilés, numéros ronds, décès du fondateur, etc… Le triple avantage d’un calendrier prévisible, d’un recyclage des sources et d’une opération de promotion entièrement consacrée au contenu propre de la publication encourage à multiplier ces exercices d’historicisation artificiels.
Quitte à bousculer un peu l’arithmétique, et en comptant sur le fait que les lecteurs les plus âgés ne seront pas exposés deux fois à l’opération éditoriale, Pif n’a pas hésité à remettre le couvert – sans omettre de publier comme il se doit la médaille commémorative de l’événement: en 1983 pour le n° 2000, en 1988 pour le n° 1000… (avec mes remerciements à Marie-Madeleine Ozdoba.)